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Parité des équipes de direction générale : un facteur d’attractivité ?

Le 13 mai 2024

Les femmes dirigeantes deviennent une ressource recherchée, parfois pour répondre aux nouvelles obligations légales, mais de plus en plus par conviction. La parité dans les équipes de direction générale (DG) est en effet un moyen d’intégrer la représentation de notre société dans le processus de la prise de décision. Si certaines organisations ont pleinement intégré cette démarche, d’autres ont du mal à prendre le pas. Retour sur un atelier organisé par Dirigeantes et territoires1 dans le cadre des Entretiens territoriaux de Strasbourg (ETS) 20232.

Des chiffres qui parlent

Premier constat – grâce à l’observatoire de Dirigeantes et territoires – la part des femmes lauréates du concours d’administrateur territorial est a minima autour de 50 % depuis de nombreuses années : elles ne sont que 31,2 % des directions générales de services (DGS) de région, 28,6 % des DGS de communes de plus de 40 000 habitants, 22 % des DGS d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 40 000 habitants et 12,3 % de DGS de départements.

Concernant les rémunérations, l’écart entre les femmes et les hommes est passé – de 2013 à 2020 – de 13,9 à 11,8 %. De plus, la part des femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations dans les collectivités de plus de 80 000 habitants est de 38 %. Des inégalités qui se répercutent directement sur le montant de la retraite : les hommes touchent une pension supérieure de 18 % par rapport aux femmes. Enfin, 34 % des femmes sont à temps partiel, contre 12 % des hommes.

S’il fallait résumer, le plafond de verre existe toujours, avec de moins en moins de femmes en montant dans la hiérarchie et par strate. Il reste donc une large marge de manœuvre, également sur les rémunérations dont les écarts s’amplifient avec la catégorie et l’âge.

Ce qui change avec la loi du 19 juillet 20233

Le premier article de la loi no 2023-623 annonce une suppression de toute dérogation aux pénalités à partir de 2027, ce qui est une entrée en matière forte pour signifier la volonté d’appliquer le texte dans sa philosophie. Afin de progresser vers la parité des équipes de DG, le taux de primo-nominations doit atteindre 50 % au prochain renouvellement des assemblées dans la fonction publique territoriale, avec une obligation de progression sur trois ans pour ceux qui seraient en dessous. En 2027, la part du nombre de personnes de même genre doit atteindre 40 % de l’équipe, à défaut, la collectivité doit s’engager sur un plan de trois ans au bout duquel des pénalités seront appliquées en cas de défaillance.

Côté rémunération, le seuil est abaissé à 40 000 habitants pour la publication des 10 rémunérations les plus élevées de la collectivité.

Enfin, un index pour l’égalité professionnelle est transposé du privé pour les trois versants de la fonction publique et sa publication sera obligatoire pour les collectivités de plus de 20 000 habitants à partir du 30 septembre 2024. Une pénalité de 1 % de la masse salariale est prévue en cas de non atteinte de la note fixée par décret, après, là encore, un plan de trois ans pour atteindre l’objectif.

Cultures des collectivités : le grand écart

Quatre grandes typologies de collectivités se distinguent en termes de positionnement vis-à-vis du principe de parité professionnelle : celles qui s’opposent idéologiquement à cette notion ; celles qui sont insensibles et n’ont pas de culture particulière sur le sujet ; celles qui adoptent un discours lissé d’apparence égalitaire, mais qui se révèlent peu égalitaires dans le processus de recrutement ; et enfin, les collectivités volontaristes qui ont de fortes ambitions sur le sujet et veulent être exemplaires.

Pour les cabinets de recrutement, cela implique d’adapter leur comportement. Dans les trois premiers cas, il est crucial qu’ils puissent argumenter, voire s’imposer ou s’opposer, et dans un cas extrême, refuser d’engager la démarche. Cela suppose cependant une éthique et une bonne culture du sujet, et l’intérêt de la diversité au sein d’une équipe de direction.

Toutefois, la réalité est parfois têtue, des collectivités volontaristes comme la communauté urbaine (CU) et la ville de Bordeaux ont ainsi sollicité un cabinet sur des emplois de DG en lui demandant exclusivement des profils féminins. Particulièrement sur des métiers techniques, mais également sur des postes administratifs, il a été difficile, voire impossible, d’avoir suffisamment de candidates. Le « vivier » est-il plus restreint ? De l’avis général, non, le vivier est là, c’est plus le manque d’opportunité qu’on lui donne qui pose un problème.

Veillez à ce que la marque employeur apparente soit en cohérence avec la réalité du management en interne.

La réponse est également ailleurs : encore trop de femmes se posent la question de leur légitimité, puis, lorsque qu’elles candidatent, se retrouvent face à la question cruciale de l’organisation familiale. Disons clairement qu’une femme se posera véritablement la question de la mobilité de son conjoint et de ses enfants, alors que pour un homme « l’intendance suivra ».

Face à cette situation, un certain nombre de collectivités ont ainsi choisi de constituer en interne ce vivier qu’elles ne trouvent pas à l’extérieur et de recruter des femmes sur des métiers à responsabilité en début de carrière. L’idée étant de leur donner le supplément de légitimité qu’elles ne se donnent pas elles-mêmes. Une voie interne originale et innovante, mais qui peut être un pari, car, après un temps d’expérience, il faut accepter que certaines poursuivent leur carrière ailleurs.

Une communication sincère et décomplexée, au service de l’attractivité

En abordant certains aspects de manière décomplexée, en intégrant des solutions adaptées, les collectivités peuvent aussi contribuer à atténuer les obstacles qui entravent la constitution d’un vivier féminin, favorisant ainsi un recrutement plus diversifié et inclusif et augmentant considérablement leur attractivité. Cela exige une préparation en amont au sein de la collectivité.

