Nouvelle législation en vue pour l’économie circulaire

économie circulaire
Le 6 septembre 2019

Le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, présenté le 10 juillet 2019 en Conseil des ministres, est l'une des priorités de la rentrée parlementaire, comme l’a indiqué le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Sa première discussion en séance publique est prévue au Sénat les 24, 25 et 26 septembre 2019.

 

La prise de conscience des limites des ressources de la planète et du besoin de les économiser a fait émerger vers les années 1970 la notion d’économie circulaire, un modèle économique dont l’objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages de ressources (matières premières, eau, énergie) ainsi que la production des déchets.

 

Fruit de la concertation dans le cadre des travaux de la Feuille de route pour une économie circulaire, ce projet de loi définit quatre nouvelles priorités : mettre fin au gaspillage pour préserver les ressources naturelles, mobiliser les industriels pour transformer les modes de production, renforcer l’information du consommateur et améliorer la collecte des déchets en luttant contre les dépôts sauvages.

 

Ce projet de loi associe des mesures de transposition partielle des obligations européennes en les complétant par des prescriptions purement nationales.

 

Plus près de nous, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 2015 a reconnu cette transition vers une économie circulaire comme un objectif national et l’un des piliers du développement durable. Le Code de l'environnement (article L.110-1-1) comporte ainsi une définition de l’économie circulaire[1]. Publiée le 23 avril 2018, une « feuille de route économie circulaire » présente une liste de mesures concrètes d'application.

Au niveau européen, les instances communautaires se sont aussi emparées du sujet : la Commission a publié en décembre 2015 son « plan d'action » à déployer au cours des années 2016-2018 sur les différents thèmes liés à l’économie circulaire (définition d’objectifs et d’actions de prévention et de gestion des déchets, mise en place d’une stratégie européenne sur les déchets plastiques, lutte contre le gaspillage alimentaire...).

Le récent « Paquet économie circulaire », adopté le 30 mai 2018, dans la suite du plan d’action de décembre 2015, a renforcé ce cadre qui a encore été complété par la directive (UE) 2019/904 du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement.

Lors du conseil des ministres du 10 juillet 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire et la secrétaire d’État ont présenté un nouveau projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire. Préalablement soumis au Conseil national de la transition écologique, au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique et au Conseil national d’évaluation des normes et des collectivités, il a fait l’objet d’un avis du Conseil d’Etat le 4 juillet 2019.

Quatre nouvelles orientations

Le projet qui s’inscrit donc dans un cadre normatif très dense, a aussitôt été déposé au Sénat. Quatre nouvelles orientations y sont définies : mettre fin au gaspillage pour préserver les ressources naturelles, mobiliser les industriels pour transformer les modes de production, renforcer l’information du consommateur et améliorer la collecte des déchets en luttant contre les dépôts sauvages.

Afin que le consommateur soit en mesure de faire des acquisitions éclairées au regard de la qualité et des impacts environnementaux des produits ou de les faire réparer, une meilleure information est organisée principalement quant aux produits générateurs de déchets,  leur réparabilité, le tri et l'utilisation de pièces détachées. le texte comporte notamment une obligation, spécifique aux équipements électriques et électronique, d’information sur leur caractère réparable.

Pour lutter , en second lieu, contre le gaspillage, afin de limiter l’élimination des déchets et d’en favoriser le recyclage et la réutilisation comme le préconisent les textes européens, le projet pose notamment le principe d'interdiction d'élimination des invendus des produits non alimentaires qui sont encore utilisables ; pour la construction, il renforce les diagnostics « déchets » dans le cadre d'une opération de démolition.

Le troisième objectif de responsabilité des producteurs, est au cœur du nouveau texte qui définit un cadre au sein duquel les producteurs, importateurs ou exportateurs de produits générateurs de déchets, doivent justifier des conséquences de la gestion des déchets issus de leurs produits. Le périmètre du principe pollueur-payeur est notamment adapté par la responsabilité élargie des producteurs, jusqu’à l'éco-conception des produits, leur réemploi, la réparation, la réutilisation et l'insertion par l'emploi.

Le texte fixe également le cadre au sein duquel un éco-organisme perçoit et utilise les contributions financières des producteurs de produits soumis à un principe de responsabilité élargie des producteurs. Un nouveau cadre relatif à la vente et aux conditions de reprise des produits usagés est fixé ; il précise notamment les modalités de déploiement de la consigne pour réemploi et étend l'interdiction de l'utilisation de plastiques oxodégradables[2].

Enfin, une large habilitation est demandée au Parlement pour permettre la transposition par ordonnances des directives européennes relatives aux déchets ainsi que la mise en oeuvre de certaines dispositions prévues par la feuille de route de l'économie circulaire.

Une transposition partielle des obligations européennes, des prescriptions purement nationales

Globalement, le projet de loi associe ainsi des mesures de transposition partielle des obligations européennes en les complétant par des prescriptions purement nationales.

Conformément aux directives européennes, il faut retenir que le texte révise le régime de responsabilité élargie du producteur (REP) en étendant son champ d’application avec des dispositions complémentaires. Trois nouvelles filières de REP (emballages non ménagers, lingettes pré-imbibées et mégots de cigarettes, prévues par la directive-cadre) sont crées ; il prévoit en outre cinq nouvelles filières de REP dont la mise en place n’est pas imposée par le droit européen ; il met le code de l’environnement en conformité avec les prescriptions européennes en matière de REP qui encadrent l’activité des éco-organismes, précisant les modalités de calcul et de modulation de l’éco-contribution et imposent la reprise des produits usagés relevant de ces filières, même en l’absence de nouvel achat.

Le projet comporte des mesures que le droit européen n’impose pas : il élargit la liste des coûts couverts par l’éco - contribution, prévoit la prise en compte du principe européen de proximité parmi les critères d’attribution des marchés par les éco - organismes et élargit la portée du principe de reprise sans frais des produits usagés. Il reprend en outre des suggestions figurant dans les directives, en particulier la mise en place de systèmes de consigne, dont il ne précise toutefois pas le périmètre mais qui devrait être applicable aux bouteilles en plastique pour les boissons.

Plusieurs régimes sectoriels sont renforcés, en particulier en matière de tri des ordures ménagères ou de suivi des substances dangereuses incluses dans les produits afin de renforcer le dispositif de suivi et de contrôle du respect des obligations européennes

Le projet de loi renvoie certaines modalités d’application à des dispositions réglementaires (produits et matériaux devant incorporer un taux minimal à définir de matières recyclées, consigne), ou il prévoit des ordonnances à cet effet.

Comme le notait la commission sénatoriale des affaires européennes[3], ces contraintes et obligations ne devraient pouvoir être imposées que dans la mesure où elles sont dûment justifiées au regard des objectifs européens et nationaux en matière d’économie circulaire, ne pénalisent pas à l’excès les opérateurs économiques établis en France par rapport à leurs concurrents étrangers, y compris européens, et enfin font l’objet de délais de mise en oeuvre et d’un accompagnement adapté.

[1] « La transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets. »

[2]  Qui se fragmentent mais ne sont pas biodégradables

[3] Rapport d'information n° 682 (2018-2019) de M. Pierre MÉDEVIELLE

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