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L’agence d’urbanisme et développement du pays de Saint-Omer : un acteur culturel à part entière

Le 21 août 2023

L’agence d’urbanisme et développement (AUD) Pays de Saint-Omer1 expérimente une approche culturelle de l’urbanisme depuis 2010. Une démarche originale en phase avec les enjeux d’adaptation des acteurs territoriaux.

L’AUD de la région audomaroise est créée en 1974 pour poursuivre le développement de l’action d’aménagement entrepris par le district de la région de Saint-Omer, le département du Pas-de-Calais et l’État depuis 1967, avec pour objectifs de conduire le développement de l’agglomération, de mener une politique d’attractivité industrielle, de mettre en œuvre le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) ainsi que le contrat de ville moyenne. Elle s’inscrit en cela dans l’histoire et le rôle des agences tel qu’il est décrit dans le Code de l’urbanisme, puis adapté avec les lois de décentralisation, la loi dite « Solidarité et renouvellement urbain » (SRU)2, et plus récemment avec les lois pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « ALUR » 3, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « MAPTAM » 4, portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe » 5, et enfin la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience » 6.

En 2010, l’agence prend deux orientations marquantes et se singularise en devenant un acteur de la culture et de démocratie participative. Cette évolution la conduit à mettre en œuvre une approche originale de l’urbanisme qu’il parait intéressant de relater au moment même où les enjeux de transition écologique obligent les acteurs territoriaux à s’adapter pour les relever.

Plus de dix ans d’initiatives en matière d’éducation artistique et programmation culturelle

Dans le cadre de l’élaboration puis de la mise en œuvre de la convention du label « Pays d’art et d’histoire » par l’agence, le ministère de la Culture s’est engagé dans une mutualisation de l’ingénierie locale, reconnaissant une complémentarité entre l’agence et le label dans les domaines de l’urbanisme, de l’architecture et de la planification. Ce positionnement unique, encore aujourd’hui en France, conduit à intégrer des missions d’éducation, de programmation artistique et culturelle et de médiation.

En 2013, la préfiguration du label « Pays d’art et d’histoire » de Saint-Omer occasionne la première saison culturelle de l’agence, « À la croisée des arts ». Elle avait pour vocation de diffuser l’animation et la valorisation du patrimoine. Elle se voulait accessible au plus grand nombre en proposant des conférences, visites contées, rencontres-artisans, ateliers de pratiques artistiques ou encore des mallettes pédagogiques à destination des scolaires.

Cette impulsion, lancée il y a dix ans, n’a cessé de croître et a trouvé le sens dans la transversalité des projets proposés aux publics de l’agence. De cette complémentarité, des compétences ont pu naître, plusieurs expositions temporaires à destination du grand public permettant la valorisation d’éléments repris dans les documents d’urbanisme : celle du schéma de cohérence territoriale (SCoT) en 2018, ou celle sur l’architecture agricole en 2021 réalisée à partir de l’inventaire patrimonial du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi).

D’une autre manière, certains gestes artistiques du label ont pu irriguer les projets de l’agence. Cela a été le cas en 2021, dans le cadre d’un contrat local d’éducation artistique (CLEA) où un travail avec Richard Pereira de Moura, artiste-géographe, et l’école primaire de la commune de Mametz a permis de nourrir les réflexions autour de l’aménagement d’une aire de jeux ainsi que la rédaction d’un guide d’aménagement.

Par ailleurs, ces dernières années, les visites à deux voix avec un architecte, un urbaniste ou un géographe de l’agence et un guide-conférencier du label se sont multipliées. Traitant des sujets de mobilité, d’eau, d’adaptation au changement climatique ou de renaturation et de désimperméabilisation des sols, elles proposent un discours qui, d’une part, retrace l’histoire des lieux et son contexte et d’autre part, montre comment ce lieu s’inscrit dans les transitions écologiques, énergétiques et sociétales.

La médiation au cœur d’une pratique de l’urbanisme centrée sur la transition démocratique

Alors que la région Nord-Pas-de-Calais impulse une politique de démocratie participative, l’agence s’est placée comme animateur-médiateur de débats, forums, ateliers avec les citoyens pour coconstruire les politiques publiques telles que celles liées au numérique, ou encore à la mobilité. Elle intègre également l’expertise d’usage dans le projet urbain. Elle devient ainsi progressivement l’outil du territoire en la matière et anime, en 2019, le Grand débat national avec plus de 600 participants sur le Pays de Saint-Omer.

