Revue

Dossier

Loi du 19 avril 2021 : vers une relance des expérimentations locales ?

Le 7 octobre 2021

Les collectivités territoriales n’utilisent pas ou peu les méthodes d’expérimentation locale leur permettant de tester une réforme et d’en mesurer la pertinence pour s’assurer qu’elle correspond aux réalités locales. Avec la loi organique no 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, quel est l’avenir de l’expérimentation locale ?

Résumé

Alors que les collectivités territoriales n’utilisent pas ou peu les méthodes d’expérimentation normative, l’évolution législative récente pourrait y remédier. En effet, la loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution pourrait relancer les expérimentations locales et ainsi mettre en œuvre cette technique légistique porteuse de libertés et responsabilités locales. Pourtant, la décision du Conseil constitutionnel rendue sur cette loi ne laisse pas présager cela : les limites posées par le juge constitutionnel sont conséquentes. Cette jurisprudence s’inscrit dans la tendance jacobine actuelle prônée par le Gouvernement et suivie par le Conseil constitutionnel qui a également censuré la promotion des langues régionales par une décision du 21 avril 2021 estimant que les articles portant sur l’enseignement immersif des langues régionales et sur les caractères diacritiques étaient contraires à l’article 2 de la Constitution selon lequel la langue de la République est le français (Déc. no 2021-818 DC, 21 mai 2021, loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion).

La loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution vise à apporter davantage souplesse à la technique expérimentale en simplifiant son régime juridique.

Il y a presque vingt ans, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a inscrit l’expérimentation locale dans la Constitution1 alors que celle-ci était jusqu’alors rejetée au nom des principes fondamentaux d’égalité, d’indivisibilité de la République et de souveraineté nationale. Il s’agissait d’une avancée incontestable dans la décentralisation et dans l’autonomie accordée aux collectivités territoriales qui allaient désormais pouvoir déroger, pour une durée limitée, aux normes applicables sur l’ensemble du territoire. Pourtant, l’expérimentation locale demeure, depuis cette date, peu utilisée si l’on considère que seules quatre expérimentations locales ont été menées, portant sur le revenu de solidarité active (RSA), la tarification sociale de l’eau, la répartition des fonds inutilisés de la taxe d’apprentissage et l’apprentissage jusqu’à 30 ans, parmi lesquelles trois ont été généralisées. A contrario, les collectivités territoriales sont fréquemment impliquées dans des expérimentations sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution.

L’expérimentation locale peut être définie comme une technique légistique permettant à une collectivité territoriale de tester une réforme et d’en mesurer la pertinence pour s’assurer qu’elle correspond aux réalités locales. Une expérimentation réussie sera généralisée, un échec entraînera un abandon de la réforme, d’où l’importance de l’évaluation qui traduit les effets des mesures prises en ce qui concerne le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l’organisation des collectivités territoriales et des services de l’État ainsi que leurs incidences financières et fiscales.

Plusieurs questions se posent : pourquoi les collectivités territoriales n’ont pas utilisé cette méthode légistique ? Quels sont les avantages et les inconvénients de l’expérimentation normative prévue par l’article 72 alinéa 4 de la Constitution ? Alors que la loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution a été adoptée le 19 avril 20212, quel avenir pour l’expérimentation locale ?

Dans sa déclaration de politique générale le 15 juillet 2020, le Premier ministre a annoncé que la loi organique relative à la simplification des expérimentations consacrera le droit à la différenciation territoriale. Les collectivités locales vont pouvoir appliquer, dans un cadre expérimental et de façon pérenne, des règles différentes relatives à l’exercice de leurs compétences pour tenir compte de leurs spécificités. En facilitant le recours à l’expérimentation locale, le Gouvernement veut permettre l’adaptation des normes aux particularités des territoires ; c’est la notion de différenciation territoriale qui pourrait être au cœur de la loi 4D (pour décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification) actuellement discutée au Parlement.

La consécration constitutionnelle de l’expérimentation locale en 2003, un espoir déçu

L’État a eu recours à des expérimentations normatives dès les années 1960. À titre d’exemple, la loi Veil autorisant l’interruption volontaire de la grossesse a été adoptée pour une période de cinq ans avant d’être définitivement prorogée en 19793. Plus récemment, et en vue de rendre plus rapide le jugement des crimes et limiter la pratique de la correctionnalisation, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prévu, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, l’instauration de cours criminelles4. Peuvent être jugées en premier ressort les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou vingt ans de réclusion, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, par une cour criminelle composée de cinq magistrats professionnels, dont un maximum de deux magistrats honoraires juridictionnels ou exerçant à titre temporaire. Pris pour l’application de cette loi, les arrêtés du 25 avril 2019 et 2 mars 2020 ont prévu l’expérimentation dans neuf départements et l’arrêté du 2 juillet 2020 l’a étendue à six départements. Le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, présenté en Conseil des ministres le 14 avril 2021, prévoit que les cours criminelles pourraient être généralisées, à partir du 1er janvier 2022.

