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Nouvelle-Aquitaine mobilités au cœur des enjeux de mobilités durables

Le 25 février 2023

Né en 2018, Nouvelle-Aquitaine Mobilités (NAM) est un syndicat au service des usagers, des autorités organisatrices de mobilités (AOM) et des territoires. Si NAM est aujourd’hui dans une phase de croissance forte, malgré sa jeunesse, c’est avant tout grâce à la rencontre entre l’ambition politique d’un territoire et l’agilité d’un outil efficace pour les usagers comme pour les finances publiques.

Résumé

Dans un contexte de polarisation des territoires, la mobilité constitue un enjeu de société majeur. Elle doit d’abord apporter une réponse à la congestion des réseaux routiers urbains et périurbains et offrir une alternative à l’autosolisme, aujourd’hui seul modèle de déplacement envisageable pour les populations éloignées. Dans ce contexte, les collectivités doivent proposer des solutions de mobilité durables et assurer la cohésion entre les territoires et les personnes. C’est une réflexion globale et multifactorielle qui doit s’amorcer.

En juillet 2018, les collectivités et réseaux de transports en commun de Nouvelle-Aquitaine s’unissent. NAM voit le jour pour coordonner, faciliter et façonner une mobilité durable sur l’ensemble du territoire. 33 membres engagés (région, agglomérations, communautés de communes, etc.), 40 réseaux de transports concernés et 84 061 km² couverts font de NAM l’un des premiers syndicats mixtes de France. C’est le signe d’une volonté forte des acteurs publics régionaux de façonner aujourd’hui les mobilités de demain et de répondre aux orientations législatives (loi NOTRe et LOM1) par l’action.

Ainsi, NAM, ses membres et partenaires développent des services mutualisés (information voyageurs, solutions billettiques), créent une connaissance partagée (étude multimodale, tarification, open data) et imaginent les déplacements de demain (mobilités alternatives, RER métropolitain). Autant de projets qui participent à faire de la mobilité un bien commun, un service partagé entre usagers, collectivités et transporteurs visant à connecter les territoires ruraux, urbains et périurbains.

Rappel de la construction du dispositif (pré-LOM)

NAM est né en 2018 de l’initiative de la région Nouvelle-Aquitaine, au lendemain de la fusion des régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes. Le territoire, aussi grand sinon plus que de nombreux pays européens, couvre des réalités contrastées, entre dynamique de la façade atlantique, métropolisation de Bordeaux et ruralité à l’est. Trouver un équilibre entre tous ces acteurs est pour autant nécessaire pour faire collectivement face aux enjeux de report modal et de réductions des émissions de gaz à effet de serre.

Il existe finalement assez peu de syndicats SRU2 à des échelles régionales, la Normandie et le Nord-Pas-de-Calais ayant été précurseurs en la matière pour déployer des billettiques mutualisées. Le souhait politique en Nouvelle-Aquitaine est d’aller plus loin que le simple développement de systèmes. L’objectif est de réfléchir à leur déploiement en lien avec l’ambition de coordonner l’ensemble de la chaîne des mobilités.

Pour cela, autour du comité syndical réunissant les délégués de la quasi-totalité des AOM (25 sur 28) de la Nouvelle-Aquitaine, cinq comités de bassin sont créés. Si la présidence du syndicat revient naturellement au vice-président en charge des mobilités de la région, la présidence des comités de bassin échoit aux vice-présidents mobilités des membres urbains : Bordeaux, Limoges, Pau, Poitiers et La Rochelle pour la mandature en cours.

Enfin, la région joue pleinement son rôle de chef de file de l’intermodalité en abondant le budget du syndicat à hauteur de 50 %, tout en laissant une grande ouverture à la gouvernance partagée avec les deux tiers des poids de vote réservés aux membres urbains.

Feuille de route et enjeux

La première feuille de route met en lumière la nécessité de procéder par étape, de créer de la confiance partagée, d’avoir des espaces de dialogue, mais aussi de mettre des outils à disposition des membres. NAM déploie très rapidement des biens communs et en fait la base de sa stratégie de développement autour de la marque multimodale Modalis. Les enjeux sont triples et portent à la fois sur des questions de mutualisation, la sécurisation du parcours client et la construction d’outils de connaissances partagées.