Pour répondre aux besoins des habitants, le plus simple est de leur demander leur avis. C’est en partant de ce principe que les collectivités du Pays de Saint-Omer, avec le soutien de la région par son instance régionale du débat public, ont décidé de confier à l’agence l’animation de grands débats publics à la fin de l’année 2013, sur le sujet du numérique, puis en 2015 sur la mobilité.

Un questionnaire en ligne, des rencontres avec les habitants, un panel de citoyens constitué en groupes de créativité, un grand forum, etc., plusieurs centaines d’habitants du Pays de Saint-Omer ont apporté une contribution durant le débat sur le numérique. Les enseignements ont été très riches, près d’une centaine d’idées différentes pour un plan Territoire numérique ont été remontées pour proposer le développement d’infrastructures performantes, le renforcement de l’accompagnement humain et la création de nouveaux services.

L’agence a renouvelé l’exercice sur le sujet des mobilités : « Comment et pourquoi nous déplaçons-nous ? », « Comment améliorer les conditions de ces déplacements, pour qu’ils soient plus confortables, sécurisés et optimisés ? », etc.

Autant de questions qui ont pu être abordées avec les habitants lors de forum citoyens, mini-débats s’appuyant sur des acteurs relais, forum de croisement des idées et solutions et à l’issue duquel près de 140 propositions ont été formulées pour l’aménagement, l’équipement, les infrastructures, l’offre de services pour les mobilités actives ou partagées, l’intermodalité, le train et les transports en commun, ou encore le véhicule électrique.

L’agence a également animé la participation citoyenne sur le projet urbain. En dix ans, une dizaine de communes ont été accompagnées dans la déclinaison des orientations d’aménagement et de programmation des documents de planification en projets urbains en associant les habitants, les riverains et les scolaires. Dans chacun des cas, l’expertise d’usage et les attentes citoyennes ont permis la proposition de scénarios d’aménagement. Plus récemment encore, c’est à l’échelle de l’école, avec les projets de renaturation, qu’élèves, enseignants, parents et riverains de l’équipement public ont été associés pour la définition des orientations de programmation des projets.

L’invention et l’expérimentation d’une approche culturelle de l’urbanisme

L’année 2024 marquera les cinquante ans de l’agence et les dix ans d’intégration du label Pays d’art et d’histoire. Dans un contexte qui perdure de défiance des politiques publiques et de défi nouveau pour faire face aux risques de ruptures liés au changement climatique, un projet d’agence renouvelé est engagé. L’agence devrait à cette occasion encore renforcer son rôle d’acteur culturel et d’espace de dialogue.

Par ses pratiques, l’agence enrichit l’approche de l’urbanisme en tant qu’arts et métiers social de la transformation dans le respect des paysages et des sols. Elle inscrit l’action dans le croisement des cultures professionnelles de l’urbaniste, du géographe, du paysagiste avec celle de l’historien, du médiateur culturel. Il s’agit d’écrire de nouveaux récits encapacitant, concrets et prospectifs en s’appuyant sur la connaissance et l’utopie pour œuvrer à la fabrique de nouveaux territoires de vie.

La transformation de l’organisation en étant un lieu de vie plus ouvert doit permettre de mieux articuler urbanisme et culture. Elle se concrétisera par l’animation, le partage, la transmission au travers du centre d’interprétation dont la programmation comprendra des colloques, expositions, recueils de mémoires ou fictions et rencontres par le prisme des trois dimensions temporelles (passé, présent et futur) pour nouer une culture urbaine commune. Ce changement de posture pourrait conduire à développer une programmation culturelle de l’agence qui intègre pleinement la recomposition écologique du territoire par l’intermédiaire de visites à pied, en vélo, en bus, de parcours ou d’itinéraires, de visites aux regards croisés ou au croisement des arts, de visites gourmandes, sonores, sportives, d’explorations pour nouer des conversations avec les publics et faire évoluer les pratiques de l’aménagement et de leurs représentations notamment cartographiques.

  1. https://www.aud-stomer.fr/
  2. L. no 2000-1208, 13 déc. 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
  3. L. no 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
  4. L. no 2014-58, 27 janv. 2014, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
  5. L. no 2015-991, 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République.
  6. L. no 2021-1104, 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
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