Internet, un levier de financement innovant pour les hôpitaux

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Le 18 janvier 2019

La situation financière des hôpitaux et des collectivités nécessite de diversifier leurs sources de recettes. Certains reçoivent des dons et legs, parfois au moyen d’un fonds de dotation, et peuvent ainsi par exemple financer des projets d’intérêt général, d’amélioration des services publics, de l’accueil des usagers/patients ou de la qualité des soins. S’il est possible de déplorer cette situation et les pratiques d’appel aux dons qui en découlent, le pragmatisme encourage toutefois les directeurs d’hôpital, les administrateurs et les élus à s’y intéresser. Plusieurs solutions innovantes s’offrent à eux : un moteur de recherche transformant les recherches internet des agents en argent orienté vers un fonds de dotation ou une association, une application permettant d’effectuer des dons gratuits, ou le crowdfunding avec contreparties, afin de dynamiser les collectes de fonds. Ces solutions connectées ont pour avantage de toucher une population tendanciellement plus jeune et d’ordinaire moins susceptible de réaliser des dons financiers directs à l’occasion de collectes de fonds classiques.

Des solutions alternatives au moteur de recherche Google

D’autres moteurs de recherche que Google et Bing permettent de protéger la vie privée de leurs utilisateurs et d’atténuer le coût carbone des recherches effectuées sur internet dans la sphère privée mais aussi sur le lieu de travail, l’un d’entre eux peut même devenir un levier innovant pour dégager des recettes.

Les moteurs de recherche tels qu’Ecosia (allemand), Qwant ou Lilo (français) font partie des moteurs de recherche que l’on peut qualifier de « responsables » dans la mesure où ils protègent la vie privée des utilisateurs, enjeu d’actualité avec l’application du RGPD, et compensent de façons diverses le coût carbone de leur usage. S’il n’existe a priori aucune règle encadrant l’utilisation par défaut d’un moteur de recherche, les administrations, collectivités, hôpitaux ou autres peuvent tout à fait choisir d’utiliser un moteur alternatif, plus vertueux.

Plusieurs institutions (Assemblée nationale, récemment), des collectivités locales, des établissements scolaires, des ministères (ministère des Armées), des services déconcentrés de l’État (Rectorat de Martinique) et des centres hospitaliers publics ont déjà opté pour ces acteurs alternatifs, en particulier Qwant.

S’il est possible d’utiliser un moteur de recherche alternatif de façon plus « désintéressée », plusieurs hôpitaux ont toutefois choisi d’utiliser Lilo, moteur français, pour financer un fonds de dotation[1] ou des projets d’intérêt général variés. Le modèle économique de Lilo vise à reverser la moitié de ses revenus qu’il perçoit de la publicité sous forme de « gouttes d’eau » (environ une goutte d’eau par recherche, mille gouttes représentant deux à trois euros) qui peuvent ensuite être données à des associations choisies par l’utilisateur, et à utiliser l’autre moitié pour ses propres frais de fonctionnement.

Dans l’optique du financement d’un fonds de dotation, l’idée est ici de permettre la création d’un compte unique à l’échelle de l’ensemble des postes informatiques de l’hôpital et ainsi de récolter sur ce compte unique les « gouttes d’eau » de l’ensemble des recherches effectuées sur les ordinateurs du centre hospitalier. Ces « gouttes » seront directement dirigées vers le fonds de dotation afin de soutenir des projets d’amélioration des soins et de la prise en charge, les « gouttes » étant ainsi transformées en don financier.

L’enjeu pour l’hôpital est de permettre aux projets, soutenus par le fonds de dotation, d’apparaître par la suite dans la liste des projets qui peuvent être financés par les « gouttes d’eau » de l’ensemble des utilisateurs de Lilo : d’une logique de vase clos, les recherches internet des ordinateurs de l’hôpital finançant ses propres projets, il s’agit de passer à moyen terme à une logique assurant une manne financière potentiellement importante en donnant à toute la population la possibilité de financer ces projets par l’intermédiaire du fonds.

L’idée est ici transposable aux autres hôpitaux mais aussi aux collectivités territoriales qui peuvent inviter des associations à être financées ainsi et proposer à leurs agents d’installer Lilo, par exemple, sur leurs ordinateurs professionnels afin de financer une association de façon innovante et gratuite.

Une application de dons gratuits

Un autre mode de financement innovant et responsable est également envisageable. Le site web et l’application pour smartphone Goodeed permettent en effet aux personnes qui l’utilisent de faire trois dons quotidiens à une ou plusieurs associations en regardant trois publicités de vingt secondes. Les financements obtenus par la publicité sont ensuite reversés en grande majorité au projet que l’on choisit d’aider parmi une liste proposée. Il s’agit de dons gratuits et rapides, en faveur de projets solidaires, qui se réalisent par la publicité, les annonceurs de ces spots publicitaires finançant le don des particuliers. Les associations peuvent donc collecter et gagner en visibilité auprès du grand public et les entreprises peuvent s'engager via leurs budgets communication.

