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Le recours au droit pour contraindre l’État à agir

Le 26 décembre 2023

La justice climatique est en plein essor depuis l’affaire Urgenda aux Pays-Bas (2015). Elle consiste à engager des procès contre les États pour les contraindre à agir, voire pour engager leurs responsabilités en cas d’action insuffisante. Ce phénomène pourrait bien s’étendre dans les années qui viennent à la biodiversité et à la santé environnementale.

Résumé

La question climatique est probablement une des questions politiques les plus importantes à trancher aujourd’hui. En effet, la lutte contre le dérèglement climatique, l’adaptation, la transition non seulement de nos économies, mais de nos modes de vie et de gouvernance sont des sujets éminemment politiques et, par voie de conséquence, la première réponse consisterait à dire que ces sujets ne regardent pas le juge, mais le pouvoir politique et de manière plus générale tous les citoyens via nos systèmes démocratiques.

Pourtant, on observe – ce constat peut être fait au niveau planétaire et pas seulement français – que de plus en plus, se développe ce que l’on appelle la justice climatique, c’est-à-dire des procès faits aux États et, de manière croissante aux entreprises (qui n’entrent pas dans la sphère de ce propos) pour les contraindre à agir, voire pour engager leurs responsabilités en cas d’action insuffisante.

Après avoir examiné les raisons de ce recours au juge, nous essaierons de préciser les conditions dans lesquelles s’exercent ces recours.

Les causes du recours au juge

Le recours au juge pour contraindre les États à agir dans le domaine climatique a plusieurs sources. La première, et la plus évidente, est l’incapacité dans laquelle les États se trouvent d’agir réellement, ou tout au moins suffisamment, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et atteindre les objectifs fixés par les Accords de Paris. Comme chacun sait, dans le cadre des Accords de Paris, les États ont été conduits à indiquer les objectifs de réduction ou de limitation de progression pour les pays en voie de développement qu’ils se fixaient dans le but d’atteindre une hypothétique augmentation de la température de 1,5 voire 2 °C au maximum. Dans le cadre de la préparation de la conférence des parties (COP) 28 à Dubaï, les États sont conduits à mieux cadrer leurs propositions, mais le résultat est plutôt une augmentation de 2,8 à 3 °C que 2 °C, a fortiori 1,5 °C. Et de surcroit, rien ne permet de s’assurer que ces objectifs qui – au terme des Accords de Paris ne sont pas contraignants – seront effectivement atteints. Et, de fait, ils ne le sont pas si on s’en tient à la trajectoire et la croissance constante des émissions de GES. Pour mémoire, elle devrait baisser de 45 % d’ici 2030 pour être dans les objectifs alors que les prévisions sont une augmentation de 15 % !

Quoi qu’il en soit, la transformation politique tarde à se mettre en œuvre et, les effets du dérèglement climatique se font déjà largement sentir avec une augmentation moyenne de la température sur la Terre de l’ordre de 1,1 °C. Qu’il s’agisse des mégafeux, de la multiplication des phénomènes extrêmes, des inondations à répétition, des sécheresses allant jusqu’à rendre certaines zones de la planète inhabitables, les manifestations de la transformation sont évidentes. Mais, changer de paradigme est très difficile dans la mesure où les intérêts économiques de certains s’opposent à la transition, qu’il s’agisse d’États pétroliers ou de sociétés investies dans le fossile. Compte tenu des conséquences économiques, mais également sociales qui s’attachent à cette transformation, il est tout à fait clair que les États renâclent à avancer au rythme qu’il conviendrait. D’où la révolte d’une partie de la jeunesse inquiète à juste titre pour son avenir et la multiplication des phénomènes d’éco-anxiété largement décrite par ailleurs.

Compte tenu des conséquences économiques, mais également sociales qui s’attachent à cette transformation, il est tout à fait clair que les États renâclent à avancer au rythme qu’il conviendrait.

Cette situation conduit donc un certain nombre d’organisations de la société civile, mais également des collectivités locales, à chercher les moyens a minima d’obtenir l’application des engagements pris par leurs états respectifs. À cette première raison s’en ajoute une seconde qui est liée à la spécificité de ce que l’on peut appeler le « droit climatique ».

