Les équipements publics : demain, quels usages, quels lieux, quels partages ?

Le 3 novembre 2021

Les équipements publics sont, avec les réseaux de transport et de communication, l’ossature sur laquelle se déploient la vie urbaine, la vie collective et l’épanouissement de chacun, offrant l’accès à l’éducation, la culture, le sport, la santé ou l’économie. Or, ils sont à l’épicentre des transformations qui affectent la fabrique de nos territoires.

L’évolution des attentes des usagers, les modifications des modes de vie et des pratiques professionnelles, l’optimisation des budgets, la multiplication des offres et des acteurs, le fleurissement de lieux hybrides (tiers-lieux, fablab, coworking, etc.) et la dématérialisation sont autant de tendances qui questionnent notre approche traditionnelle des équipements et poussent les acteurs publics et privés à adapter leurs modèles.

Elles nous invitent, collectivités, opérateurs, habitants, acteurs, etc., à réfléchir ensemble aux services et aux lieux qui assureront demain la vitalité urbaine et développeront le vivre-ensemble.

L’équipement public, une réalité qui évolue

Dans sa définition habituelle, l’équipement public est un ouvrage immobilier relevant des compétences normales d’une collectivité destiné à répondre à un besoin collectif du public. En effet, pendant ces trente dernières années, en développant les équipements, les collectivités ont insufflé un nouvel élan aux territoires en France. Elles ont ainsi resserré la maille des services aux publics.

Pour nos réflexions, la définition a été d’emblée élargie aux équipements qui accueillent des publics et qui apportent un service d’intérêt général. La question ici n’est pas tant le gestionnaire (public ou privé) que les usages, les lieux et les partages induits par ces équipements.

Si toutes les structures présentes sur nos territoires ne sont pas des équipements publics au sens strict, chacune illustre comment aujourd’hui ces réalités sont multiples et évolutives. Elles montrent, par leurs diversités, une nécessaire acception plus large et innovante que celles comprises traditionnellement par cette notion.

Une démarche d’équipements publics innovants bien présentes sur nos territoires

Au-delà de leurs fonctions traditionnelles (lire sur place, effectuer des emprunts, écouter des disques et regarder des films), les médiathèques cherchent à élargir les usages possibles en proposant de multiples évènements et des expériences culturelles variées. Elles s’adaptent également aux évolutions sociétales en proposant des accompagnements au numérique, constituant ainsi des leviers d’inclusion de toutes les franges de la société dans cette ère de la donnée. Cet exemple illustre que de nouvelles fonctions émergent, faisant de l’équipement public de plus en plus un tiers-lieu.

L’innovation est au coeur du futur des équipements publics. La recherche de réponses aux nouveaux usages fait émerger d’autres acteurs comme les citoyens de la société civile ou les entrepreneurs dans la fabrique de la ville du futur.

Outre ces équipements publics qui diversifient leurs missions, d’autres modèles peu traditionnels maillent le territoire. Parmi eux, on dénombre des associations qui relocalisent l’économie dans la dynamique des circuits courts et des services de proximité ou des structures coopératives comme les épiceries solidaires. On note aussi certains équipements mobiles qui portent des services, culturels, numériques, sociaux, auprès des populations et contribuent au maillage territorial.

On assiste également depuis quelques années à la montée en régime des équipements privés d’intérêt collectif, ou à des montages hybrides. Des maisons de l’innovation et de l’entreprenariat étudiant concilient principe de guichet unique, lieu d’accueil, d’information et d’échanges et de lieu de formation. Des centres de coworking, faisant office d’équipement public hors « sphère de la collectivité », proposent des espaces de travail partagés pouvant aussi accueillir des activités de loisirs.

Toutes ces expériences mettent en exergue comment la notion d’équipement public s’élargit. Ces évolutions s’inscrivent dans un environnement lui-même en forte mutation. Nos usages, nos attentes, les capacités financières limitées des collectivités, les changements sociologiques, le contexte urbain plus dense et plus contraint, amènent à recomposer la manière de concevoir les équipements publics de demain. C’est un sujet essentiel à penser lorsqu’il s’agit de créer de l’urbanité, du vivre ensemble, des conditions d’épanouissement pour les habitants et usagers du territoires.

Quels équipements dans la ville que nous souhaitons demain ?

Les relations entre les acteurs, les actions transversales pouvant être imaginées entre les différents équipements publics, sont une préoccupation émergente. Pour demain, la diversité des parties prenantes donne du sens aux équipements puisqu’elle permet de compléter, d’enrichir les services déjà proposés aujourd’hui. Les partenariats peuvent se concrétiser par la création de lieux hybrides, regroupant plusieurs acteurs, à l’image des espaces France Service qui se montent sur les territoires.

L’innovation est au cœur du futur des équipements publics. La recherche de réponses aux nouveaux usages fait émerger d’autres acteurs comme les citoyens de la société civile ou les entrepreneurs dans la fabrique de la ville du futur. Ces nouveaux acteurs peuvent trouver d’autres idées et apporter des éléments de réponses à des problèmes territoriaux grâce à une approche empirique issue du terrain. De même, une place de plus en plus grande est accordée aux usages et aux citoyens dans la construction de l’équipement public de demain. Le design expérience usager (UX design) permet d’anticiper les besoins des futurs usagers et de donner la place aux retours sur les usages.

