Grand Barouf Numérique : les 1001 visages du futur numérique

Le 29 mars 2019

La 3e édition du Grand Barouf Numérique a réuni près de 3 000 personnes à la CCI de Lille. « Qui gouverne le monde ? » était le titre interpellatif de cette année. Si les Gafam tiennent les rênes de la technostructure, les citoyens détiennent celles du contenu. Un bras de fer où le vainqueur n’est pas toujours celui que l’on croit…

« C’est le salon numérique le moins technologique du monde », assure, dans une jolie formule, Akim Oural, conseiller métropolitain délégué à la MEL (Métropole européenne de Lille), en charge du schéma d’aménagement numérique et des nouvelles technologies.

La troisième édition du Grand barouf numérique a eu lieu les 20 et 21 mars à la CCI de Lille et cet évènement de design fiction sur la transformation numérique de la société a une nouvelle fois transformé les échanges en une session parlementaire visant à examiner et amender un potentiel projet de loi numérique d’anticipation. 2 800 personnes se sont livrées à l’exercice autour d’un thème aussi vertigineux qu’un questionnement darwinien : « Qui gouverne le monde ? ».

Akim Oural
Akim Oural : « 40 % de la population reste éloignés du numérique. Il doit mieux investir l’espace citoyen »
©Antoine Repesse (Mel)

« À priori, les Gafam, mais ce n’est pas aussi simple », sourit Akim Oural. Derrière le terme de barouf pourrait se glisser l’acception de grand tapage, plus péjorative. Mais l’expression synthétise assez bien le contexte polymorphe : le numérique offre simultanément, au bout de nos doigts, de nos envies, de nos fêlures, de nos espoirs, de nos noirceurs, un merveilleux concert de Mozart en direct ou une tuerie à Christchurch. Mettre de l’ordre dans le barouf ? Utopique… Apprendre à gérer cette offre terriblement maximale, à rester soi face à des algorithmes qui enrégimentent nos capacités d’attention, c’est déjà de l’ordre du concret…

L’horreur du numérique électif

« Internet n’existait pratiquement pas il y a dix ans », rappelle Akim Oural. Le numérique découvre à la fois des champs de coquelicots et le pire de l’humanité ; les deux existaient avant, ils sont à portée de main. Cette révolution d’une portée aussi forte que celle de Gutenberg interroge : pourquoi donner nos données sans réagir ? Le numérique va-t-il finir par occire la démocratie ? Le numérique, anxiogène ou constructif ? Ainsi, à l’heure où n’importe qui peut devenir, en trois clics, le porte-voix plus efficace d’une cause qu’un expert en trente ans, quelle confiance accorder au numérique, anamorphose d’une réalité complexe où l’expertise rivalise (mal) avec le café du commerce ?

Benjamin Bayart, co-président de La Quadrature du Net et militant de la neutralité du net, a alerté les députés présents dans la salle. « Ne faites jamais passer un vote sérieux par un ordinateur, vous ne savez pas ce que fait le programme, a-t-il insisté. Le vote secret est une condition non-négociable à la démocratie, or on ne peut contrôler un vote sur ordinateur que si on sait qui a voté quoi ».

Tatiana de Feraudy, coordinatrice de l’Observatoire des Civic Tech, considère que ces données peuvent être contrôlées par la Cnil, qui « pourrait tout à fait servir d’intermédiaire pour que l’électeur puisse participer de manière anonyme ». Cnil versus Google, le combat paraît inégal…

Illectronisme, le nouvel illettrisme

« Le vrai défi reste celui de la transparence. Prenons le grand débat, on ne sait pas comment les contributions vont être utilisées, comment la synthèse sera faite. L’open source, comme possibilité d’accéder au code source du logiciel, permet de comprendre comment fonctionne cet outil, comme ce fut le cas de Parcoursup pour comprendre comment le mode de sélection des candidats », affirme Akim Oural. Avant de démissionner de son poste de secrétaire d’État au numérique, Mounir Mahjoubi a insisté sur une des priorités de l’action publique : la lutte contre l’illectronisme : « Aujourd’hui, il y a une attente des Français d’une réponse systémique, on ne parle pas juste d’aider quelques personnes. On dit comment on accompagne les 13 millions de personnes qui sont loin du numérique, qui sont des chercheurs d’emploi, des retraités, des personnes très âgées mais qui sont aussi parfois des très jeunes, a-t-il pointé. Ce que je trouve intéressant dans ce moment spécifique de l’histoire numérique française, c’est qu’on a l’opportunité incroyable de réunir toutes les ressources nécessaires pour conduire cette mission ».

Vers une 5G inclusive

Est-ce que les Gafam nous gouvernent vraiment ?

« Le numérique doit investir l’espace citoyen. 40 % de la population en restent éloignés. Ce qui signifie que la démocratie reste encore difficilement appréhendable. Il y a donc en effet un gros travail de formation numérique à faire. Le grand barouf est né pour anticiper les changements de la société. Le numérique doit être un élément de rapprochement entre les usagers et l’administration publique. La technologie, c’est bien, la 5G arrive, mais le plus important reste de pouvoir étendre l’utilisation basique et essentielle d’internet à tous », conclut Akim Oural.

La 4e édition, sans doute en février 2020, traitera de l’impact social du numérique : moins de conférences, plus d’ateliers, un maximum d’habitants, dans une dynamique d’éducation populaire…

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