Forum des Interconnectés 2022 : une "Belle Alliance" pour faire avancer le numérique responsable dans les territoires

Forum des Interconnectés 2022
La conférence plénière du 3 mars 2022 a permis de présenter les propositions de la Belle Alliance rédigées et co-signées par 10 associations représentatives des territoires : AMF, AMRF, APVF, Avicca, FNCCR, France urbaine, Intercommunalités de France, Interconnectés, OpendataFrance et Villes de France.
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Le 17 mars 2022

À l'occasion du Forum 2022 des Interconnectés, qui s'est tenu à Nantes les 2 et 3 mars 2022, les 10 associations représentatives des collectivités du bloc local (AMF, AMRF, APVF, Avicca, FNCCR, France urbaine, Intercommunalités de France, OpendataFrance, Villes de France et les Interconnectés) ont affiché un front commun pour interpeller les candidats à la présidentielle 2022 sur l'importance de promouvoir un numérique responsable dans les territoires.

 

Baptisée la "Belle Alliance", cette alliance inédite a pour objectif de peser au-delà de cette échéance électorale et d'influencer la future conduite de la politique publique du numérique française. Une initiative ouverte aux autres associations et acteurs des territoires.

Temps fort des deux jours du Forum des Interconnectés organisé à la Cité des Congrès de Nantes, la conférence plénière du 3 mars a été l'occasion de présenter et de débattre des propositions de la Belle Alliance regroupées dans un manifeste à l'intention des candidats à la présidentielle 2022.

« On est en 2022, le numérique est de plus en plus mature et de plus en plus politisé. Face à cette maturité numérique, on se devait de parler d'une voix commune sur cet enjeu là pour interpeller les candidats à l'élection présidentielle 2022. Le terme Belle alliance évoque quelque chose de fort : cette alliance des territoires pour un numérique responsable traduit un socle commun qu'on partage tous.

Derrière la Belle alliance, il y a une vision optimiste du numérique. Ce n'est qu'un début, nous ouvrons une belle histoire sur la revendication et la place des territoires dans la gouvernance locale et mondiale du numérique», a précisé Francky Trichet, président des Interconnectés et vice-président de Nantes métropole.

En première ligne pour réussir cette transformation numérique responsable, les territoires ont un rôle essentiel à jouer, ce sont eux qui mettent en œuvre les politiques numériques, avec les habitants et les entreprises. Les collectivités, par leur rôle d’aménagement, d’animation et de mise en place de services, se placent au cœur de l'évolution des politiques numériques. Ce manifeste regroupe 20 propositions et 5 priorités pour la réussite de cette société numérique responsable défendue par la "Belle Alliance". 

« Ce projet de société numérique responsable doit privilégier une dimension sociale, inclusive, écologique et éthique. Cela fait partie des socles très forts, le numérique doit être mis au service des citoyens et pas l'inverse, avec une politique forte dans le temps et qui puisse être outillée en accord entre l'État et les territoires », a précisé Céline Colucci, la déléguée générale des Interconnectés.

Les 20 propositions du manifeste sont regroupées en 5 priorités : mettre en place les conditions de la confiance, penser un numérique émancipateur pour tous et dans tous les territoires, bâtir une véritable politique publique numérique territoriale, développer une sobriété numérique à la française et encourager le développement d’une économie responsable (voir encadré).

Pour un numérique co-construit avec les collectivités

Pour Luc Bouard, secrétaire général de Villes de France - qui rassemble les villes de 10 000 à 100 000 habitants - et maire de la Roche sur Yon, « l'appel à projet est devenu une façon de gouverner favorisant la compétition entre les territoires. La Belle alliance propose plutôt une politique de dotation et une coopération entre territoires. Il nous faut des modes de financement dédiés aux collectivités et qui soit fléchés sur le déploiement d'une politique numérique sur le long terme ». La création d'un ministère du numérique de plein exercice fait partie des revendications des associations représentatives des territoires.

Nous appelons à la création d'un ministère de plein exercice dédié au numérique qui aura cette capacité à s'immiscer dans les politiques du numérique sur tout les autres ministères et à déployer une véritable politique nationale. C'est un enjeu économique et écologique, a expliqué Luc Bouard.

Pour Patrick Molinoz, vice-président de l'Association des maires de France (AMF), ce travail collectif a un objectif politique majeur : « faire monter une conscience politique des enjeux du numérique qui ne peuvent pas être enfermés dans des débats techniques, d'infrastructures ». Elias Maaouia, qui représentait l'Association des petites villes de France (APVF), qui fédère depuis 1990 les petites villes de 2 500 à 25 000 habitants, ce manifeste traduit un constat partagé sur l'importance prise par le numérique dans les territoires. « C'est un geste politique fort de l'ensemble des associations d'élus et de collectivités ».