Optimiser les finances publiques en acquérant des systèmes partagés

Les économies, très importantes, sont de deux ordres. Tout d’abord, la démonstration est rapidement faite qu’acheter des systèmes pour le compte de plusieurs membres revient moins cher à chaque membre que s’il l’acquérait de leur côté. Les gains sont suffisamment substantiels pour que la contribution de nombreux membres soit équivalente ou inférieure au coût d’un seul outil utilisé de la galaxie Modalis tel que le calculateur d’itinéraire multimodal.

Ensuite, le fait d’avoir une seule brique technique mutualisée évite les nombreux coûts de développement pour rendre interopérables les systèmes déployés de manière éparse et unique territoire par territoire.

La règle d’or est de respecter le calendrier de migration de chaque membre tout en définissant des règles communes de gestion et d’harmonisation.

Faciliter le parcours client

Tous les outils développés ont vocation à simplifier l’accès aux mobilités collectives, prioritairement publiques, mais aussi privées, dès lors qu’elles servent à opérer du report modal.

Le calculateur d’itinéraires Modalis regroupe ainsi sur une même interface toutes les données horaires de l’ensemble des réseaux de Nouvelle-Aquitaine, mais aussi la marche, le vélo et le covoiturage, y compris les offres émanant des opérateurs privés. Lancé en 2019, Modalis compte 22 000 000 calculs d’itinéraires sur l’année 2022 et connaît une croissance interne et externe forte, directement ancrée dans la logique partagée de NAM. En effet, si un tiers des calculs se fait via le site ou l’application Modalis, deux tiers se font via les sites Internet des réseaux membres qui intègrent l’outil en marque grise : un back-office commun, des front-office en fonction des usagers.

Dès la fin du premier confinement, NAM a également mis à disposition de ses membres un système d’acquisition de titres et de validation sur smartphone. Le « ticket modalis » se déploie progressivement sur l’ensemble du territoire. Il permet d’ores et déjà d’accéder, via le digital, à 13 réseaux urbains néo-aquitains, la totalité des lignes routières régionales et le Pass abonné télétravail. Avec un million d’euros de chiffre d’affaires en 2022 et plus de 60 000 utilisateurs, sa réussite est concrète. Là, encore solution unique ou complémentaire des réseaux membres, il favorise le passage d’un réseau à un autre, en attendant son élargissement prochain au réseau de Bordeaux Métropole et à d’autres titres TER.

L’interopérabilité entre les réseaux se fait également via la carte Modalis, dorénavant accessible à plus de dix réseaux urbains et plus de 200 000 utilisateurs, en attendant dès 2023 le projet de mobilité intégrée Modalis.

Améliorer les connaissances partagées et créer des outils de pilotage des politiques publiques

Dans un environnement post-loi d’orientation des mobilités devant favoriser l’accès aux transports en commun via l’ouverture des canaux de distribution et la mise en open data des données de la puissance publique, il est d’autant plus important que les usagers comme les collectivités puissent s’appuyer sur un tiers de confiance public quant à la qualité des données et de leur protection dans le respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

NAM et ses membres ont fait le choix stratégique de se doter d’une stratégie de licence et de développer en propre des outils d’analyses tel que l’observatoire des données. Celui-ci permet d’enrichir les données théoriques des transports avec les données d’usage issues de la billettique et du MaaS (Mobility as a Service) Modalis, et de progressivement devenir un outil de pilotage des offres de mobilités à partir d’analyses internalisées aux structures publiques.

NB : Que sont ces « systèmes » ? C’est l’ensemble des éléments techniques constituant :

  • l’information voyageurs : celle-ci est constituée de données permettant d’intégrer des fiches horaires dans des calculateurs d’itinéraires. Elles sont produites par des outils utilisés par les transporteurs pour construire leur offre et optimiser leur production. De nombreux travaux ont permis de définir les formats auxquels ces données doivent être livrées et qualifiées ;
  • la billettique : ce sont l’ensemble des éléments permettant à un usager d’acheter un titre de transport (le bon !), de le recevoir sur un support adapté (une carte, un smartphone, un papier, etc.) et de le valider quand il arrive dans une gare, monte dans un bus ou un tramway. Cela regroupe aussi tout le back-office : l’intelligence qui permet d’assurer que le titre acheté est bien une recette sur un compte bancaire, que le titre validé est conforme et que l’usager n’aura pas d’amende, etc. C’est enfin toute l’analyse statistique qui permet d’avoir une vision de la charge des matériels et de répartir les recettes entre les différents transporteurs ;
  • le MaaS : c’est la couche qui réconcilie l’information voyageurs et la billettique, et la fait évoluer vers le numérique. Après avoir recherché le meilleur itinéraire, il sera dorénavant possible d’acheter tous ses titres dans un seul panier d’achats. C’est aussi l’occasion de créer un compte unique, potentiellement rattaché aux autres comptes de services publics tel que France Connect.

