Revue
Cultures publiquesMatthieu Caron : «Les démocraties scandinave et allemande parviennent à produire davantage de dialogue politique et social que nous»
Présenté comme une boîte à outils, Réveiller la démocratie, sous la direction de René Dosière et Gaël Giraud, présente 70 propositions concrètes de personnalités de différents horizons pour améliorer les pratiques démocratiques. Trois questions à Matthieu Caron, l’un des coordinateurs de l’ouvrage.
Quelle est la genèse de cet ouvrage ?
L’Institut Rousseau et l’Observatoire de l’éthique publique (OEP), deux jeunes think tanks, nés en 2018 et 2020, ont inscrit au cœur de leur projet la question de la reconstruction démocratique et partagent une philosophie commune de l’action publique fondée sur la raison. L’observatoire vise à promouvoir une transparence et une déontologie positives afin de restaurer la confiance des gouvernés envers les gouvernants. L’institut défend l’idée d’une raison républicaine réincarnée autour du contrat écologique. Autant dire que nos équipes étaient faites pour réfléchir ensemble à la régénération du contrat social français. C’est chose faite avec cet ouvrage1.
Pouvez-vous nous indiquer trois propositions favorisant les pratiques démocratiques dans les collectivités territoriales ?
René Dosière propose d’instituer le mandat unique afin de déprofessionnaliser les élus locaux. Jean-François Kerléo et Aurore Granero suggèrent de créer des conventions citoyennes locales ainsi qu’un référendum d’initiative citoyenne local, d’attribuer la présidence des commissions des finances et des commissions d’appel d’offres à un élu de l’opposition, et de mieux encadrer le train de vie des élus locaux.
J’ajoute que l’une des propositions phares de l’OEP, à savoir la création d’un référent déontologue pour les élus locaux, a été adoptée en février 2022 dans la loi 3DS.
Sébastien Bénétullière propose de révolutionner la démocratie intercommunale en élisant les exécutifs communautaires au suffrage universel direct, tandis que Raphaël Maurel prône la création d’un référendum intercommunal. Je suis favorable à deux choses : une réflexion poussée consacrée aux droits de l’opposition au niveau local, de même que sur la décentralisation verte.
La transformation écologique de notre pays ne pourra résulter exclusivement de la planification étatique ; elle sera construite par les acteurs locaux et s’opérera d’abord au sein des entreprises.
De quels exemples de démocraties européennes la France peut-elle s’inspirer ?
Chaque démocratie a son histoire nationale et sa culture politique, et il faut se garder de croire que les mêmes causes produiraient partout les mêmes effets politiques.
Il faut cependant bien admettre que les démocraties scandinave et allemande parviennent à produire davantage de dialogue politique et social que nous. N’aurions-nous pas intérêt à nous libérer des postures idéologiques et contestataires pour privilégier la voie des solutions concrètes et constructives ?
L’avènement d’une écolo-démocratie, reposant sur la renégociation de la séparation des pouvoirs entre le travail, le capital et la nature, ne permettrait-il pas de relever ce défi ? Le débat mérite d’être posé.
- Nicolas Dufrêne et Benjamin Morel ont aussi participé à la coordination éditoriale.