Bonne année, bonne sécurité à tou·tes

Le 27 janvier 2021

Content de vous retrouver pour une nouvelle année qui, on l’espère tous, passera mieux et moins vite que 2020.

On se souhaite donc le meilleur en espérant déjà que vous ayez passé de joyeuses fêtes et que vous avez été gâtés.

On embraye avec les cadeaux justement parce que les GAFA, eux, ont vraiment été « gâtés » et ils n’ont pas eu à attendre le matin de Noël pour le leur ; mais pas sûr que ça leur ait beaucoup plu… En effet, c’est un avis d’imposition qu’ils ont reçu ! D’ailleurs, on a pas mal entendu parler de la taxation des géants du numérique sans vraiment savoir ce qu’il en était. Un petit topo s’impose !

Pour la référence, la règlementation permettant d’imposer les géants du numérique date de l’été 20191. Dès cette année-là, la fameuse « taxe GAFA » a rapporté pas moins de 350 millions d’euros à l’État français ! Mais pour 2020, la perception de cet impôt était moins certaine puisqu’elle a été gelée. Car, d’une part, estimant (à juste titre) que la majorité des entreprises concernées sont nord-américaines, les États-Unis avaient annoncé d’importantes mesures commerciales en représailles (notamment l’application de droits de douane de 100 % sur certains produits français comme les fromages, les cosmétiques et les sacs à main ; ce qui pourrait représenter près de 1,3 milliard de dollars2. D’autre part, nombreux sont ceux qui prônaient plutôt une trajectoire fiscale européenne, voire internationale. Ça n’est pas faute d’avoir essayé, toutefois, les négociations au sein de l’Union européenne et avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n’ayant pas abouti, la France a fait le choix de maintenir sa stratégie nationale (« quoi qu’il en coûte » ?).

Concrètement, les grandes entreprises du secteur du numérique, qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros, dont plus de 25 millions d’euros en France, sont redevables d’une taxe à hauteur de 3 % de leur chiffre d’affaires généré par certaines activités telles que la vente de données personnelles ou la vente d’espaces publicitaires en ligne ciblant les utilisateurs selon les données qu’ils ont fournies. La majorité des entreprises concernées auraient annoncé répercuter l’impact de cette taxe sur les prix de leurs services. Affaire à suivre, de près !

Mais ça n’est pas tout. Les GAFA continueront d’être gâtés en 2021 avec les textes en préparation dans les institutions de l’Union européenne. Presque deux ans après l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), deux textes en particulier sont scrutés par les acteurs du numérique : le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA).

Selon les termes du ministère de l’Économie, « ces deux projets ont pour objectif de doter l’Union européenne d’un nouveau cadre de responsabilité des grandes plateformes du numérique dans leur dimension sociétale (lutte contre la dissémination des contenus illicites ou préjudiciables) et dans leur dimension économique et concurrentielle (garantir que les marchés numériques restent innovants et ouverts à la concurrence, et que les relations commerciales entre les grands acteurs et leurs partenaires commerciaux y demeurent équilibrées et loyales) » 3.

En pratique, les propositions de la Commission européenne sont nombreuses et cherchent à construire un véritable système de régulation des services et marchés numériques des grandes plateformes. Parmi ces mesures, on peut relever plusieurs grands thèmes.

En premier lieu, s’agissant du Digital Services Act, la proposition concerne principalement la modération des contenus (suppression de biens, services ou contenus illicites en ligne, empêcher une utilisation abusive de leurs systèmes, etc.), une plus grande transparence (notamment en matière de publicité en ligne et d’algorithmes utilisés pour recommander des contenus aux utilisateurs), et une coopération accrue avec les pouvoirs publics.

En deuxième lieu, s’agissant du Digital Markets Act, il aura vocation à s’appliquer aux services des plateformes incontournables, qui sont par nature les plus exposées aux pratiques déloyales (notamment les moteurs de recherche et les réseaux sociaux).