La composante partenariale et l’enjeu de l’ingénierie territoriale, la colonne vertébrale des avancées

Tous ces outils ont pour objectif d’offrir un environnement plus attractif, simple et commun aux usagers dans le cadre du déploiement des offres de mobilités des membres. Le lien avec le territoire est donc essentiel pour en assurer la promotion et la diffusion, mais aussi faire profiter à tous des économies d’échelles générées.

Depuis sa création, et sous l’impulsion unanime des délégués de NAM, une animation territoriale a été mise en place via les comités de bassin. Ceux-ci sont des instances politiques de travail sur la coopération des politiques de mobilités et la coordination des offres de transports. Au-delà des membres, les départements et les communautés de communes, qu’elles aient ou non pris la compétence, sont systématiquement invités aux travaux du syndicat, et notamment le suivi et la validation des études multimodales.

Ainsi, NAM pilote à la fois des études stratégiques d’organisation de moyen/long terme, comme le schéma multimodal, qui s’inspire des méthodes éprouvées de planification suisse et d’autres pays européens, mais également des études opérationnelles de court terme telle que la mise en œuvre de lignes de cars express ou de lignes de covoiturage.

La première étude menée par le syndicat dès sa création a mis en exergue le besoin essentiel de coopération, y compris financier, entre ses membres. En effet, à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, sont ressortis pas moins de 55 corridors périurbains avec fort potentiel de report modal, dont la moitié nécessite des aménagements d’offre, soit ferroviaires, soit routiers.

Or, ces corridors servent des enjeux de mobilités qui concernent à la fois les urbains, dont les zones d’emplois, de loisirs ou universitaires sont à l’intérieur de leurs ressorts territoriaux, et la région, en charge des TER et des offres routières interurbaines. L’efficacité collective passe par des partenariats forts sur les priorisations, les choix d’itinéraires, les niveaux d’offre, de tarification et le cofinancement.

Mais, de fait, ces développements et besoins concernent également les départements en tant que gestionnaires de voirie, également très présents sur la thématique du covoiturage et des schémas cyclables. Et la LOM a ouvert un espace fort aux communautés de communes périurbaines directement impactées par ses flux quotidiens entre leurs espaces résidentiels et ceux des zones d’attractivités justes de l’autre côté de leurs frontières administratives.

Comment, dès lors, faire cohabiter et converger autour d’objectifs communs et de budgets mutualisés des institutions dont les moyens financiers, les priorités de programmation, les niveaux d’ingénierie, les modèles contractuels sont en réalité très contrastés ? C’est la force a priori d’un syndicat SRU, seul outil juridique et financier permettant de réunir autour d’une même table durable et partagée ces différents acteurs.

Un équilibre entre avancées collectives et feuilles de route locales

Pour autant, le chemin est potentiellement long et complexe entre le diagnostic souvent partagé et facilement observable et la mise en pratique opérationnelle. C’est pourquoi NAM a consacré son organisation « décentralisée » via la réforme statutaire de mars 2022. Le comité syndical est le gardien du temple des sujets à dimension régionale et des biens communs : billettique, MaaS, information voyageurs, stratégie data, planification, organisation territoriale et financière, etc. Pour les dynamiques périurbaines, où le lien entre région, AOM urbaines, communautés de communes et département est dimensionnant pour aboutir, la possibilité est donnée aux membres de s’associer au sein d’une « commission locale des mobilités ».

Son principe est simple : à partir d’une feuille de route opérationnelle, plusieurs membres se regroupent au sein d’une instance de gouvernance locale disposant d’un budget annexe avec autonomie juridique et financière. Celui-ci s’adosse notamment sur le versement mobilité additionnel (VMA), fiscalité réservée aux syndicats SRU.

Les syndicats SRU peuvent jouer un rôle majeur dans le développement des mobilités du quotidien et l’atteinte des objectifs de décarbonation.

En fonction des territoires et des besoins, les politiques ainsi cofinancées pourraient être des lignes de cars express, du covoiturage, voire des offres de transport à la demande (TAD) ou des espaces multimodaux. À l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, quatorze aires de mobilités pourraient ainsi faire l’objet d’une gouvernance resserrée.