Il est ainsi possible de faire financer des projets soutenus par une ONG, une administration, un fonds de dotation ou une association par cette application : en juin dernier par exemple, l’Hôpital Necker-Enfants malades a réalisé une collecte en sept jours selon cette modalité, afin de financer des fauteuils-lits accompagnants pour permettre aux parents de rester au plus près de leurs enfants hospitalisés. Ici encore, l’initiative est transposable aux hôpitaux et collectivités qui peuvent ainsi faire financer des projets d’intérêt général.

Le crowdfunding avec contreparties

Plus largement, le crowdfunding est un autre levier envisageable. Il s’agit d’un « financement par la foule », littéralement, et permet en résumé d’afficher sur une plateforme internet, c’est-à-dire un site web conçu à cet effet par une entreprise (Ulule, Kisskissbanbank...), des projets que des particuliers, des associations ou des entreprises souhaitent voir financer par les internautes.

Il existe plusieurs types de crowdfunding, les principaux sont le crowdfunding sans contrepartie (un don classique tel qu’il peut être réalisé en faveur d’un hôpital, d’une collectivité ou une association), et le crowdfunding avec contreparties, qui encourage le don en promettant, à l’issue de la collecte, des services ou des produits en remerciement du don et selon une échelle prédéfinie, la hauteur du don déterminant le type de contrepartie.[2]

Si les fonds de dotation des hôpitaux utilisent principalement le crowdfunding sans contrepartie via des plateformes gratuites de type HelloAsso, permettant de mettre en ligne des projets et de récupérer des dons affectés aux projets, le crowdfunding avec contreparties tel qu’il est déjà utilisé par certaines collectivités peut également être étudié. En effet, des sites comme Ulule ou Kisskissbankbank accueillent de très nombreux projets, d’une grande diversité, permettant de recueillir des dons de montants très variables en échange de contreparties équivalentes à un niveau de don : par exemple, en appliquant ce modèle aux fonds de dotation, un t-shirt aux couleurs du fonds de dotation peut être offert pour un don de 50 à 100 euros, un t-shirt + un mug + une lettre de remerciement peuvent être offerts pour un don de 100 à 300 euros, les contreparties précédentes + une invitation à l’inauguration de tel matériel médical financé pour un don de 300 à 1 000 euros, etc. Il est même envisageable de permettre des actions de communication couplées entre l’entreprise et le fonds de dotation pour des dons effectués par une entreprise : un t-shirt aux couleurs du fonds de dotation et d’une entreprise, par exemple.

Toutefois, quatre éléments sont à noter pour le crowdfunding avec contreparties : si le choix est fait de passer par une de ces plateformes privées, il convient d’indiquer que celles-ci prélèvent environ 8% des gains pour leur fonctionnement ; une communication couplée avec celle d’une entreprise peut être risquée en termes d’image selon l’entreprise ou le type d’entreprise (laboratoire pharmaceutique, entreprise polluante...) ; la logistique concernant le traitement et/ou l’envoi des contreparties peut être particulièrement importante. Le quatrième élément est d’ordre éthique : il ne faut sous aucun prétexte que la part de la contribution du mécène ne devienne dérisoire face à l’addition de la valeur de la contrepartie et de la potentielle déduction fiscale offertes, il est nécessaire que le mécénat « coûte » au mécène. En effet, il ne s’agit pas de permettre à ce dernier de profiter d’un effet d’aubaine en s’offrant à moindre coût (pour le mécène) et sur fonds publics (déduction fiscale, coût de la contrepartie) une communication valorisante et des contreparties disproportionnées.

Ainsi, plusieurs options s’offrent aux administrations pour pallier les difficultés de financement de certains projets et faire appel à la générosité des citoyens. Les administrations peuvent en outre se saisir de l’enjeu des moteurs de recherche alternatifs et offrir à leurs agents la liberté de choisir collectivement et individuellement le moteur qu’ils utiliseront (Qwant, Ecosia, Lilo...) : six millions d’agents publics, ce sont autant de citoyens et d’influenceurs qui peuvent peser de manière décisive sur cette question par leur façon de naviguer.

[1] Structure de mécénat à statut associatif, en l’occurrence liée à un centre hospitalier, composée le plus souvent d’un conseil d’administration et d’un comité scientifique de sélection des projets, et permettant de récupérer des dons et legs destinés à financer notamment des projets d’innovation médicale ou d’amélioration de la prise en charge et d’accueil des patients.

[2] Pour en savoir plus sur le financement participatif et le crowdfunding appliqués aux administrations publiques : Sophie Renault, « Quand un maire fait appel au financement participatif pour reconstruire une école. Décryptage et analyse », Annales des Mines - Gérer et comprendre 2018/1, n°131, pp 51-67 (sur leur application). Jean-David Dreyfus, « L'utilisation par les collectivités des financements innovants - Exemples du mécénat et du crowdfunding », AJCT, mars 2018, n°3, pp 138-141 (sur la dimension juridique). Eric Portal, « Les financements désintermédiés et innovants des collectivités locales : mécénat et financements participatifs », RFFP, septembre 2018, n°143, pp 91-104 (sur le volet financier).

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