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Julie Patte : « Il faut aller chercher les publics mécontents ou invisibles »

Julie Patte
Le 19 mars 2019

Julie Patte est échevine en charge notamment de la participation citoyenne à Charleroi, en Belgique. Elle veut faire de la première ville de Wallonie (200 000 habitants) un modèle de participation citoyenne. Explications.

Quelles sont les actions actuellement menées par Charleroi en matière de participation citoyenne ?

Plusieurs dispositifs de participation existent déjà (conseils de participation, comités de quartier, droit d’interpellation en conseil communal, relais de quartier, etc.), mais, sur la base de leur évaluation, qui sera réalisée avec les citoyens, nous allons les améliorer et les diversifier, c’est tout l’enjeu de notre nouvelle mandature. La participation citoyenne est au cœur de notre projet de ville, notre ambition étant de co-construire nos politiques publiques avec les habitants. Nous allons mener une grande enquête citoyenne dans nos cinq districts (Nord, Centre, Ouest, Est, Sud) dont l’objectif est d’aller chercher des habitants qui ont moins l’habitude de participer (jeunes de moins de 35 ans, personnes fragilisées socialement, communautés issues de l’immigration, etc.). Cette enquête, lancée le 21 février 2019, durera 6 semaines, jusqu’au 30 mars 2019. Nous lançons aussi un appel aux projets participatifs du 15 mars 2019 au 30 avril 2019 sur le territoire de la ville de Charleroi, visant le renforcement de la convivialité et de la cohésion sociale dans ses quartiers. Parallèlement, nous organisons les états généraux de la participation citoyenne jusqu’en juin 2019. Nous avons aujourd’hui une trentaine de comités de quartier actifs sur des zones précises.

Je crois très fort aux appels à projet plus souples, à l’échelle d’un quartier, pour garder la spontanéité de l’engagement citoyen et éviter les lourdeurs administratives.

La ville de Charleroi est caractérisée par une grande mixité sociale. Des actions spécifiques sont-elles mises en place pour favoriser la participation de tous les Carolos ?

Le district du centre-ville a connu des problèmes sociaux et de sécurité et un exode de ses habitants, liés au passé industriel du territoire. C’est d’ailleurs dans ce district qu’a été expérimenté le premier conseil de participation pour être plus à l’écoute des habitants. Ce dispositif a ensuite été étendu à l’échelle du territoire de Charleroi. Aujourd’hui, nous avons cinq conseils de participation, avec entre vingt et trente citoyens investis dans ces conseils. Nous souhaitons aller plus loin en matière de participation citoyenne.

Justement, vous avez défini un projet de ville 2019-2024. La participation citoyenne y a une place de choix puisqu’elle dispose d’un chapitre à part entière. Ce projet lui-même doit être enrichi par des propositions issues de la société civile. Comment expliquez-vous un tel engagement en faveur de la participation citoyenne ? Est-ce pour vous l’avenir de l’action publique ?

Nous allons renforcer le rôle des conseils de participation, organiser dans chaque district au moins une assemblée générale annuelle, développer l’e-consultation, créer plus d’espaces de co-construction et de solutions à l’échelle des quartiers, renforcer les missions de la maison pour les associations et proposer plus d’appels à projets en matière de budgets participatifs (petits projets de quartier, projets de générations, projets plus structurants). Nous vivons un tournant par rapport à notre démocratie représentative. Il y a un rejet du politique, et des formes plus spontanées d’implication citoyenne comme le montre le mouvement des gilets jaunes en France et en Belgique, ou celui des lycéens pour agir sur le climat en Belgique. Les corps intermédiaires (associations, syndicats) ont du mal à recruter… Face à un contexte de défiance de nos institutions, la participation citoyenne est une réponse. Mon challenge, au cours de cette mandature, est d’aller chercher ces publics mécontents ou invisibles.

Parmi les différentes actions envisagées, on trouve notamment la création des budgets participatifs, la réunion d’un conseil communal citoyen annuel, etc., il y a aussi des propositions en matière de transparence, d’open government et même la création d’un comité d’éthique et de déontologie. L’accroissement de la participation citoyenne passe-t-il par une évolution profonde de toutes nos manières de faire actuelles ?

Oui, je suis convaincue que notre modèle institutionnel est de moins en moins pertinent s’il ne prend pas suffisamment en compte l’avis citoyen. En tant que décideur public, il faut remettre en cause ces manières de fonctionner. C’est pourquoi, je crois très fort aux appels à projet plus souples, à l’échelle d’un quartier, pour garder la spontanéité de l’engagement citoyen et éviter les lourdeurs administratives.

 

En Belgique, les jeunes lycéens manifestent toutes les semaines pour exhorter le Gouvernement à agir face au changement climatique. En France, nous avons pour notre part le mouvement des gilets jaunes qui réclame plus de démocratie directe. Comment analysez-vous ces mouvements ? La société civile souhaite-t-elle désormais être maîtresse de son avenir ?

Nos lycéens sont très actifs et précurseurs. Nous les avons reçus à Charleroi, avec le bourgmestre. Ils expriment un ras-le-bol face à la complexité institutionnelle, très marquée en Belgique (région flamande, région wallonne, statut de Bruxelles à part, ce qui amène, dans ce cas-ci, à un immobilisme de la classe politique pour adopter les mesures climatiques ambitieuses. Ce sont aujourd’hui les citoyens qui sont avant-gardistes, nous devons transformer ces mouvements citoyens spontanés en projets positifs et concrets. Nous avons, par exemple, décidé, avec les lycéens, de consacrer une journée au climat, le 27 juin 2019, pour trouver ensemble des solutions concrètes dans le cadre de projets pédagogiques.

Nous allons mener une grande enquête citoyenne dans nos cinq districts (Nord, Centre, Ouest, Est, Sud) dont l’objectif est d’aller chercher des habitants qui ont moins l’habitude de participer (jeunes de moins de 35 ans, personnes fragilisées socialement, communautés issues de l’immigration, etc.).

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