Président des maires ruraux de Loire Atlantique et représentant l'Association des maires ruraux de France (AMRF), Roch Chéraud a rappelé l'importance de l'échelle communale et la place de la mairie dans la vie quotidienne et l'aménagement des territoires.

« On nous parle beaucoup des Maisons France Service, on a peut être oublié qu'au lieu d'inventer des usines à gaz au niveau des intercommunalités, que la première des Maisons France Service, c'est la mairie. C'est le message que l'on souhaite porter au niveau de cette Belle alliance ».

Une égalité d'accès au numérique et une meilleure gouvernance des données

Mathieu Hazouard de l’Avicca, qui regroupe 230 collectivités engagées dans le numérique, a défendu la nécessité d'un fonds de péréquation pour permettre aux collectivités d'être à l'équilibre tout en déployant le numérique dans les territoires. « Il nous faut inventer un nouveau service universel fibre ou haut débit avec une tarification sociale pour permettre aux Français d'avoir accès aux réseaux et aux infrastructures (...) et  un plan France territoire connecté et durable car les usages du numérique sont pour tout le monde », a-t-il précisé. Jean-Luc Sallaberry, chef du département numérique à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), a évoqué l'enjeu de la gouvernance des données : « Il y a besoin de maîtriser et de piloter les données territoriales (...) Nous sommes en faveur d'une compétence des données territoriales partagées avec l'État ». La souveraineté est aussi un élément clef selon lui, les collectivités doivent pouvoir s'organiser en matière de cybersécurité.

Pour Akim Oural, président d'OpenDataFrance, le manifeste prend bien en considération l'enjeu de la gouvernance des données. Favorable à une évolution de la compétence des collectivités locales sur le volet préparation de la donnée, l'enjeu est aussi d'aller plus loin dans la décentralisation sur cette question de la gestion des données territoriales. « La donnée territoriale est un patrimoine et une richesse pour agir plus fort (...) La data permet d'accélérer la capacité à faire ensemble», affirme-t-il, favorable à une organisation plus cohérente sur ces questions entre l'Etat et les territoires. Pour bâtir un numérique responsable, éthique, écologique et inclusif, Jacques Oberti, président du Sicoval et représentant les Intercommunalités de France, a attiré l'attention sur deux points importants : la gouvernance des données pour tendre vers des "territoires pertinents" et le numérique de la confiance indispensable pour embarquer les citoyens et les habitants.

Réaffirmer le rôle des entreprises et prôner une sobriété numérique à la française

Les entreprises sont aussi des acteurs du territoire et ont toute leur place dans cette Belle alliance. C'est le message qu'a souhaité adressé Bertrand Serp, vice-président en charge de la transition digitale de Toulouse Métropole, qui représentait France urbaine, en insistant sur quatre points : créer une véritable alliance entre les territoires et les entreprises, travailler sur une commande publique orientée - un "small business act" comme à Toulouse pour le développement des entreprises et des startups dans le numérique -, accélérer sur la formation et faciliter le travail entre la recherche, les entreprises et l'innovation dans les territoires. Ce sont quatre leviers pour favoriser le développement des entreprises et de l'emploi local dans le numérique.

Francky Trichet

Francky Trichet, président des Interconnectés et vice-président de Nantes métropole, au Forum des Interconnectés 2022 à la Cité des Congrès de Nantes.

 Aujourd'hui, le numérique et l'écologie ont un destin en commun fort. Il faut arriver à décliner des actions concrètes dans les territoires pour faire émerger cette sobriété numérique, a conclu Francky Trichet, président des Interconnectés et vice-président de Nantes métropole.

Le manifeste comprend plusieurs mesures concrètes pour faire avancer ce chantier prioritaire de la sobriété numérique. Première mesure : faire émerger à l'échelle locale des filières de recyclage, réemploi, réparation des équipements électroniques. « Les déchets numériques sont souvent traités à l'échelle mondiale dans des pays poubelles, comme le Ghana, par exemple. On doit s'engager pour dire stop, cela passe par le développement à l'échelle des bassins de vie de filières locales de réemploi, de recyclage et de reconditionnement», explique Francky Trichet. Deuxième mesure : agir dans les écoles pour sensibiliser sur la notion de sobriété numérique (conception du numérique, réduction des usages...). Troisième mesure :  lancer un plan d’innovation et d’investissement pour encourager le développement de solutions numériques à impact positif sur l'environnement.

C'est un numérique choisi et non plus subi, un numérique plutôt maîtrisé et non plus illimité et un numérique surtout pas voyou, pour reprendre le terme évoqué par Jacques-François marchandise, le directeur de la recherche et de la prospective de la FING, présent lors de ce forum.

Cette alliance inédite a pour objectif de peser au-delà de cette échéance électorale et d'influencer la future conduite de la politique publique du numérique française. Une initiative ouverte aux autres associations et acteurs des territoires.

