Immersion dans la plus grosse centrale solaire urbaine d’Europe

Centrale solaire
La centrale solaire de Labarde, implantée dans le quartier de Bordeaux Lac, le long de la Garonne, a ceci de particulier qu’elle a été construite sur une ancienne décharge qui appartient toujours à la ville. Elle est exploitée par JP énergie environnement (JPee), une entreprise française spécialisée dans la production d’énergie renouvelable, qui bénéficie d’un contrat d’autorisation d’occupation temporaire (AOT) de trente-cinq ans.
©Julien Nessi
Le 31 août 2023

Avec 135 000 panneaux photovoltaïques étendus sur 60 hectares, la centrale solaire de Labarde, sur le territoire de Bordeaux Métropole, est la plus grosse centrale solaire urbaine d’Europe. Inaugurée en mai 2022, elle permet d’alimenter environ 35 000 habitations en électricité. Son implantation, sur une ancienne décharge, implique certains défis techniques.

C’est à l’occasion de l’édition 2023 des Assises européennes de la transition énergétique (AETE), intitulée « Agir ensemble vers la neutralité carbone en 2050 », que nous avons pu explorer les coulisses de cette centrale solaire géante. Lorsqu’on pénètre à l’intérieur du site, la première chose qui frappe, ce sont les milliers de panneaux solaires alignés les uns à côté des autres sous lesquels se cachent des boîtes blanches – les onduleurs photovoltaïques qui transforment le courant produit par les panneaux solaires en électricité utile – et où l’on croise des moutons, et même quelques chèvres, en charge de l’entretien des sols. La centrale solaire de Labarde, implantée dans le quartier de Bordeaux Lac, le long de la Garonne, a ceci de particulier qu’elle a été construite sur une ancienne décharge qui appartient toujours à la ville ; une colline, dont on aperçoit le pont d’Aquitaine depuis le point culminant. C’est une entreprise familiale française de 140 salariés, JP énergie environnement (JPee), basée à Caen en Normandie, spécialisée dans la production d’énergie renouvelable, qui bénéficie d’un contrat d’autorisation d’occupation temporaire (AOT) de trente-cinq ans, soit la durée de vie des panneaux solaires : « Les panneaux représentent 40 à 45 % de l’investissement de la centrale. Nous avons choisi d’installer des panneaux solaires fabriqués aux États-Unis (Fair Solar) avec le meilleur bilan carbone du marché. Ils pourront, si on décide de démonter la centrale au bout de trente-cinq ans, être recyclés à 90 % puisque c’est principalement du verre et des matériaux semi-conducteurs », explique Xavier Nass, le président-directeur général de JPee.

Des défis techniques pour un projet pharaonique

Pour mener à bien l’installation de cette centrale solaire géante, le premier défi technique d’envergure a consisté à imperméabiliser le sol à l’aide d’une membrane végétale et isolante afin d’isoler et de sécuriser la colline qui contient des millions de mètres cubes de déchets enterrés. Aucune opération de construction n’était envisageable sur cette installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) : « Une couche géotextile recouvre le sol pour assurer l’étanchéité et des socles en béton maintiennent les panneaux solaires légèrement inclinés comme des ombrelles », précise Vincent Haluska, le responsable développement solaire sud de l’entreprise française. Deuxième défi technique : optimiser la production d’énergie solaire grâce à des onduleurs connectés qui évaluent en temps réel la production : « Nous disposons d’un centre de supervision à Paris qui peut contrôler à distance la performance des panneaux. À tout moment, nous pouvons surveiller une éventuelle baisse de performance, et intervenir rapidement sur le panneau défaillant de la centrale solaire », explique Xavier Nass, qui gère aujourd’hui 64 centrales solaires en France d’une puissance de 213 mégawatts et 14 parcs éoliens.

Décharges, parkings et rocades pour produire de l’énergie solaire

L’intérêt de cette centrale est qu’elle a été construite sur une ancienne déchetterie, un terrain pollué et impropre à d’autres usages. Les terrains non constructibles, non agricoles, les friches industrielles ou les anciennes décharges peuvent ainsi vivre une seconde vie en étant reconvertis en centrales solaires, de taille variable. Le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, a le projet, par exemple, de couvrir la rocade de Bordeaux de panneaux solaires et a également dévoilé, durant les AETE, les premiers projets de parkings solaires dans la ville. Le projet vise à installer des ombrières photovoltaïques sur plusieurs sites (notamment, le centre routier « Les 3 cardinaux », situé à Bacalan, la plaine des sports Colette-Besson à Bordeaux lac, les parcs-relais Pyrénées et Lauriers, respectivement situés à Villenave-d’Ornon et Lormont).

Ce que prévoit la loi du 10 mars 20231​​​​​ sur le déploiement du solaire photovoltaïque

La loi no 2023-175 libère un potentiel foncier déjà artificialisé ou ne présentant pas d’enjeu environnemental majeur afin de préserver les zones naturelles et non artificialisées. Elle facilite la mobilisation :

  • des terrains aux abords des routes, autoroutes, voies ferrées et fluviales ;
  • des friches en loi Littoral2 dont la liste sera fixée par décret ;
  • des parkings extérieurs existants de plus de 1 500 m², qui devront installer des panneaux solaires sur au moins la moitié de leur surface.

Ces mesures permettront d’installer des projets d’énergies renouvelables qui produiront l’équivalent de plusieurs dizaines de gigawatts.

La loi prévoit également un renforcement important des obligations d’installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments non résidentiels neufs ou lourdement rénovés (entrepôts, hôpitaux, écoles, etc.) :

  • sur les bâtiments neufs ou lourdement rénovés, la couverture minimum des toitures augmentera progressivement de 30 % en 2023 à 50 % en 2027 ;
  • cette obligation sera étendue dès 2028 aux bâtiments non résidentiels existants ;
  • les organismes privés d’habitations à loyer modéré devront réaliser une étude de faisabilité pour le développement d’équipements de production d’énergies renouvelables sur les logements sociaux dont ils ont la charge.
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