Une attente se fait de plus en plus forte autour de l’adaptation aux enjeux de la transition écologique lorsqu’il s’agit de penser les équipements publics de demain. Plusieurs pistes peuvent être imaginées, comme la mutualisation des ressources dans une démarche d’économie circulaire, la réduction de l’artificialisation des sols ou le fait de penser le vivant au cœur de la ville. Cet enjeu invite à se projeter sur des équipements publics qui seraient pilotes pour la promotion de l’agriculture urbaine, d’une démarche zéro déchet ou d’une alimentation de meilleure qualité en mettant autour de la table acteurs publics, associations et société civile. Une place de plus en plus grande est accordée aux usages et aux citoyens dans la construction de l’équipement public de demain. Celui-ci doit anticiper les besoins des futurs usagers.

Les opérateurs de l’aménagement travaillent aujourd’hui à créer ce lien entre l’habitat et les équipements publics. La problématique rencontrée est alors de développer des tiers lieux et des équipements collectifs faisant interface, lien entre le parcours que peut avoir un étudiant, un habitant au sein de sa résidence, mais aussi avec la ville.

Quelles sont les tendances actuelles ?

Afin de mieux comprendre les tendances actuelles, une analyse a été menée grâce à un partenariat entre Grand Paris Sud Est Avenir (GPASEA) et l’Institut Paris Région1 : de nombreux cas d’études ont été observés, avec un focus plus particulier sur les équipements culturels, sportifs et les tiers-lieux.

De plus en plus, face au besoin de regrouper les services, d’optimiser le foncier et les coûts de fonctionnement, la réflexion se porte sur la mixité fonctionnelle des équipements : le mélange des publics et des usages peut alors permettre d’en faire des lieux de vie et d’améliorer le confort d’usage des utilisateurs. Plusieurs modèles de mixité se présentent, avec plus ou moins de perméabilité entre les usages, de rencontres et d’espaces communs entre les publics.

Une attention particulière est aussi portée aux attentes des usagers dont les modes de vie ont évolué depuis les années 1960-1970 où de nombreux équipements ont été construits. Le numérique et l’innovation technologique ont ouvert une culture du « où on veut, quand on veut » qui ne fonctionne pas toujours avec la gestion des équipements publics. Différentes réponses ont pu être apportées comme élargir les horaires, proposer des évènements à des heures inattendues ou adapter l’offre en fonction de la saison. Par ailleurs, afin de permettre un usage plus libre, certains équipements ont simplifié leurs accès en supprimant les adhésions, en utilisant le numérique ou en devenant totalement gratuits. Finalement, pour compenser l’absence de certains équipements ou rapprocher l’offre au plus près des usagers, des structures mobiles ont été expérimentées.

Enfin, le réinvestissement des lieux existants (équipements, bâtiments ou morceaux de ville) en y proposant de nouveaux usages apparaît aussi comme une tendance récente. D’une part, l’urbanisme transitoire vise à tester les usages avant de réaménager totalement les lieux. D’autre part, avec l’enjeu de reconstruire la ville sur elle-même, un modèle consistant à occuper les espaces en friches est apparu. Il permet le recyclage urbain et la réappropriation par la population de lieux qui leur étaient souvent fermés jusque-là. Au-delà de l’expérimentation, le réinvestissement de l’existant passe aussi par la réaffectation du patrimoine de certaines collectivités.

Un enjeu central pour nos territoires

Face à l’évolution des modes de vie, nombreuses sont les collectivités à repenser les équipements publics pour adapter l’offre existante et être en phase avec les besoins des populations. Parallèlement, les gestionnaires d’équipement innovent pour répondre à la raréfaction du foncier et à la tension pesant sur les budgets de fonctionnement.

À l’image de GPSEA, le début de ce nouveau mandat (2020-2026) correspond à l’élaboration pour un grand nombre d’intercommunalités d’un programme pluriannuel d’investissements en partenariat avec les communes-membres. Les nouveaux usages des équipements publics doivent nécessairement y être pris en compte. Sur cet établissement public territorial du Val-de-Marne, l’enjeu est de taille puisque qu’il assure la gestion de pas moins d’une quarantaine d’équipements culturels et sportifs.

C’est dans ce contexte que GPSEA s’est associé à l’Institut Paris Région pour mener un benchmark des tendances émergentes2 qui renouvellent les usages des équipements culturels, sportifs et des tiers-lieux. En lien avec sa démarche sur la prospective, ces travaux ont permis de mettre en perspective les enjeux de l’évolution des équipements publics sur le territoire. Disponibles sur les sites Internet des deux structures, ces travaux font écho aux préoccupations diverses des acteurs qui agissent sur nos territoires.

  1. « Équipements publics et nouveaux usages, un défi pour les territoires », Société-Habitat 10 nov. 2020, n872, note rapide.
  2. « Les nouveaux usages des équipements – Benchmark », Convention partenariale Grand Paris Sud Est Avenir, mars 2020 ; https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/000pack2/Etude_2451/GPSEA_benchmark_VFGPSEA2.pdf
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