Les 20 propositions de la Belle alliance

  1. Encourager l’engagement d’intérêt général des entreprises et mettre en place les conditions d’une alliance public - privé sur le respect des règlementations éthiques, l’interopérabilité des technologies, le partage des données.
     
  2. Promouvoir une souveraineté européenne de la donnée, accompagner la généralisation du RGPD et des nouvelles directives (DSA, DMA) pour les collectivités et la mutualisation de DPO pour les plus petites d’entre elles.
     
  3. Mettre en place, en cohérence avec les actions européennes, une instance de concertation nationale sur les évolutions et l’éthique du numérique incluant les territoires.
     
  4. Mettre en place un service universel d’internet qui comprend : la garantie de la durabilité du réseau, la mise en place d’une tarification sociale et la création de coffres-forts numériques souverains pour tous.
     
  5. Organiser un maillage territorial équitable des lieux d’accès aux ressources numériques et tiers lieux et renforcer leur mission d’appui aux citoyens, entreprises, associations dans l’appropriation des nouvelles pratiques du numérique.
     
  6. Ouvrir Étalab et garantir le droit d’accès aux données publiques et d’intérêt général aux acteurs locaux, collectivités, associations, collectifs citoyens. Généraliser l’adoption de chartes territoriales de la donnée et réguler les conditions de partage de la donnée d’intérêt général à l’échelle des territoires. 
     
  7. Encourager et reconnaître le concours des collectivités pour la mise à disposition et le développement des données de référence dans le cadre de la mission de service public relevant de l’État. Accompagner les citoyens dans leur contribution à la constitution de données utiles aux services numériques du quotidien.
     
  8. Organiser les conditions du débat citoyen sur le numérique - en articulation avec les instances éthiques nationales - afin d’engager la concertation amont sur les évolutions technologiques de rupture et sur leurs impacts sociétaux.
     
  9. Mettre en place des modes de financement destinés aux collectivités et fléchés sur le déploiement des politiques numériques de long terme. Nous sommes prêts à participer à la définition de mécanismes et à l’animation de démarches permettant de financer utilement les actions déployées à l’échelle des territoires en matière d’inclusion et de dématérialisation notamment.
     
  10. Mettre en place un fonds de péréquation national abondé par le budget de l’État pour l’aménagement numérique de la France, permettant de compenser les écarts de charges d’exploitation, de création de nouvelles dessertes ou de nouveaux raccordements en zone d’initiative publique par rapport aux zones d’initiatives privées.
     
  11. Stopper les appels à projets mettant en concurrence les territoires au profit d’une logique de dotation de financement de projets sur des objectifs pluriannuels. Les financements devraient en outre inciter à la prise en compte des impacts environnementaux des projets soutenus et récompenser les logiques de mutualisation y compris interterritoriales et le développement de communs ouverts.
     
  12. Mettre en place un plan d’innovation et d’investissement pour encourager le développement de solutions numériques à impact positif en matière environnementale.
     
  13. Inciter à l’adoption de technologies sobres et proportionnées à leurs usages : nous appelons à la création d’un observatoire national, déclinable au niveau local, qui rende accessibles et exploitables les données environnementales. L’objectif est de décrire et piloter les politiques de réduction de l’impact au sein des collectivités et de définir objectivement les critères de choix technologiques sobres pour la ville intelligente.
     
  14. Développer des filières locales de recyclage, réemploi, réparation des équipements électroniques génératrices d’emplois local sur de nouveaux métiers.
     
  15. Prévoir dès la formation des personnels dédiés à l’industrie et à l’ensemble des métiers des filières techniques la prise en compte des enjeux de sobriété numérique et réaffirmer le nécessaire engagement des acteurs de l’industrie et de leurs interprofessions.
     
  16. Créer un passeport de compétences numériques pour promouvoir l’ensemble des métiers du numérique ainsi que les métiers induits et notamment ceux liés au développement des réseaux, de la donnée et des nouvelles filières.
     
  17. Encourager l’engagement d’intérêt général des entreprises et mettre en place les conditions d’une alliance public - privé sur le respect des règlementations éthiques, l’interopérabilité des technologies, le partage des données.
     
  18. Orienter les critères de l’achat public et conditionner les aides publiques aux entreprises afin de stimuler la structuration de filières économiques responsables qui développent l’emploi local.
     
  19. Documenter la diversité des métiers liés à la transformation numérique, réduire le coût et organiser la proximité géographique des formations.
     
  20. Mettre en place un dispositif d’appui à l’innovation et l’expérimentation sur les technologies de rupture pour favoriser la collaboration entre les entreprises et les organismes de recherche.

Le manifeste "Pour réussir la transformation numérique responsable dans les territoires"

 

 

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