Au-delà des règles techniques visant à assurer une concurrence libre et loyale, on retiendra surtout une mesure de sanction permettant à l’Union européenne de condamner les contrôleurs d’accès au paiement d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial (un pas considérable alors qu’aujourd’hui, depuis le RGPD, le montant des sanctions pécuniaires prononcées par la CNIL ne peut s’élever qu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial dans le cas d’une entreprise).

Dans son communiqué sur les textes proposés par la Commission européenne, le ministère de l’Économie indique que « le Gouvernement français s’engage activement dans les travaux qui débutent et appelle à une mobilisation vigoureuse de ses partenaires européens. L’objectif est de parvenir à l’adoption de ces règlements début 2022 ». Une autre affaire à suivre !

Bon, on a parlé des cadeaux de Noël, embrayons sur la nouvelle année.

L’an 2020 s’est achevé sur des notes plutôt sécuritaires… Entre les discussions sur la proposition de loi « sécurité globale » dont nous parlions dans le dernier numéro4 et les mesures visant à lutter contre a pandémie de covid-19, on ne savait plus où donner de la tête. Et vu ce que j’ai pu lire par-ci par-là, j’ai comme l’impression que 2021 démarre sous les mêmes auspices avec de la sécurité en veux-tu en voilà. Petit tour de table thématique.

2021 sera peut-être l’année du virus informatique et de la cybersécurité. On ne cesse de le dire et de l’entendre, on en a d’ailleurs déjà parlé ensemble5, les cyberattaques sont de plus en plus nombreuses et touchent autant les collectivités que le privé. En 2019, 92 incidents de sécurité d’origine cyber ont affecté les communes et les intercommunalités, soit près de 25 % des incidents totaux traités par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) sur cette période6.

Partant, soutenue par l’ANSSI, et dans le but de sensibiliser les élus et leurs administrations locales, l’Association des maires de France (AMF) a publié un guide sur la cybersécurité pour dont le titre est évocateur : Cybersécurité : toutes les communes et intercommunalités sont concernées7.

Cette même ANSSI a récemment publié un Panorama des métiers de la cybersécurité8 afin de guider la politique de recrutement de professionnels dans ce secteur. Si besoin, je pose ça là…

Alors qu’aujourd’hui, on sait qu’une arnaque sur deux a lieu sur Internet9, n’oubliez pas que la cybersécurité ne concerne pas que les entreprises ou les administrations. Nous sommes tous individuellement concernés au quotidien. Et pour faire de la cybersécurité, il ne faut pas nécessairement construire des architectures informatiques incroyables, ça commence par des choses simples comme ne pas choisir un des 200 mots de passe les plus utilisés de l’année dont la liste a été publiée par l’entreprise NordPass10. Un conseil : évitez donc « 123456 », « football » ou « pokemon » qui peuvent être craqués en moins d’une seconde !

Dernière référence qui s’éloigne un peu de la cybersécurité stricto sensu (quoique), mais je ne pouvais pas ne pas en parler : on va bientôt passer de la cybersécurité à la sécurité grâce au cyber car, comme le titre Le Monde « Le comité d’éthique du ministère de la Défense donne son feu vert11 à la recherche sur le “soldat augmenté” » 12. Au passage, je suis retombé sur une vidéo du Journal de la défense de décembre 2019 sur « le soldat du futur » 13 ; ça paraît complètement fou, c’est passionnant (à tel point que je me suis même abonné à la chaine YouTube du ministère !). Et puisque nous sommes dans l’anticipation, signalons la première production de la « Red Team », une équipe mise en place par l’Agence innovation défense (ministère de la Défense) composée d’une dizaine d’auteurs et de scénaristes de science-fiction (SF) pour imaginer le futur de la guerre. 2030-2060 : les nouveaux pirates peuvent-ils constituer une menace stratégique ? 14 C’est autour de cette question que les auteurs SF ont planché, avec deux scénarios où il est question d’ascenseur spatial et de P-Nations. Deux récits d’anticipation qui nous projettent dans les conséquences de l’anthropocène.

