Denis Cristol : « Les territoires apprenants accélèrent l'innovation publique »

Le 9 août 2021

Ancien directeur de l’ingénierie et des dispositifs de formation au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), Denis Cristol est directeur innovation et pédagogie de l’Association progrès du management. Dans Les territoires apprenants. Usages et imaginaires pour apprendre ensemble (Territorial Éditions, Collection Dossiers d'expert, 172 Pages, 2021), il explore le potentiel des territoires apprenants et l’innovation publique collaborative.

Votre ouvrage est une enquête de terrain sur les formes nouvelles de l’apprentissage dans les territoires. En quoi peut-il être utile à l’innovation publique ?

Ce que j’ai voulu démontrer, c’est qu’il existe aujourd’hui une multiplicité d’acteurs et d’espaces d’innovation dans les territoires qui ne demandent qu’à être accompagnés. Cet ouvrage a pour vocation de stimuler les imaginations pour coopérer et apprendre ensemble de façon formelle ou informelle. C’est une démarche essentielle pour favoriser l’innovation publique. Celle-ci est aujourd’hui visible dans de nouveaux espaces, une philosophie et des méthodes, des outils, des réseaux de labs et encore des évènements. Elle produit des apprentissages sociétaux. En quelques années, le champ de l’innovation publique s’est ouvert grâce à l’impulsion de l’État (mission de modernisations), d’associations ou entreprises de prospective (Fing, Futuribles, Bluenove, etc.), des cabinets de design de politique publique (La 27Région, Vraiment Vraiment, Grrr, etc.), des civic techs, des collectifs citoyens (P2P, Engage, Mavoix, La Paillasse, Les 100 barbares, etc.) ou encore de courants philosophiques (Open democracy, etc.). Des outils et des formations (boîtes à outils de la DITP, guides du CNFPT, MOOC sur l’innovation publique territoriale, etc.) se sont multipliés pour libérer les imaginations sur les territoires.

Des réseaux (réseau étoile, e-communauté de l’innovation du CNFPT, etc.), des labs (plus de 70 en France) et des évènements sur l’innovation publique ont contribué à faire de la France la championne mondiale de l’innovation publique.

Quelles sont les régions, les villes et les territoires qui ont adopté une posture d’organisation publique apprenante ?

Le conseil régional d’Île-de-France, en quittant le centre de Paris, pour investir un nouvel espace de 31 000 m² à Saint-Ouen, s’est transformé en organisation apprenante à partir de ses nouveaux espaces de travail (open space, flex office, télétravail avant le covid-19, etc.). Parmi les villes apprenantes, je cite dans mon livre Bruxelles, capitale des fab cities, et Strasbourg, qui réunit chaque année les entretiens territoriaux organisés par l’institut national des études territoriales (INET). La ville dispose aussi de ses labs et espaces de créativité. Parmi les territoires apprenants, il y aussi la dynamique de riposte créative territoriale : des équipes d’innovateurs ont pu accélérer des processus d’apprentissage, dans des logiques d’archipels, de rhizomes, d’essaimage pour relier toutes les initiatives.

Le territoire apprenant dépasse souvent le territoire géographique grâce au numérique.

Les territoires apprenants

Votre ouvrage fait aussi la part belle aux apprentissages informels, en liberté, à l’abri des institutions, souvent propices à la créativité et à l’innovation, etc.

Depuis les années 1950, 70 % de ce que fait un adulte vient des apprentissages informels, sociaux et numériques, en complément de l’apprentissage organisé, celui de l’école ou celui qui est piloté par les directions formation et ressources humaines.

L’apprentissage informel est souvent un apprentissage en réseau, à travers un collectif et sous la forme d’une ingénierie collaborative qui fait la part belle à la débrouille.

Il s’agit de trouver de nouvelles ressources pas nous-même, de faire communauté nécessitant des compétences d’empathie et de mutualisation. Le numérique favorise ce type d’apprentissage et la crise sanitaire l’a accéléré.

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