Pour étendre le droit à l’expérimentation au niveau local, le législateur a proposé deux dispositifs via la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. L’article 37-1 prévoit que la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental5. En outre, et cela constitue une véritable innovation, un droit à expérimentation propre aux collectivités territoriales a été créé par l’article 72 alinéa 4 de la Constitution, dont le régime est fixé par la loi organique du 1er août 2003 ; ses dispositions sont codifiées dans le code général des collectivités territoriales, elles précisent les conditions dans lesquelles sont mises en œuvre les expérimentations qui permettent aux collectivités territoriales de déroger aux modalités d’exercice de certaines de leurs compétences6. L’article 72 alinéa 4 de la Constitution prévoit que, excepté lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent déroger à titre expérimental, pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. À titre d’exemple, le revenu de solidarité active avait été expérimenté dans 34 départements avant d’être généralisé, mais sans pour autant avoir fait l’objet d’une véritable évaluation. Il est dès lors peu étonnant que l’avant-projet de loi 4D envisage une recentralisation expérimentale du revenu de solidarité active pour laquelle sept départements sont candidats alors même que l’Assemblée des départements de France a souligné son opposition majoritaire considérant que l’État, qui n’existe quasiment plus au niveau départemental, sera bien en peine de gérer cette affaire.

L’État a eu recours à des expérimentations normatives dès les années 1960. Elles présentent deux caractéristiques principales : un objet limité d’une part et une durée limitée d’autre part.

L’expérimentation normative présente deux caractéristiques principales : un objet limité d’une part et une durée limitée d’autre part. La limitation de l’objet de l’expérimentation s’explique par les nécessités liées au respect du principe d’indivisibilité de la République. Le caractère temporaire, au nom du principe d’égalité, suppose que l’expérimentation soit généralisée si elle s’avère concluante ou abandonnée si au contraire elle ne l’est pas. Malgré les espoirs suscités par la reconnaissance de l’expérimentation locale, au regard de l’autonomie et des libertés locales, elle a été extrêmement peu mise en œuvre par les collectivités territoriales. Les conditions de mise en œuvre très strictes exigées sont l’explication de cet échec.

Le Conseil d’État a donc proposé de repenser le processus des expérimentations locales, selon lui porteur de liberté et de marge de manœuvre pour les collectivités territoriales, dans l’avis du 7 décembre 2017 portant sur la différenciation territoriale des normes7. Le Conseil d’État a estimé que de telles évolutions seraient de nature à donner davantage de libertés et de responsabilités aux collectivités territoriales pour mener une action plus efficace, pour innover, et pour adapter les lois et règlements aux réalités des territoires. Envisagé par le projet de loi « Pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace », c’est aussi le sens d’une autre étude du Conseil d’État « Améliorer et développer les expérimentations pour des politiques plus efficaces et innovantes » rendue publique le 4 octobre 2019. Ces réflexions s’accordent sur la nécessité de repenser le droit à l’expérimentation de l’article 72 alinéa 4 de la Constitution par la reconnaissance d’un droit à dérogation supposant de mettre fin à l’obligation de généralisation ou d’abandon à l’issue de l’expérimentation. Les mesures dérogatoires expérimentées pourraient ainsi continuer à s’appliquer dans les collectivités ayant procédé à l’expérimentation. L’expérimentation d’une nouvelle législation sur un territoire pourrait conduire à généraliser la nouvelle législation, à l’abandonner, mais aussi à donner un caractère définitif à la législation expérimentée sur le seul territoire où l’expérimentation a eu lieu.

Si le droit à l’expérimentation locale devenait un droit à la dérogation, alors le concept de « différenciation » ferait expressément son apparition dans notre droit. Ce serait une vraie avancée dans la reconnaissance de la diversité territoriale et un réel progrès dans l’efficacité de la gestion publique locale qui exige à la fois proximité et adaptation aux réalités locales. Ce serait aussi une évolution importante du processus de décentralisation.

C’est dans ce contexte qu’est adoptée la loi du 19 avril 2021 qui modifie les articles LO 1113-1 à LO 1113-7 du Code général des collectivités territoriales relatifs aux conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent, sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives régissant l’exercice de leurs compétences8.

Dans le même temps, le projet de loi 4D devrait lister les premières expérimentations locales parmi lesquelles la recentralisation du revenu de solidarité active. Est également annoncée l’expérimentation d’une délégation de compétences étendue aux intercommunalités en matière de logement social. Si la loi organique simplifiant les expérimentations représente une première étape vers la loi 4D, cette dernière sera donc aussi le premier support des nouvelles expérimentations locales. L’ambition du gouvernement de promouvoir la différenciation territoriale est affichée.