2021 sera peut-être l’année de la sécurité routière. Autres innovations, autres enjeux. Passé presque inaperçu, un décret de décembre est venu autoriser les expérimentations de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques15, aka les voitures autonomes. Le futur, c’est maintenant ! (Vivement les voitures volantes.)

2021 sera peut-être l’année de la sécurité sanitaire. En tout cas on l’espère parce que, ras le bol des gestes barrière, on aurait presque envie de retrouver le bisou baveux de tata Monique accompagné du fameux « bonne année, bonne santé, un petit sou dans le porte-monnaie ». On le sait, le meilleur espoir pour combattre une maladie c’est l’immunité et a priori, le meilleur moyen d’être immunisé c’est grâce à une invention merveilleuse : la vaccination. Pourtant, plutôt que de saluer la coopération scientifique internationale autour des recherches menées dans un temps record afin de mettre au point un vaccin pour lutter contre la pandémie de covid-19, une grande partie de la population est très méfiante, voire réfractaire à l’idée d’être prochainement vaccinée.

Je vous invite à consulter l’enquête menée par l’IFOP pour la fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch. qui tente de comprendre les raisons de cette méfiance à travers quatre analyses16 :

  • « Les Français et les vaccins en temps de crise sanitaire », Chloé Morin ;
  • « Épidémies, vaccins et santé publique : jusqu’où empiéter sur les libertés individuelles ? », Gérard Lambert ;
  • « Vaccins : comment redonner de la confiance ? », Thierry Beaudet ;
  • « Prévention, confiance, citoyenneté : réconcilier les Français avec la vaccination », Stéphane Junique.

Et enfin, pour être rapidement rassuré, en sept minutes et vingt-sept secondes précisément, ne pas hésiter à regarder sur France Culture l’interview vidéo de Nathan Peiffer-Smadja, médecin infectiologue au CHU Bichat à Paris et coordinateur du Réseau des jeunes infectiologues français17. Et pour aller plus loin, un article très éclairant, qui fait le gros récap’ : « 12 réponses aux inquiétudes sur les vaccins » 18, sur France culture également.

Avec toute cette sécurité et toute cette tech, on en oublierait presque les moyens de communication les plus primaires comme la parole ou l’écriture ; alors pour finir, deux mots sur deux initiatives remarquables dont j’avais envie de vous parler (euh… de vous écrire, enfin… vous avez compris !).

Bien sûr, on a tous déjà lu ou entendu parler de l’écriture inclusive qui emploie le fameux point médian (aussi appelé point milieu) pour gommer les inégalités entre les genres portées par les règles grammaticales classiques. Ainsi, alors qu’en principe le masculin l’emporte sur le féminin, on écrira « les candidat·es » pour préciser que le groupe de candidats n’est pas exclusivement composé d’hommes.

Dans la même démarche d’inclusivité de la langue et de l’écriture, un autre courant propose d’enrichir l’alphabet latin de nouveaux caractères porteur d’égalité entre les genres, voire d’absence de genre dans la langue : un alphabet épicène. Plusieurs projets sont notamment référencés et expliqués par le collectif ByeByeBinary dont l’action a été remise en lumière par la médiatisation du projet de fin d’études d’un jeune designer suisse, Tristan Bartolini, récompensé du prix Art Humanité de la Croix rouge suisse et de son école HEAD. Parce que les images parlent parfois mieux que les mots (expression de circonstance), allez vite visionner la vidéo qui explique sa démarche sur France Culture19 (oui encore eux) et visiter le site de ByeByeBinary20 pour aller plus loin.

Puisqu’on parle inclusivité et égalité des sexes, j’en profite pour terminer cette chronique par un petit placement produit, 21 mais promis, c’est pour la bonne cause !

Selon leurs termes, « les Sororistas sont un collectif de personnes engagées pour la juste place des femmes et minorités de genre dans la société » 22. Pendant la première phase de confinement du printemps 2020, convaincues que les femmes ont plus que jamais un rôle à jouer dans la transformation du monde, les Sororistas ont organisé un concours d’écriture proposant aux femmes (francophones) d’écrire un court texte de 5 pages maximum en se projetant mentalement à la fin de la décennie des années 2020.