La Convention-cadre pour le climat signée en 1992 a été complétée par les Accords de Paris signés en 2015 et ratifiés en 2016 à New York. Ces textes créent des étapes qui doivent être satisfaites par des décisions prises par les COP. Mais, une particularité est liée à ces Accords de Paris. En effet, s’il s’agit bien d’une convention internationale à ce titre obligatoire pour les signataires, les engagements qui sont pris à l’intérieur de la convention ne sont en rien contraignants. Cette situation a eu pour conséquence de créer une forme de flou autour de la valeur juridique des engagements qui étaient pris par les uns et par les autres. À cette première spécificité s’en ajoute une seconde liée à la sphère européenne. En effet, l’Europe a toujours été un leader dans le domaine de la lutte contre le dérèglement climatique, et ce, dès le milieu des années 1990 avant la signature des Accords de Kyoto. La première étape a été franchie en 2008 avec le 3x20 qui était une obligation créée à la charge des États membres de réduire de 20 % leurs émissions de GES, d’atteindre 20 % d’énergies renouvelables et d’atteindre 20 % d’efficacité énergétique (ce dernier n’étant pas contraignant) en 2020. Avec le New green deal de 2018, une étape beaucoup plus importante a été franchie qui se traduit aujourd’hui par une obligation de réduction de 55 % des émissions de GES en 2030 par rapport à 1990, ce qui pour la France représente un effort de réduction de l’ordre de 5 % par an alors même que nous ne sommes parvenus que péniblement à atteindre 2,8 % en 2022 grâce à des effets conjoncturels (hausse du coût de l’énergie et hiver très doux). Les nouvelles obligations se traduisent par un objectif de 42,5 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique et par de nouvelles obligations en matière d’efficacité énergétique inscrites dans le cadre du droit communautaire, c’est-à-dire dans un cadre contraignant sanctionné d’abord par la Commission puis le cas échéant par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). C’est du reste dans ce contexte que la France s’est vu poser une pénalité de 500 millions d’euros pour n’avoir pas respecté ses obligations en matière d’énergies renouvelables en 2020. Ainsi, pour les États européens, il s’agit donc bien de droit positif. À ceci s’ajoute enfin des normes nationales qui se traduisent en France par la stratégie nationale bas carbone qui fixe des objectifs bien précis de réduction des émissions de GES pour aboutir aux objectifs 2030 puis 2040 et 2050 qui est un objectif de neutralité carbone.

La seconde originalité de la problématique climatique est qu’il s’agit d’un sujet planétaire, mais dont aucune juridiction n’est chargée. En effet, sous les réserves qui vont être précisées ci-dessous, le respect ou non par un État de ces obligations n’est pas susceptible en l’état actuel des choses d’être jugé par une juridiction internationale. C’est la raison pour laquelle, depuis 2007, qui a vu la première décision en matière de justice climatique émanant de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire EPA c/Massachussetts, ce sont les juridictions nationales qui ont eu à trancher des litiges concernant l’application par les États des règles climatiques.

L’originalité de la problématique climatique est qu’il s’agit d’un sujet planétaire, mais dont aucune juridiction n’est chargée. [...] Le respect ou non par un État de ces obligations n’est pas susceptible en l’état actuel des choses d’être jugé par une juridiction internationale.

Ceci étant, une double évolution est en cours. Tout d’abord, à la demande des îles Tuvalu, petites îles du Pacifique menacées de disparition du fait de la montée des eaux, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution à l’unanimité permettant la saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye pour disposer d’un avis. Cet avis porte sur la question de savoir si le manquement d’un État à ses obligations en matière de lutte contre le dérèglement climatique est susceptible d’être invoqué par un autre État devant la CIJ. Il va de soi que si la CIJ rendait un avis positif pour répondre à cette question, alors il est clair que cette dernière se trouverait probablement saisie d’action contre les grands émetteurs de GES émanant des États directement menacés de disparition par les dérèglements climatiques ou d’États victimes du dérèglement climatique sans en être le moindrement responsable.

La seconde initiative concerne la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui est saisie de trois requêtes qui devraient juger d’ici la fin de l’année 2023 ou au début de l’année 2024. Ces requêtes émanent successivement d’une association regroupant des grands-mères suisses, de Damien Carême, ancien maire d’une commune menacée de submersion, et d’une trentaine de jeunes Portugais. Ces recours reposent sur l’insuffisance des États, respectivement la Suisse, la France, et en ce qui concerne les petits Portugais et une trentaine d’États du Conseil de l’Europe, dans les mesures prises pour lutter contre le dérèglement climatique. Les questions majeures qui sont posées dans ces dossiers sont doubles. Elles concernent tout d’abord la recevabilité. En effet, l’actio popularis, ou action populaire, n’est pas admise devant la CEDH, pas plus qu’elle ne l’est devant les juridictions du monde entier. Il est donc indispensable pour les requérants d’apporter la preuve de la spécificité de leur situation et les préjudices particuliers dont ils sont victimes. Autrement dit, des femmes âgées, des jeunes enfants ou un ancien maire d’une commune de submersion présentent-ils des caractéristiques suffisantes par rapport au reste de la population pour pouvoir agir en justice ? La seconde question majeure posée est celle de l’étendue de la compétence de la CEDH. En effet, lors des audiences qui se sont tenues sur les deux premiers dossiers le 29 mars 2023, les États poursuivis ont plaidé que juger du caractère suffisant ou non des mesures qu’ils étaient amenés à prendre excédait très largement le champ de compétence de la CEDH et risquait de se heurter au principe démocratique élémentaire qui fait que ce sont les populations de chaque État qui décident des politiques qui doivent être mises en œuvre. La réponse à cette question passe par la réponse à une autre question de nature juridique et assez fondamentale. En effet, les différents recours sont fondés sur la violation par les États des articles 2 (qui reconnaît le droit à la vie) et 8 (qui reconnait le droit à une vie familiale normale, laquelle intègre un environnement de qualité) de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Des femmes âgées, des jeunes enfants ou un ancien maire d’une commune de submersion présentent-ils des caractéristiques suffisantes par rapport au reste de la population pour pouvoir agir en justice ?