La question est d’autant plus d’actualité que la LOM a présenté un avantage majeur en permettant aux communautés de communes de réfléchir à cette problématique et à se projeter dans leur rôle face aux défis des mobilités. Cela a aussi mis en exergue le fait que les responsabilités étaient partagées et qu’aucun territoire ne pouvait se prévaloir d’une exhaustivité de la compétence. Il est également clairement établi qu’aucune collectivité ne peut gérer la totalité des flux impactant son territoire. Les métropoles et intercommunalités urbaines attirent au-delà de leurs ressorts territoriaux. Les territoires périurbains, ruraux ou non, n’ont pas réellement de problématique de mobilité interne, mais plutôt externe vers les zones d’emploi, d’études ou de loisirs.

Dès lors, il est clair que les syndicats SRU représentent une opportunité exceptionnelle, non seulement d’espace de dialogue, mais surtout d’espace de réalisation.

Du dispositif à la construction mutualisée qui ouvre sur une démarche interterritoriale

L’objectif de la commission locale des mobilités proposée par la réforme stature de NAM est d’offrir un cadre juridique et financier aux territoires matures pour se coordonner à l’échelle du bassin de mobilités.

Cette première étape, nécessaire mais non suffisante, ouvre la porte à l’élaboration de feuilles de route partagées, adossées à des tours de table financiers garantissant la mise en œuvre opérationnelle des projets attendus.

Cela passe par une mise en confiance collective et des projets de qualité. C’est pourquoi le périmètre, les contours du budget et les règles d’organisation seront définis par les délibérations de mise en œuvre de ces commissions. Ensuite, les avis rendus au sein de ces instances feront l’objet d’un projet de délibération au sein du comité syndical de NAM.

Il y a néanmoins un sujet qui mérite une attention particulière : le versement mobilité additionnel. Sa définition actuelle en fait un objet extrêmement technique et complexe, et pour le moins potentiellement déconnecté des bassins de mobilités et des projets d’aménagements liés.

En effet, son assiette géographique repose sur des définitions de l’Insee qui évoluent régulièrement et qui s’éloignent de la réalité des mobilités du quotidien. De fait, son assiette repose sur le territoire communal et non celui de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Or, c’est à l’échelle des EPCI et au-delà que sont définies les politiques de mobilités. En outre, de nombreux territoires ne sont pas éligibles, quand bien même le besoin de financement est prégnant. Enfin, cela renvoie au fait que seules les communautés de communes ayant pris la compétence peuvent lever une fiscalité pour déployer leurs projets de mobilités. Or, comme évoqué, aucune n’est vraiment à la maille des besoins réels et le salut passe par la coopération et la mutualisation à des échelles plus importantes, ce que permettent justement les syndicats SRU.

Au final, il est désormais urgent de faire évoluer cette fiscalité en la modernisant :

  • viser l’échelon intercommunal comme la LOM et non l’échelle communale ;
  • viser une continuité des taux à l’échelle d’un bassin de mobilités ;
  • offrir à tous les territoires cette opportunité en la liant à une feuille de route établie.

Cette réflexion doit s’accompagner d’un travail spécifique sur le financement et les modèles économiques de manière très élargie (voirie, covoiturage, engagements climatiques, etc.).

La LOM a donné une nouvelle dimension aux syndicats SRU. Ils étaient déjà potentiellement au cœur des problématiques de mobilités via leurs compétences en termes d’information voyageurs et de billet unique.

En venant consacrer les besoins de coopération entre AOM et en fléchant les régions comme AOM locales là où les communautés de communes n’ont pas pris la compétence, les syndicats SRU sont dimensionnés pour jouer ce rôle d’articulation et de pilotage de projets.

Forts de leur expérience dans le déploiement d’outils partagés (billettique, calculateur d’itinéraires, tarifications multimodales, MaaS), de la souplesse de leurs statuts (il suffit de comparer le SMMAG – Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise – à NAM !) et de leur potentiel fiscal, ils peuvent jouer un rôle majeur dans le développement des mobilités du quotidien et l’atteinte des objectifs de décarbonation.

  1. L. no 2015-991, 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », et L. no 2019-1428, 24 déc. 2019, d’orientation des mobilités, dite « LOM ».
  2. Syndicats issus de la loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ».
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