Les villes et les métropoles face aux défis des transitions

19ème conférence des villes
Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, Président de Toulouse Métropole et président de France Urbaine, lors de la 19ème Conférence des villes le 18 septembre 2019 à Paris.
©Sacha Heron - France urbaine
Le 19 septembre 2019

Transition écologique, révolution numérique, défi de la crise du logement et de la hausse des prix de l’immobilier, enjeu de cohésion sociale avec la nécessité d’accueillir les migrants, d’assurer la sécurité ou encore la mixité sociale, impact des réformes territoriales successives sur leur mode de fonctionnement, équilibre des territoires entre centre et périphérie sur fond de crise des « Gilets jaunes », enjeu de la gouvernance et de la régulation à l'ère des plateformes numériques … Les grandes villes et les métropoles, qui concentrent 39% de la population française et 43% des emplois du pays, sont aujourd’hui en première ligne pour faire face à ces enjeux majeurs.

 

À l’occasion de la 19ème Conférence des villes, organisée mercredi 18 septembre par France urbaine à l’hôtel de ville de Paris, les maires et les élus des grandes villes ont réclamé plus de marges de manœuvre, de moyens et d’autonomie à l’État pour relever ces défis.

 

Alors que l’agenda législatif des prochains mois va s’accélérer (projet de loi « Engagement et proximité », projet de loi relatif à « la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire », réforme de la fiscalité locale et réforme constitutionnelle) et qu’un nouvel acte de décentralisation se dessine à l’horizon 2020 (projet de loi 3D « Décentraliser, Différencier, Déconcentrer »), France urbaine a de nouveau défendu son « alliance des territoires » favorable aux coopérations territoriales. Six membres du gouvernement ont fait le déplacement pour défendre leur projet et tenter de rassurer les édiles : Elisabeth Borne (Transition écologique et solidaire), Julien Denormandie (Ville et logement), Brune Poirson (Transition écologique et solidaire), Emmanuelle Wargon (Transition écologique et solidaire), Olivier Dussopt (Fonction publique) et Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires et collectivités territoriales).

Cette 19ème conférence des villes se tient six mois avant les municipales, une échéance que tous les participants avaient en tête lors des débats et des tables-rondes organisés dans les salons de l'hôtel de ville de Paris. L'occasion pour Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse et président de France urbaine, de rappeler que les questions de cohésion sociale et territoriale, qui ont marqué les derniers mois avec la crise des Gilets jaunes, sont aujourd'hui au cœur de la société française et concernent en premier lieu les territoires des grandes villes et des métropoles. France urbaine a mis en place une proposition : "l’Alliance des territoires", c'est-à-dire la capacité d’agir de manière différenciée et adaptée en fonction des spécificités des territoires et d'inventer de nouvelles formes de relations entre métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomérations, territoires périurbains et ruraux.

©Sacha Heron - France urbaine

Sur les trois grands enjeux débattus lors de cette journée (la rénovation énergétique, la transition numérique et la transition écologique), «France urbaine revendique le pouvoir d’agir, l’exercice plein des responsabilités, avec trois principes : l’autonomie, la responsabilité et le dialogue », a précisé Jean-Luc Moudenc, le président de l'association France urbaine qui fêtera dans quelques semaines ses quatre ans.

Les  grandes villes confrontées à des phénomènes nouveaux

S'il y a un message principal à retenir de cette 19ème Conférence des villes, c'est que les solutions pour relever les défis de demain s'inventent à l'échelle des territoires, les métropoles et les grandes villes jouant un rôle de premier plan et étant à l'avant-garde des expérimentations pour préparer et anticiper les conséquences du changement climatique, de la révolution numérique ou encore de la nécessaire évolution de l'urbanisme et de l'habitat.

«Le changement climatique est une réalité observée à Paris», a souligné Anne Hidalgo, la maire de Paris, en ouvrant ce congrès annuel, évoquant les deux grandes crues de la Seine et les 5 pics de canicules observés ces trois dernières années, avec une température atteignant près de 43 degrés cet été à Paris. La maire de Paris a également parler de phénomènes nouveaux auxquels les maires des grandes villes sont souvent confrontés en premier, citant comme exemples l'irruption de 45 000 trottinettes en libre-service dans les rues de Paris - gérées par 10 opérateurs différents de free-floating - l'impact des grandes plateformes numériques comme AirBnB sur le logement et la hausse des prix de l'immobilier en centre-ville ou encore l'arrivée dans la capitale de vagues successives de réfugiés et de migrants créant des campements sauvages aux portes de la capitale. Face au défi du réchauffement climatique et à ces phénomènes qui n'existaient pas avant, elle a appelé à un partenariat avec l'État en adaptant les outils législatifs dont disposent les maires des grandes villes pour agir.

