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Vivre dans un monde de déchets

Carte des déchets
Le 19 novembre 2019

Les faits, les chiffres, les images s’accumulent et ne cessent de prouver combien le monde moderne, sa production et sa consommation de masse, s’est construit en prélevant les ressources naturelles et en rejetant inconsidérément dans l’environnement tous les déchets qui résultaient de ses processus de transformation.

Le 4 décembre 2018, Maria Fernanda Espinosa, présidente de l’Assemblée générale de l’ONU, déclarait : « D’ici 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans la mer […] des microplastiques sont désormais trouvés dans le sel et dans l’eau […] chaque personne sur la planète est présumée avoir du plastique dans son corps. »

L’année suivante dans son rapport « Pollution plastique : à qui la faute ? », le WWF chiffrait l’étendue des dégâts : en 2016, ce sont 310 millions de tonnes de déchets plastiques qui ont été produits. Chaque année, le tiers de ceux-ci est dispersé dans l’environnement sous forme de pollution terrestre, d’eau douce ou marine, soit 100 millions de tonnes. La quantité accumulée dans l’océan pourrait doubler d’ici 2030 si aucune politique sérieuse n’est entreprise. À cet horizon, les émissions de CO2 résultant du cycle de vie du plastique pourraient croître de 50 % et celles de l’incinération de 300 %.

Toujours plus sidérant : la NOAA (agence américaine d’observation océanique et atmosphérique) en sondant la fosse des Mariannes, à 11 000 mètres de profondeur, découvrait à côté de nouvelles formes de vie un sac plastique jetable. En 2008, des chercheurs de The ocean cleanup1 estimaient que « the great Pacific garbage patch2 » qui se forme au milieu du pacifique entre Hawaï et la Californie occupaient un espace de 1.6 million km2 et représentait une masse de 80 000 tonnes.

Le plastique est assurément un bon marqueur de l’anthropocène et de la pression anthropique sur les milieux. Il n’est malheureusement pas le seul, loin de là, parmi les déchets ménagers ou industriels qui entrent dans les cycles de vie et finissent par les menacer. « N’en jetez plus ! » car le terrestre et les humains ne supporteront plus longtemps ce traitement.

Paradoxalement, la prise en compte des déchets figure sans doute aussi parmi les changements de comportement les plus significatifs que nous adoptons pour tenter de répondre à la crise écologique. Du tri au recyclage, de l’écoconception à l’économie circulaire, du zéro déchet à la déconsommation, les incitations ne manquent pas. Selon l’ADEME, en 2016, nous produisions en France 4,6 tonnes de déchets par habitant. Les déchets ménagers (9 % des déchets français) auraient commencé à baisser de 0,3 % sur les dix dernières années alors que ceux issus des entreprises hors BTP (15 % du total) diminuaient de 8 %. Enfin ceux liés à la construction augmentaient de 10 % (81 % restant). Parmi ces déchets collectés, 65 % sont recyclés ou utilisés dans du remblayage, 29 % éliminés et 6 % valorisés en produisant de l’énergie.

On le voit, les efforts entrepris sont pourtant insuffisants. La feuille de route pour l’économie circulaire (FREC) parue en France en 2019 fixe d’ailleurs de nouveaux objectifs : 100 % des plastiques à recycler en 2025 ou encore 100 % de collecte des déchets recyclables.

  1. Source : Scientific reports.
  2. Appelé aussi « vortex de déchets du Pacifique nord » à « le septième continent », est un gyre (tourbillon d’eau océanique) constitué de plastiques.
Carte des déchets
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