Proposés par le Conseil d’État en 2019, en vue de s’assurer de l’effectivité des futures expérimentations locales, des guichets permanents sont installés auprès des préfets pour recueillir les propositions des collectivités territoriales. Par instruction du Gouvernement du 12 mai 2021 relative à la mise en œuvre des expérimentations engagées sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, il est prévu que toute collectivité territoriale et tout groupement de collectivités territoriales peut présenter une demande d’expérimentation auprès du guichet local mis en place par la préfecture de département territorialement compétente. De plus, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) effectuera un travail juridique d’accompagnement des volontés des collectivités et des associations d’élus locaux. La Direction générale des collectivités locales (DGCL) interviendra également, en tant que référence d’accompagnement juridique. Autant d’outils mis en place par l’État visant à permettre aux collectivités territoriales d’user de leur droit d’expérimentation normative.

La loi organique du 19 avril 2021, quand l’espoir renaît

La loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution vise à apporter davantage souplesse à la technique expérimentale en simplifiant son régime juridique. Dès l’initiative, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, par une simple délibération, décider de participer à une expérimentation. Un décret en Conseil d’État n’étant plus nécessaire, le Gouvernement n’intervient plus au préalable pour autoriser l’expérimentation ; cela facilite le processus dès sa mise en œuvre et garantit en outre l’autonomie locale et la libre administration des collectivités territoriales. De plus, les conditions d’entrée en vigueur des actes pris par les collectivités sont assouplies : ils sont soumis aux dispositions de droit commun relatives à l’entrée en vigueur des actes des collectivités territoriales (transmission au préfet et accomplissement de formalités de publicité au niveau local) ; et pour garantir une information à jour sur l’état du droit applicable à un instant donné sur tout ou partie du territoire, les actes à caractère général et impersonnel pris par une collectivité territoriale au titre d’une expérimentation sont publiés, à titre d’information, au Journal officiel. Ensuite, les conditions d’exercice du contrôle de légalité sont allégées, même si le régime spécial du contrôle de légalité exercé sur la délibération de la collectivité est maintenu. Ainsi, si le préfet assortit son recours d’une demande de suspension, la délibération cesse de produire ses effets jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande (il dispose d’un délai d’un mois à l’issue duquel la délibération sera exécutoire). Enfin, la procédure de sortie des expérimentations est modifiée puisque la loi prévoit que les mesures expérimentales peuvent être maintenues dans les collectivités expérimentatrices ou dans certaines d’entre elles, elles peuvent aussi être étendues à d’autres collectivités justifiant d’une différence de situation. C’est incontestablement l’innovation la plus importante : dans le respect du principe d’égalité, les mesures prises à titre expérimental peuvent être maintenues dans les seules collectivités ayant participé à l’expérimentation, ou uniquement dans certaines d’entre elles, et la loi prévoit aussi la possibilité d’étendre les mesures expérimentales à d’autres collectivités territoriales.

La procédure d’évaluation des expérimentations est également revue, la loi crée une évaluation à mi-parcours. Il s’agit d’un rapport que le Gouvernement transmet au Parlement présentant une évaluation intermédiaire des effets des mesures prises par les collectivités expérimentatrices « en ce qui concerne notamment le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l’organisation des collectivités territoriales et des services de l’État ainsi que leurs incidences financières et fiscales ».

Il est indéniable que les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation locale sont simplifiées et que les critiques unanimes comme les préconisations du Conseil d’État ont été entendues. L’intervention de l’État est limitée, l’autonomie locale et la libre administration davantage respectées, les libertés locales reconnues.

Le Conseil constitutionnel a néanmoins formulé une réserve conséquente dans sa décision du 15 avril 2021 par laquelle il s’est prononcé sur la loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, dont le Premier ministre l’avait saisi conformément au cinquième alinéa de l’article 46 et au premier alinéa de l’article 61 de la Constitution9.

Le Conseil constitutionnel rappelle d’abord qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que le caractère exécutoire des actes des collectivités territoriales dépende de leur transmission au représentant de l’État. Il n’en demeure pas moins que, conformément au Code général des collectivités territoriales, tant la délibération par laquelle une collectivité territoriale décide de participer à une expérimentation, que les actes à caractère général et impersonnel qu’elle prend, ne deviennent exécutoires qu’une fois qu’il a été procédé à leur publicité ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’État qui a deux mois pour les déférer au tribunal administratif. Le préfet peut assortir son recours d’une demande de suspension. Le Conseil constitutionnel en déduit que les articles 2 à 4 de la loi organique sont conformes à la Constitution.

