La nuit au Sénégal

Le 11 juin 2025

Longtemps réduite aux marges du regard scientifique, la nuit africaine s’impose depuis le tournant des années 2000 comme un objet de recherche à part entière. Entre pratiques rituelles héritées, veillées religieuses, travail et mobilités nocturnes en plein essor, mais aussi explosion des lieux festifs modernes, elle révèle toute l’ambivalence de sociétés conservatrices confrontées aux mutations urbaines. Un espace-temps où se croisent repos et inquiétudes, rites et loisirs, intimité et effervescence publique — et qui interpelle désormais directement les politiques urbaines.

Les nuits en Afrique en apparaissent dans les travaux en sciences sociales à partir des années 2000 (Phillys Martin, 2005 ; Fouquet 2018, 2020 ; Owonda Ndounda ; 2023 ; Diouf et Fall (2021). Les travaux des islamologues et sociologues sur l’Islam, ou encore sur les mobilités quotidiennes (travaux du LAET) sont aussi des sources parcellaires.

Les travaux font apparaitre le paradoxe de sociétés africaines conservatrices confrontées aux mutations urbaines. Le jour, serait le temps du labeur et des interactions collectives et la nuit à contrario celui d’une part positivée du repos, de la recomposition des forces dans l’intimité du chez soi, mais aussi à contrario celui des inquiétudes mais aussi celui de la déperdition sociale et culturelle

Toutefois, le vécu socioculturel montre une certaine ambivalence de la nuit en Afrique. D’un côté, les sociétés conservatrices gardent encore vivaces des pratiques rituelles telles les cérémonies nuptiales, les rites initiatiques (Kankurang des sociétés mandingues) voire festifs (séances de lutte traditionnelle, danse chez les femmes). Avec l’islamisation, la nuit est également un moment de ferveur religieuse à travers l’organisation des veillées spéciales de commémoration dédiées aux guides religieux.

De l’autre, l’urbanisation se traduit par 2 faits majeurs : d’un côté, l’essor du travail de nuit avec de plus en plus de services urbains dédiés, sources de mobilités nocturnes professionnelles croissantes ; de l’autre, la multiplication des lieux festifs modernes qui créent souvent de nouvelles centralités, celles des loisirs.

Cette effervescence de la vie nocturne urbaine africaine interpelle les politiques publiques en termes de gestion de la sécurité, de promotion de la mobilité nocturne, de gestion de l’espace public par la conciliation entre les libertés individuelles et les besoins de tranquillité et de repos des citadins.

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