« Nous devons contribuer à inventer l’avenir, les territoires ne sont pas des courroies de transmission de la politique nationale, ce ne sont pas simplement des lieux de gestion mais aussi des lieux d’imagination pour inventer des solutions qui peuvent rayonner demain à l’échelle locale, nationale et européenne », a déclaré Johanna Rolland, la maire de Nantes lors de sa participation à l'une des table-rondes de la journée.

Transition énergétique et crise du logement : quelques pistes innovantes à retenir

7 millions de passoires thermiques, 500 000 logements à rénover par an, la transition énergétique a un coût. Cette question du financement centrale pour accélérer cette transition énergétique a fait l'objet de débats et d'échanges vifs entre maires et membres du gouvernement. Plusieurs pistes ont été évoquées par les élus, maires et ministres présents, pour faire avancer ce dossier, comme par exemple la possibilité de retravailler les prêts bancaires accordés aux copropriétés en expérimentant des systèmes de prêt bancaire plus avancés, non plus associés aux emprunteurs mais aux biens immobiliers. Une piste sur laquelle planche Emmanuelle Wargon, la secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, qui en a profité pour annoncer le lancement de l'observatoire de la rénovation énergétique.

Eric Piolle, le maire de Grenoble, a évoqué pour sa part le succès du dispositif "Mur | Mur " déployé par la Grenoble-Alpes Métropole pour accompagner les copropriétés et les maisons individuelles dans la transition énergétique. Écoréno'v, un service de la Métropole de Lyon, soutenu par la région Auvergne-Rhône-Alpes et l'ADEME pour conseiller et accompagner les projets d’éco-rénovation de l'habitat privé, a été également cité en exemple. Il prévoit notamment des aides financières pour inciter les propriétaires à passer à l'acte, avec une enveloppe de 50 millions d'euros sur la durée du mandat.

Pour lutter contre la crise du logement et favoriser l'accession à la propriété, retenons le dispositif du bail réel et solidaire (BRS). Selon le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), c'est «un bail de longue durée permettant à des organismes fonciers solidaires (OFS) de distinguer le foncier (dont ils restent propriétaires) du bâti et ainsi de céder des droits réels sur le bâti à des familles modestes, qui occuperont le logement à titre de résidence principale». L'organisme de foncier solidaire de la Métropole Lilloise a lancé 2 opérations de ce type sur son territoire, permettant pour l'instant à 15 premiers acquéreurs de signer un BRS (2100 euros le m2) dans le cadre de l'opération « Cosmopole », qui ouvrira en centre-ville de Lille en début d’année 2020. Même si ce dispositif ne concerne qu'un très faible nombre de logements, il peut être développé sur l'ensemble des territoires.

Sur la question de la densification urbaine, la nécessité de verticaliser la construction a également été évoquée par Julien Denormandie, le ministre chargé de la ville et du logement, venue également défendre son programme Action coeur de ville pour revitaliser les centre-villes des villes moyennes.

Réinventer l’articulation entre État et ville sur le numérique

La transition numérique a été au centre des débats de l'une des deux tables-rondes de la journée, intitulée «Les villes, médiatrices de choix pour un environnement numérique au service des citoyens».

Avec 13 millions de Français éloignés du numérique, la question de l'inclusion numérique est l'un des grands chantiers des territoires métropolitains, l'enjeu étant de réconcilier les citoyens avec l'action publique numérique.

Karine Dognin-Sauze, vice-présidente de la Métropole du Grand Lyon, a milité pour que la médiation numérique devienne une politique publique à part entière estimant que le numérique est un sujet politique. « Il faut réinventer l'articulation entre l'État et la ville sur la question de la médiation numérique », a-t-elle précisé, avant de défendre une vision territoriale de la gouvernance des données.

Francky Trichet, adjoint au maire de Nantes, chargé de l’Innovation & du Numérique, a quant à lui, insisté sur nécessité de redonner confiance sur ce qu’est le numérique notamment les données. « La souveraineté (protéger les données), la sobriété (ne pas tout collecter) et la mutualisation des données (partager les data-centers) sont des notions fortes qu'il faut défendre. C'est ce que nous avons fait à Nantes en élaborant une Charte de la métropole de Nantes sur les données». Les élus présents sont tombés d'accord sur la nécessité de lancer un grand plan du numérique pour former aux nouveaux métiers et éviter aussi la guerre des compétences entre territoires sur cette question du numérique.

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