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Faire face à la crise de l'État par les valeurs

Le 16 avril 2018

La crise de l’État de droit implique de revenir aux valeurs et aux principes républicains pour redonner du sens à la notion de souveraineté de l’État. Point de vue d'un collectif d'agents publics.

L’État et le citoyen : des relations complexes qui ont conduit à une crise de légitimité et de souveraineté des institutions

Historiquement, l’État a constitué d’abord un moyen privilégié de pérennisation, puis de légitimation du pouvoir. Cette étape est résumée par deux maximes célèbres. D’abord, la phrase prêtée à Louis XIV sur son lit de mort : « Je m’en vais, mais l’État demeure » ; puis, trois décennies plus tard, celle de Rousseau dans le Contrat social : « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. »

L’ouverture des sociétés, l’aspiration à une plus grande autonomie des sociétés civiles, la complexité démultipliée des économies ont remis en cause ce magistère moral et intellectuel de l’État, qui a pu prendre en France un tour presque « impérialiste ». À la sacralisation a succédé, par un mouvement de balancier au moins également excessif, la diabolisation. Désormais perçu, comme inefficace, coûteux, sclérosé, voire prédateur, l’État a rapidement fait figure de bouc émissaire, remettant en cause sa légitimité et provoquant une crise démocratique.

Redonner un nouveau souffle démocratique

Dans une allocution de novembre 2015 « Incarner, défendre et promouvoir les valeurs de la République, pour refonder nos services publics et notre fonction publique »3, le vice-président du Conseil d’État Jean-Marc Sauvé insistait sur l’importance d’incarner, de défendre et de promouvoir les valeurs et principes
républicains. En effet, liberté, égalité, solidarité, tolérance, souveraineté nationale, dignité, respect, etc., ne sont pas des slogans ou des mots creux vides de sens : ils sont un projet qu’élus et fonctionnaires doivent réaliser.

L’État de droit républicain doit demeurer « une terre à préserver et à faire fructifier » comme le dit Jean-Marc Sauvé dans cette allocution : il ne s’agit pas de brandir des idées mais d’en faire une chose vivante et une règle d’action. Ainsi, les responsables publics et les institutions qu’ils représentent sont les garants de l’ensemble des principes de la République. Ce sont des valeurs universelles, fondatrices de l’État de droit moderne, placées depuis 1789 au cœur du contrat social conclu entre le peuple français et ses gouvernants, et reçues en partage par toutes les nations démocratiques. Ces valeurs sont aussi celles du service public, de son organisation et de son fonctionnement quotidien : la continuité, l’égalité et la mutabilité composent le triptyque des lois dites « de Rolland », qui ont été systématisées au début du xxe siècle et auxquelles s’ajoutent l’idée de neutralité et de laïcité.

Les valeurs de la République sont notre patrimoine, elles sont inscrites dans notre devise et au frontispice de nos édifices publics. Mais elles doivent se traduire en actes : c’est-à-dire les faire vivre dans la société d’aujourd’hui, par des mesures concrètes et utiles, d’une façon innovante, en faisant preuve d’imagination créatrice, dans la fidélité à ce qu’elles ont d’essentiel.

Les lois statutaires avaient déjà inscrit ces valeurs et les principes qui y sont liés : dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité, laïcité, prévention et résolution des conflits d’intérêts, etc. Mais plus fondamentalement, il faut aussi que, nous, les agents du service public contribuons à réduire la distance, voire parfois la fracture entre les valeurs de la République et la réalité, par nos agissements responsables.

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