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Philippe Arramon-Tucoo : « Les outils de coordination seront au cœur de la médecine de demain »

Le 23 mai 2019

À l’horizon 2030, la médecine libérale devra être en capacité d’apporter l’essentiel des soins sur tous les territoires grâce aux innovations technologiques mais aussi organisationnelles. C’est à partir des réalités et des spécificités territoriales que les médecins pourront innover et se réorganiser. Entretien avec Philippe Arramon-Tucoo, président de l’URPS des médecins libéraux de Nouvelle-Aquitaine.

Comment la médecine libérale se prépare-t-elle à relever les défis de la santé en 2030 ?

L’enjeu de la médecine, aujourd’hui comme demain, c’est de faire face à la raréfaction de l’offre de soins, et en particulier des professionnels libéraux, dans un contexte de pression des pouvoirs publics pour répondre au principe d’égalité d’accès aux soins dans les territoires. Les enjeux sont humains et les réponses sont multiples. Aucun territoire n’est égal à un autre, et nous devons faire preuve d’un très grand pragmatisme pour nous adapter à la demande. Il s’agit là d’une responsabilité collective de tous les acteurs avec lesquels nous devons avoir de véritables partenariats.

Il faut être en capacité d’apporter l’essentiel des soins sur tous les territoires.

Les nouveaux modes organisationnels et les innovations technologiques nous permettront de mieux nous coordonner. Car l’exercice isolé est dépassé, il n’a plus d’avenir en termes d’efficacité et d’efficience. Le travail des médecins libéraux change, sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et de son lot de polypathologies aux traitements complexes. Nous devons réapprendre à travailler ensemble, premier et second recours, médico-social, ville et hôpital public ou privé. Nous avons besoin d’outils de coordination.

De quels moyens disposez-vous pour vous réorganiser ?

Les plateformes territoriales d’appui (PTA) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) vont dans le bon sens sous réserve qu’elles soient impérativement sous la gouvernance des professionnels libéraux afin de respecter l’esprit de leur création. Nous avons de bons résultats avec la PTA des Landes. Nous avons été à l’initiative des CPTS de Bergerac en Dordogne et Mauléon, en territoire de montagne. Le principe est de rassembler les professionnels de santé pour un exercice coordonné autour d’une population locale. Ce sont des succès et de beaux exemples de regroupement de médecins, d’infirmières, de pharmaciens de kinésithérapeutes amenés à intervenir en première ligne.

En 2030, le patient aura probablement chez lui une panoplie de capteurs. Le médecin sera alerté sur son téléphone. Les assistants médicaux, aux fonctions polyvalentes, et les inrmier·es, assureront des activités déléguées.

Mais cela a été très lourd à organiser et administrativement très complexe. Il a fallu cinq ans. Nous aurions alors aimé que l’agence régionale de santé (ARS) facilite les démarches administratives au lieu de demander toujours plus de papiers et charger les promoteurs de lourdes tâches. C’est ce type de partenariat dont nous avons besoin. Nous avons aussi des craintes que les objectifs affichés masquent des choix non dits, comme de faire rentrer les hôpitaux dans les CPTS. Par endroits, on voit arriver à la manœuvre les groupements hospitaliers de territoires (GHT). Ce serait un non-sens. Les hôpitaux n’ont pas vocation à assurer le premier recours mais doivent se recentrer sur leur cœur de métier en coordination avec les professionnels libéraux. Il y a un vrai décalage entre les discours officiels et la réalité de la politique de santé.

Quels impacts des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle (IA) sur l’offre de soins ?

Tous les outils de télémédecine, la téléconsultation, la téléimagerie, la téléexpertise et plus généralement les outils de coordination vont se développer de manière significative.

« Paco globule » est un outil logiciel de coordination de plus en plus utilisé en Nouvelle-Aquitaine. Il permet à tous les professionnels autour de même passion d’échanger des données et des informations de façon graduée. Ceci favorise une meilleure prise en charge des patients, une réactivité bien meilleure est un gain de temps considérable pour tous les acteurs. Nous sommes en train de monter une plateforme de téléimagerie régionale permettant d’assurer la permanence des soins en établissement de santé sur toute la Nouvelle-Aquitaine mutualisant ainsi les ressources humaines et permettant de remédier au déficit de radiologues dans certains territoires.

Le développement de l’IA est exponentiel. Depuis le diagnostic jusqu’à la chirurgie. La reconnaissance vocale progresse en qualité au fur et à mesure de son utilisation. Les aides au diagnostic se développent dans de nombreuses spécialités.

Des solutions implémentées dans les machines proposent des évolutions significatives. En imagerie, les algorithmes de détection des tumeurs sont de plus en plus performants

De nouveaux services seront apportés au domicile des patients ainsi qu’aux professionnels de santé. On y gagne en efficacité. Dans tous les congrès de médecine, la part de l’IA augmente dans les communications médicales.

La planification préopératoire avec modélisation 3D permet de personnaliser au mieux l’acte chirurgical et donc la réussite de cet acte.

En 2030, le patient aura probablement chez lui une panoplie de capteurs. Le médecin sera alerté sur son téléphone. Les assistants médicaux, aux fonctions polyvalentes, et les infirmiers, assureront des activités déléguées. Les médecins devront enfin être soulagés des tâches administratives et auront plus de temps à consacrer à leurs patients polypathologiques, à l’éducation thérapeutique et à la prévention.

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