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Infirmier·es : des organisations de proximité repensées par les professionnels

Le 23 mai 2019

Les infirmier·es en 2030 seront en première ligne pour favoriser l’accès direct aux premiers soins avec une majorité de prestations à domicile. Objectifs : faciliter la consultation infirmière, intervenir rapidement et éviter les hospitalisations. Les soins palliatifs à domicile pour accompagner la fin de vie, la lutte contre le cancer ou encore la prévention du vieillissement pourraient aussi entrer dans le périmètre des infirmier·es.

Par Véronique Hantzberg, présidente de l'URPS infirmiers de Charente

Les besoins en prestation de santé vont être profondément modifiés sous les effets conjugués du vieillissement de la population, du développement exponentiel des maladies chroniques et dégénératives, ainsi que l’essor des technologies (intelligence artificielle) et des systèmes d’information (data). La nature des soins va évoluer de concert, avec une proportion de prestations à domicile bien plus importante qu’aujourd’hui. Or, nous sommes dans un contexte de désertification médicale sans précédent et rien ne garantit que l’arrêt du numerus clausus pour les étudiants en médecine inverse la tendance. Les enjeux vont être économiques et sociétaux : il va falloir soigner mieux avec efficience en impliquant les patients afin que ceux-ci deviennent acteurs de leur santé au lieu de la subir. Ce qui implique un changement radical de paradigme avec la prévention et la promotion de la santé qui étaient jusqu’alors les parents pauvres de notre système de santé.

La création dans la loi d’un statut d’infirmier référent et de professionnel de santé de premier recours formaliserait une réalité d’exercice qui pourrait résoudre en partie la désertification médicale et la permanence des soins. Certaines mesures simples, et de bon sens, permettraient de faciliter l’accès aux soins et à la coordination, de remédier à la désertification médicale et apporteraient un gain de temps médical utile aux médecins. Permettre un accès aux soins directs du patient aux compétences autonomes de l’infirmier·e libéral·e sans passer par le médecin traitant en est une, par exemple en instaurant une consultation infirmière de première ligne qui permettrait à l’infirmier.e libéral.e de prendre en charge les affections bénignes et orienter, si besoin, le patient vers le médecin traitant, le spécialiste, un centre de traitement des plaies, etc. Ces activités de diagnostic, de prescription et actes techniques seraient définies par une liste limitative. Tout nouveau patient fragile, chronique et/ou présentant des polypathologies devrait y avoir accès car cette consultation permettrait une meilleure prise en charge clinique génératrice d’économies de dépenses de santé grâce aux soins et aux hospitalisations évitées. Il faudrait en même temps élargir le droit de prescription des infirmier·es pour certains examens de contrôle biologique afin d’intervenir rapidement et éviter certaines hospitalisations (déshydratation, dénutrition, etc.). La réponse serait plus rapide et permettrait de réserver la visite du médecin pour le diagnostic. Autoriser les infirmier·es à prescrire les examens de suivi recommandés par la HAS pour les patients insulino-dépendants dont ils ont le suivi permettrait d’économiser les 38,5 millions d’euros du programme Sophia1, par exemple. De même, afin de réduire la mortalité évitable, de promouvoir la santé et de rendre les patients acteurs de leur parcours, il faudrait intégrer et reconnaître l’éducation thérapeutique dans la prise en charge de tous les patients atteints de pathologies chroniques en créant une consultation et un suivi infirmier dédiés ainsi qu’un accompagnement à l’auto-gestion de la maladie.

Un besoin fort, qui répondrait aussi à l’attente de 80 % de la population, est une meilleure prise en charge de la fin de vie. Il conviendrait d’accompagner le développement des soins palliatifs à domicile. Les professionnels de santé pourraient mettre en œuvre plus facilement de ce type de soins à domicile si le maillage territorial des unités mobiles de soins palliatifs était plus développé. Il serait nécessaire aussi de favoriser la formation interprofessionnelle en prise en charge de la fin de vie à domicile.

La lutte contre le cancer, est et sera toujours, une priorité nationale. Nous devrions accompagner le développement des nouveaux traitements du cancer (chimiothérapie orale, par exemple) par un suivi hebdomadaire à domicile systématique des patients sous anticancéreux oraux. Il permettrait de suivre l’observance du traitement, de remonter les effets indésirables, de donner des conseils en relation étroite avec les médecins traitants, les oncologues et les services hospitaliers. Cela améliorerait l’observance thérapeutique par la remontée de données exploitables et de sécuriser le parcours des patients cancéreux.

D’autres mesures pourraient réduire le recours aux urgences hospitalières comme d’impliquer les infirmier·es libéral·es dans l’organisation de la permanence des soins ambulatoires en les associant en appui des médecins généralistes.

Nous pourrions aussi prévenir les conséquences du vieillissement par un repérage précoce de la fragilité en révisant les modalités de mise en œuvre du PAERPA2 : l’équipe de soins primaires (ESP) prendrait alors tout son sens, périmétrée au tryptique médecin, infirmier, pharmacien avec des sommes allouées et fléchées réglementairement.

Acculturer les infirmier.es libéral.es à la démarche qualité pour améliorer les pratiques et la qualité des soins en prévoyant une bonification conventionnelle aux infirmières libérales qui s’engagent dans une démarche qualité.

L’évolution de nos pratiques sera accompagnée par l’innovation numérique, nous serons des infirmier·es connecté·es.

1.Sophia est le service d'accompagnement des malades chroniques de l'Assurance maladie ; https://www.ameli.fr/assure/sante/assurance-maladie/service-sophia-pour-accompagner-les-malades-chroniques

2. Personnes âgées en risque de perte d'autonomie.

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