Revue
CartoscopieQuand les communes françaises éteignent la lumière
Réduire l’éclairage pour consommer moins d’énergie : fin 2022, ce fut l’un des principaux mots d’ordre des plans de sobriété promus par le Gouvernement. A-t-il été suivi d’effet ? Pour le savoir, nous avons analysé des images satellites nocturnes.
Depuis près de dix ans, des satellites américains captent chaque nuit le rayonnement lumineux émis en tous points de la surface de la Terre. Grâce à ces données, qu’on appelle « radiance », il est possible d’identifier où se trouvent les sources d’éclairage et de quantifier leurs émissions. Nous avons comparé les images nocturnes collectées au-dessus de l’Hexagone au cours de deux périodes : de janvier à avril 2022 (avant la crise énergétique) et de janvier à avril 2023.
Verdict : la luminosité globale en France métropolitaine a baissé de 19 % en un an. Cela ne concerne pas seulement des petites communes, plusieurs grandes villes se distinguent par des baisses parfois spectaculaires : -51 % à Saint-Étienne, -31 % à Nîmes, -46 % à Clermont-Ferrand -39 % à Metz, etc.
Pour parer à l’urgence, de nombreuses collectivités locales ont en effet choisi d’éteindre tout ou partie de leurs lampadaires, sur des plages horaires plus ou moins étendues. Toutefois, la baisse de l’éclairage public est aussi le fruit de stratégies visant à transformer durablement les installations et les pratiques : remplacement des anciennes lampes par des LED, baisse des puissances lumineuses, meilleure orientation des flux ou réduction du nombre de luminaires. Ces travaux de rénovation connaissent une accélération et sont éligibles au Fonds vert lancé en 2022. Le mouvement devrait encore s’amplifier dans les prochaines années, poussé par un autre impératif environnemental : la préservation de la biodiversité.
La stratégie nationale « Biodiversité 2030 », présentée fin novembre 2023, fixe ainsi comme objectif une réduction de 50 % de la pollution lumineuse d’ici la fin de la décennie.
Cela devrait s’accompagner d’un accroissement des obligations réglementaires, notamment en matière de « trame noire » (prise en compte des impacts écologiques des nuisances lumineuses dans la planification territoriale). La stratégie nationale prévoit également le renforcement des actions à l’égard des sources lumineuses privées, notamment celles des commerces, des équipements sportifs ou des serres agricoles.
Les images satellites montrent d’ailleurs qu’entre l’hiver 2022 et l’hiver 2023, les communes qui ont connu les plus fortes augmentations d’émissions lumineuses le doivent en général aux activités privées opérées sur leur territoire : terminaux méthaniers, raffineries, aciéries, serres agricoles, etc.