La question posée est donc celle de savoir si le droit climatique s’intègre dans la catégorie des « droits humains ». Autrement dit, le droit à un climat stable pour permettre tout simplement l’exercice du droit à la vie et du droit à une vie familiale normale peut-il s’intégrer dans le corpus des droits humains. En réalité, cette question a déjà été tranchée par un certain nombre de juridictions nationales. La première est la Cour suprême des Pays-Bas dans l’affaire Urgenda (qui est considérée comme l’affaire qui a ouvert la voie aux actions contre les États) qui a jugé que le droit à la vie et à une vie familiale normale étaient menacés par l’insuffisance des politiques climatiques et que ces droits étaient donc invocables par les requérants. La Cour suprême du Nigeria et, encore très récemment, le tribunal du Montana saisi d’une action menée par un collectif de jeunes ont pris une position équivalente. Le Conseil d’État dans l’affaire Grande-Synthe a botté en touche et ne s’est pas prononcé sur cette question. Les positions qui seront donc prises par la CIJ et par la CEDH seront donc regardées de très près. En attendant, ce sont bien des décisions nationales qui ont progressivement contraint les États à agir.

La soumission des États à la règle de droit

Si un certain nombre de décisions ont été rendues entre 2007 et 2017, le contentieux climatique a réellement débuté avec les Accords de Paris. Sans qu’il soit possible dans le cadre du présent propos d’entrer dans les détails, nous examinerons successivement les acteurs du procès, les bases juridiques et quelques décisions rendues.

Quels sont les acteurs présents ?

Les défendeurs sont évidemment les États. Qui sont les demandeurs ? Tout d’abord, et le plus souvent des organisations non gouvernementales (ONG) spécialisées ou non dans le domaine climatique ; s’y ajoutent les particuliers qui, selon les législations nationales, sont jugés ou non recevables. Ainsi, la cour de Karlsruhe a-t-elle admis la recevabilité des recours individuels contre la loi climatique allemande et a rejeté la recevabilité des associations ; dans l’affaire Urgenda aux Pays-Bas, les particuliers comme les associations ont été admis ; il en a été de même en Belgique. En France, le Conseil d’État a rejeté la requête individuelle de Damien Carême en considérant qu’il n’avait pas intérêt pour agir. Mais, il peut s’agir également de collectivités locales c’est le cas de la commune de Grande-Synthe dont la recevabilité a été admise par le Conseil d’État, de nombreuses villes ou États américains qui se sont rebellés, notamment au moment de l’administration Trump. Sans oublier les collectifs de jeunes, par exemple aux États-Unis où le Children’s Trust a monté de très nombreuses affaires.

Quels sont les reproches formulés à l’égard des États ?

Ils sont de deux ordres. Tout d’abord, le fait de ne pas respecter les Accords de Paris. Cette argumentation est comme on l’a vue précédemment assez délicate à soutenir puisque les engagements pris par les États ne sont pas contraignants, mais, les différentes juridictions, à commencer par celles des Pays-Bas, suivies par d’autres juridictions, ont considéré que l’engagement était pris quant à atteindre un réchauffement maximal de 1,5 voire 2 °C et qu’en conséquence les États devaient agir. Autrement dit, les engagements ne concernent pas seulement ceux qui croient, mais également ceux qui les prennent. En second lieu, de plus en plus de juridictions ont été conduites à considérer, ainsi que nous le rappelions dans la première partie que le droit à la vie et à une vie familiale normale étaient concernés par la question climatique et qu’en conséquence en s’abstenant d’agir, les États ne remplissaient leurs obligations.