Après réception de près de six cents textes, le jury présidé par Geneviève Brisac a sélectionné les vingt meilleurs d’entre eux pour les publier dans un livre co-soutenu par le magazine Chut ! et Berger-Levrault. Les lauréates et la gagnante du concours seront récompensées à l’occasion d’un événement numérique ouvert à tous·tes le 15 janvier 202123. Si vous voulez faire le plein d’émotions, il n‘y a pas de meilleure résolution !

L’ouvrage offre une palette de récits, tantôt drôles, tantôt touchants, tantôt militants ; toujours marqués par la sincérité du vécu et l’envie de renouveau. Les formes d’écriture, diverses – du conte, à la dystopie, en passant par le rap – viennent (re)penser le monde d’après.

On se quitte sur ces notes pleines d’espoir. À la prochaine les ami·es !

  1. Si vous voulez aller dans le détail (bon courage), voir le Code général des impôts enrichi par la loi n2019-759 du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés.
  2. Mesures qui ne sont pas sans rappeler le relèvement à 25 % des droits de douane sur les vins français dans le cadre du conflit sur les aides d’État versées à Airbus et Boeing.
  3. « Grandes plateformes du numérique : vers le Digital Services Act et Digital Markets Act », déc. 2020, https://www.economie.gouv.fr/digital-services-act-et-digital-markets-act#
  4. Cnudde A., « Liberté, j’écris ton nom pour te retrouver », Horizons publics sept.-oct. 2020, n17, p. 101-106.
  5. Cnudde A., « Pardon tata Monique », Horizons publics janv.-févr. 2020, n13, p. 101-106.
  6. Source Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI).
  7. https://www.ssi.gouv.fr/guide/cybersecurite-toutes-les-communes-et-intercommunalites-sont-concernees/
  8. https://www.ssi.gouv.fr/particulier/formations/panorama-des-metiers-de-la-cybersecurite/
  9. « Une arnaque sur deux a lieu sur Internet », Vie Publique sept. 2020, https://www.vie-publique.fr/en-bref/276265-une-arnaque-sur-deux-lieu-sur-internet#xtor = EPR-696
  10. Top 200 most common passwords of the year 2020”, NordPass, https://nordpass.com/most-common-passwords-list/
  11. Pour lire l’avis du comité, c’est par ici : https://www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/communiques/communique_le-comite-d-ethique-de-la-defense-publie-son-avis-sur-le-soldat-augmente
  12. Vincent É., Le comité d’éthique du ministère de la défense donne son feu vert à la recherche sur le “soldat augmenté” », Le Monde 4 déc. 2020, https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/04/defense-feu-vert-ethique-pour-la-recherche-sur-le-soldat-augmente_6062153_3210.html
  13. « Le combattant du futur (#JDEF) », Youtube, Ministère des Armées.
  14. https://redteamdefense.org/Livret_RedTeam_LesNouveauxPirates.pdf
  15. D. n2020-1495, 2 déc. 2020, modifiant le décret n2018-211 du 28 mars 2018 relatif à l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques.
  16. Retrouvez l’étude en question ainsi que les liens vers ces quatre analyses sur le site de la Fondation Jean-Jaurès, https://jean-jaures.org/nos-productions/les-francais-et-les-vaccins
  17. https://www.franceculture.fr/emissions/les-idees-claires-le-podcast/les-vaccins-contre-le-covid-19-sont-ils-surs
  18. « 12 réponses aux inquiétudes sur les vaccins », France culture 4 déc. 2020, https://www.franceculture.fr/sciences/10-questions-pour-repondre-aux-inquietudes-sur-les-vaccins ?
  19. https://www.franceculture.fr/design/lalphabet-epicene-de-tristan-bartolini
  20. http://genderfluid. space/
  21. Le projet porté par le collectif Sororistas a en effet été soutenu par Berger-Levrault, éditeur de la revue Horizons publics.
  22. https://www.sororistas.fr/
  23. https://www.sororistas.fr/remiseprixsororistas
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