Ensuite, s’agissant des suites données à l’expérimentation, l’article 6 de la loi organique précise que, avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation et au vu de son évaluation, la loi peut prévoir « le maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation, ou dans certaines d’entre elles, et leur extension à d’autres collectivités territoriales, dans le respect du principe d’égalité ». Le Conseil constitutionnel précise que « le législateur ne saurait maintenir à titre pérenne des mesures prises à titre expérimental dans les seules collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation sans les étendre aux autres collectivités présentant les mêmes caractéristiques, justifiant qu’il soit dérogé au droit commun ». Selon lui, passé le délai d’expérimentation, les mesures expérimentales doivent, au nom du principe d’égalité, être généralisées à toutes les collectivités présentant les mêmes caractéristiques. Cette réserve du juge constitutionnel est pour le moins floue, mais elle limite incontestablement la portée du texte et elle rend très difficile le maintien des mesures dérogatoires dans les seules collectivités ayant expérimenté ou dans certaines d’entre elles seulement. Or, cela constituait indéniablement la principale avancée du texte.

Pourtant, le droit français permettait d’envisager d’autres options comme les études du Conseil d’État l’ont montré. Le juge constitutionnel lui-même avait admis que le principe constitutionnel d’égalité qui s’applique aux collectivités territoriales « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit » 10.

La déception est grande… La décentralisation actuelle s’attache à l’unité du pouvoir normatif et à l’égalité des politiques publiques dans les territoires au nom de l’indivisibilité de la République. Or, la diversité des situations, des territoires et des besoins doit être considérée au nom de l’efficacité des politiques publiques. L’efficacité territoriale suppose des solutions différenciées, des politiques différenciées, en fonction des spécificités de chaque territoire. Dans cette perspective, l’expérimentation locale est le moyen d’un processus visant à l’affirmation et la reconnaissance de la diversité des territoires dont la différenciation constitue l’aboutissement. Mais l’expérimentation locale comme la reconnaissance de la différenciation territoriale demeurent incontestablement limitées. On envisage de différencier, mais de manière uniforme.

Le Conseil constitutionnel a formulé une réserve conséquente dans sa décision du 15 avril 2021 par laquelle il s’est prononcé sur la loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution […]. Selon lui, passé le délai d’expérimentation, les mesures expérimentales doivent, au nom du principe d’égalité, être généralisées à toutes les collectivités présentant les mêmes caractéristiques. Cette réserve du juge constitutionnel est pour le moins floue, mais elle limite incontestablement la portée du texte et elle rend très difficile le maintien des mesures dérogatoires dans les seules collectivités ayant expérimenté ou dans certaines d’entre elles seulement. Or, cela constituait indéniablement la principale avancée du texte.

La confiance de l’État dans ses territoires, dans ses élus locaux, ne semble pas permettre cette avancée de la décentralisation. En outre, la frilosité du juge constitutionnel est une réalité. Comme le refus de la reconnaissance d’un pouvoir normatif local, comme plus récemment, la censure de l’enseignement immersif des langues régionales et l’utilisation de signes diacritiques comme le tilde (~) dans les actes de l’état civil, l’expérimentation normative locale ne pourra être pérennisée. Le jacobinisme demeure solidement ancré et la démocratie menacée car l’épanouissement des richesses territoriales semble impossible. Il serait temps d’accepter une véritable décentralisation. 

  1. LC no 2003-276, 28 mars 2003, relative à l’organisation décentralisée de la République ; LO no 2003-704, 1er août 2003, relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales.
  2. LO no 2021-467, 19 avr. 2021, relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution.
  3. L. no 75-17, 17 janv. 1975, relative à l’interruption volontaire de la grossesse.
  4. L. no 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
  5. Const. 1958, art. 37-1 : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental. »
  6. Const., art. 72, al. 4 : « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. »
  7. CE, avis, no 393651, 7 déc. 2017, sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie et des règles relatives à l’exercice de ces compétences.
  8. CGCT, art. LO 1113-1 : « La loi qui autorise, sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental aux dispositions législatives régissant l’exercice de leurs compétences, définit l’objet de l’expérimentation ainsi que sa durée, qui ne peut excéder cinq ans, et mentionne les dispositions auxquelles il peut être dérogé. La loi précise également les catégories et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à participer à l’expérimentation et les cas dans lesquels l’expérimentation peut être entreprise. Elle fixe le délai dans lequel les collectivités territoriales qui remplissent les conditions fixées prennent leur décision de participer à l’expérimentation. »
  9. Cons. const., déc. no 2021-816 DC, 15 avr. 2021, loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution.
  10. Cons. Const., déc. no 91-291 DC, 6 mai 1991, sur la loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France.
×

A lire aussi