S’agissant des décisions rendues, à partir de la décision pour l’affaire Urgenda de 2019 (qui était la confirmation par la Cour suprême des décisions rendues en 2015 et 2017 par le tribunal de première instance et la cour d’appel) et les juridictions nationales ont été de plus en plus encline à évaluer les engagements qu’avaient pris les États au regard des indications données par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ainsi, la Cour suprême des Pays-Bas a-t-elle confirmé le fait que l’objectif pour les Pays-Bas était d’atteindre une réduction de 25 % des GES en 2020, et non pas de 19 % comme initialement prévu. La Cour suprême de Karlsruhe, pour sa part, a sanctionné la loi fédérale allemande au motif que si les engagements pris jusqu’à 2030 pouvaient paraître suffisants, en revanche, ils ne l’étaient pas pour la période postérieure à 2030, ce qui mettait en péril les droits des générations futures à bénéficier dans les mêmes conditions que leurs prédécesseurs des droits reconnus par la charte constitutionnelle allemande.

En France, dans l’affaire Grande-Synthe, le Conseil d’État a considéré que les engagements pris par la France pour 2030 n’étaient pas satisfaisants par la trajectoire considérée comme insuffisante. Trois arrêts successifs ont été rendus par le Conseil d’État, le dernier donnant un délai au 31 décembre 2023 puis au 30 juin 2024 au gouvernement français pour se mettre dans la trajectoire de 2030 qui, de toute façon, sera revue au regard des nouvelles obligations communautaires portant de 40 à 55 % l’obligation de réduction des émissions de GES pour 2050. Mais, les décisions ne sont pas seulement européennes et plusieurs procédures sont en cours aux États-Unis, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. En fait, ce sont plus de 1 500 procès qui ont été engagés dans le monde ou qui sont encore en cours.

Il faut du reste noter, selon le rapport du Sabin Center2 qui centralise toutes les décisions rendues dans le monde, qu’une évolution se fait sentir aujourd’hui pour déplacer les procès faits aux États vers des procès faits aux entreprises dont les engagements climatiques sont jugés insuffisants ou dont la responsabilité doit être engagée.

Il est clair que cette évolution soulève un problème de fond. En effet, comme indiqué dans l’introduction, une forme « d’alliance » entre les cours suprêmes (qui sont en réseau) et la société civile pour contraindre les États puis les entreprises à agir interpelle, car elle est profondément novatrice. D’une part, si le droit comparé a toujours existé, il est profondément nouveau de voir en réalité la construction d’un droit international par le droit national. En effet, nous sommes en présence de ce que l’on pourrait assimiler à un escalier dans lequel chaque marche correspondrait à une décision nationale permettant la construction progressive d’un vaste escalier représentant en réalité une jurisprudence qui devient internationale. Effectivement, les décisions rendues par chaque juridiction nationale sont utilisées par d’autres.

Certes ces décisions sont plus ou moins appliquées par les États, les moyens de contraintes étant différents d’un pays à l’autre. Ainsi, si le Conseil d’État a enjoint l’État de modifier sa politique tout en refusant de prononcer une astreinte et bien sûr de préciser les mesures à prendre, la juridiction d’appel belge pour sa part s’est refusée à enjoindre au Gouvernement en considérant que cela portait atteinte à la séparation des pouvoirs tout en considérant que la politique suivie est insuffisante pour atteindre les objectifs. En Allemagne, la chancelière Merkel a immédiatement appliqué la décision rendue par la cour constitutionnelle et a porté de 55 à 65 % l’objectif de réduction des émissions de GES de son pays.

Sans doute, doit-on considérer que la gravité de la situation, qui est en réalité un problème planétaire, justifie cette entrée en lice des juges et l’application par le droit des obligations climatiques. À cet égard, il est intéressant de noter que, à l’instar de la Cour suprême néerlandaise, les différentes juridictions ont toutes considéré que le fait qu’un État ne soit à lui seul responsable que d’une très petite partie des émissions de GES ne justifiait pas qu’il ne remplisse pas les obligations qui étaient les siennes. Et, effectivement, si chacun tient ce raisonnement, aucun effort collectif ne peut être envisagé.

En définitive, la justice climatique, phénomène profondément novateur, est adaptée aux enjeux majeurs auxquels notre monde est confronté. Il est une réponse à l’enjeu climatique, mais de manière plus large, le phénomène de justice climatique est contagieux et pourrait bien s’étendre dans les années qui viennent à la biodiversité et à la santé environnementale.

  1. Corinne Lepage a été ministre de l’Environnement (1995-1997) et députée européenne (2009-2014). Elle préside le mouvement politique CAP21-Le Rassemblement citoyen.
  2. Global Climate Litigation Report. 2023 Status Review, rapport, 2023, Sabin Center for Climate Change.
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