Revue
DossierL’approche start-up d’État imprègne la feuille de route de la DINUM
Concevoir des services publics innovants et agiles en s’inspirant des méthodes de la Silicon Valley, c’est l’ambition initiale du programme beta.gouv.fr, piloté par la Direction interministérielle du numérique (DINUM), placée aujourd’hui sous l’autorité du ministère de la Transformation et de la Fonction publique.
Depuis la première start-up d’État lancée en 2013 par deux entrepreneurs du numérique, Henri Verdier et Pierre Pezzardi, en mode « pirate », bien du chemin a été parcouru. Avec plus de 210 start-up d’État en activité dont 24 services à impact national (Pix, data.gouv.fr, démarches simplifiées, Code du travail numérique, La Bonne formation, Pass culture, etc.), une multiplication des incubateurs dans les ministères, une communauté grandissante de plus de 1 200 membres de la communauté beta.gouv.fr et un programme devenu une priorité stratégique dans la nouvelle feuille de route de la DINUM, cette manière pro-active et différente de concevoir des services publics numériques, au plus près des besoins des utilisateurs, en petite équipe autonome obsédée par la culture du résultat, de l’amélioration continue et de l’impact, n’a cessé de gagner du terrain.
À la manière des entrepreneurs dans le secteur privé, les agents publics ont moins de deux minutes, en mode « pitch », pour se présenter et partager avancées, difficultés et résultats de leurs start-up d’État. Bienvenue au « stand-up meeting » de beta.gouv.fr, l’un des rituels réguliers de la communauté des innovateurs publics du numérique d’État.
Il se tient au Lieu de la transformation publique devenu en quelques années l’épicentre de l’innovation publique parisienne, situé juste à côté des services du Premier ministre, avenue de Ségur. Ce « stand-up meeting » vient clôturer le Forum de beta.gouv.fr, qui rassemble chaque mois des intrapreneur·ses, développeur·ses, responsables d’incubateurs ministériels, coachs et designers engagés dans la transformation numérique de l’État. Nous sommes le jeudi 9 mars 2023 et Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, est présent ce jour-là, accompagné de Stéphanie Schaer, la directrice interministérielle du numérique, pour rencontrer et échanger avec ces « agents publics 3.0 », qui dénotent avec l’image que l’on peut se faire des fonctionnaires de l’administration centrale.
Nommé en septembre 2022 à la tête de la DINUM, Stéphanie Schaer est elle-même une ancienne « intrapreneuses » puisqu’elle a contribué à lancer la start-up d’État Signaux faibles11, qui permet de détecter précocement, pour mieux les accompagner, les entreprises en difficultés grâce à des données détenues par les administrations. Ce service est aujourd’hui déployé dans l’ensemble de la France, ainsi c’est à l’occasion de cette rencontre qu’elle a dévoilé la nouvelle feuille de route du numérique de l’État « Une stratégie numérique au service de l’efficacité de l’action publique » 12, et qui remet au cœur de la stratégie l’approche de beta.gouv.fr.
Parmi les quatre grandes priorités fixées par cette feuille de route du numérique d’État, la première est d’« engager une mutation profonde des organisations publiques pour initier et conduire dans la durée les projets numériques de l’État ». Elle préconise de « mettre en place progressivement des équipes pluridisciplinaires intégrées plutôt que des équipes en silos, proposer des évolutions incrémentales et continues avec des échéances régulières plutôt que des projets annualisés, et exiger des mesures d’impact au fil de l’eau plutôt qu’une approche purement “solutionniste”.
Pour la première fois, la nouvelle feuille de route du numérique reconnaît la pertinence de l’approche des “start-up d’État” :
“En complément, il conviendra de s’inspirer de l’approche des ‘start-up d’État’” de beta.gouv.fr en privilégiant les expérimentations, les itérations, puis le passage à l’échelle. Cette démarche a su démontrer son efficacité pour créer de nouveaux services numériques innovants », peut-lire dans la feuille de route.
Ambassadeur du numérique pour la France, Henri Verdier a contribué, avec Pierre Pezzardi, qui a directement inspiré cette nouvelle feuille de route et qui conseille aujourd’hui la nouvelle patronne de la DINUM, à lancer en 2013 cette démarche « disruptive » dans l’administration. Selon lui, l’État ne fait plus de l’informatique de la même manière, plus de dix ans après le lancement de cette méthode : « La communauté beta.gouv.fr s’est progressivement implantée dans les administrations et a fini par contaminer un peu la manière de faire les projets informatiques.
Pour la première fois, l’État assume cette méthode pour servir les priorités du Gouvernement : « Les “start-up d’État”, c’est un peu la première brique de “l’administration libérée” », nous confie Henri Verdier, qui a été directeur interministériel du numérique et du système d’information de 2015 à 2018.