Une communication externe inclusive

Mettez en place une communication externe inclusive en adaptant les annonces d’emploi. Évitez les termes genrés et assurez-vous que le langage utilisé encourage activement la diversité des candidatures.

La promotion de la diversité dans les annonces

Soulignez la volonté d’accueillir des profils diversifiés directement dans les annonces d’emploi. Montrez des exemples concrets, mettez en avant des histoires de réussite de personnes diverses au sein de la collectivité pour illustrer l’engagement en faveur de la diversité.

L’inversion des rôles dans les annonces

Expérimentez l’inversion des rôles dans les annonces. Cette approche peut non seulement démontrer l’ouverture de la collectivité à la diversité, mais aussi encourager une réflexion différente sur les postes et les compétences recherchées.

Une marque employeur cohérente

Veillez à ce que la marque employeur apparente soit en cohérence avec la réalité du management en interne. Un management favorable aux nouvelles aspirations du travail, y compris la conciliation entre vies privée et professionnelle, doit être effectivement mis en œuvre. Pas de fausses promesses !

Une formation du personnel et une sensibilisation

Formez le personnel, en particulier les gestionnaires et les équipes RH, à la diversité et à l’inclusion. Sensibilisez-les à l’importance de créer un environnement de travail inclusif qui soutient les aspirations variées des agentes et agents. Il est évident que les élus doivent être impliqués, rien ne se fera sans volonté politique.

Flexibilité et conciliation des temps

Développez des politiques de travail flexibles et des options de conciliation des temps. Montrez que la collectivité reconnaît et soutient les diverses exigences en matière d’équilibre entre vies privée et professionnelle. Souligner la compréhension des réalités de la vie quotidienne des femmes peut attirer davantage de candidates.

Des retours d’expérience positifs

Mettez en avant des retours d’expérience positifs de personnes ayant réussi à concilier vies privée et professionnelle au sein de la collectivité. Ces témoignages peuvent renforcer la crédibilité de la démarche.

Quelques pistes pour les femmes

L’indispensable réseautage

Il faut prendre conscience de l’importance du réseautage pour les femmes et créer des opportunités formelles et informelles pour qu’elles développent des connexions professionnelles. Les événements de réseautage, les mentorats et les programmes de développement personnel peuvent encourager la création de liens. C’est précisément ce que fait Dirigeantes et territoires.

Un développement des compétences et un réel soutien

Il faut mettre en place des programmes de développement des compétences spécifiques pour les femmes, avec un accent particulier sur le mentorat et le coaching, et leur offrir un soutien continu pour renforcer la confiance et les aider à surmonter les barrières potentielles.

Une formation à la négociation salariale

Proposer des formations sur la négociation salariale. Les femmes ont parfois besoin d’être mieux préparées et soutenues dans ce domaine. Les compétences en négociation peuvent être renforcées par des ateliers et des conseils personnalisés.

Le label « Égalité professionnelle » entre les femmes
et les hommes de l’Association française
de normalisation (AFNOR)

Créé en 2004 par l’État, le label « Égalité professionnelle » répond aux exigences d’un cahier des charges spécifique et à l’avis d’experts. Véritable guide méthodologique, il atteste du respect de l’égalité des droits entre vos collaborateurs femmes et hommes. En tant qu’organisme qui se lance dans cette démarche, vous vous engagez au quotidien à respecter l’égalité entre les femmes et hommes dans la gestion de vos RH : le label « Égalité professionnelle » distingue vos bonnes pratiques et atteste de l’exemplarité de votre organisation en la matière… un bel outil, mais coûteux.

Proposer des formations sur la négociation salariale. Les femmes ont parfois besoin d’être mieux préparées et soutenues dans ce domaine.

Les engagements des cabinets de recrutement,
vers la création d’un label ?
Une proposition de Diane Conseil

Voici quelques étapes possibles pour la mise en œuvre de ce label en collaboration avec des organismes tels que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) :

  1. Élaboration des critères du label : travailler en collaboration avec des experts en diversité, des représentants du CNFPT, et d’autres parties prenantes pour définir les critères spécifiques auxquels les cabinets de recrutement devraient adhérer pour obtenir le label. Ces critères pourraient inclure des aspects tels que la diversité des candidatures, des processus de recrutement équitables (ex : engagements sur la présentation de sélection de candidats strictement paritaires, jurys paritaires, etc.), la formation du personnel sur la diversité, etc. ;
  2. Consultation des parties prenantes : organiser des consultations avec différents acteurs du secteur, y compris d’autres cabinets de recrutement, des organisations de la société civile, et des représentants des collectivités, pour recueillir des avis et des suggestions sur la conception du label ;
  3. Création d’un guide d’engagement : élaborer un guide détaillé décrivant les critères, les processus et les attentes pour les cabinets de recrutement cherchant à obtenir le label ;
  4. Partenariat avec le CNFPT ou d’autres organismes : établir un partenariat officiel avec le CNFPT ou d’autres organismes reconnus pour assurer la légitimité et la crédibilité du label. Collaborer étroitement avec ces organismes pour développer et promouvoir le label ;
  5. Formation et accompagnement : proposer des programmes de formation et d’accompagnement pour les cabinets de recrutement souhaitant obtenir le label. Ces programmes peuvent fournir des ressources, de bonnes pratiques et des conseils pour aider les cabinets à mettre en œuvre les engagements du label de manière efficace ;
  6. Suivi et évaluation : établir un processus de suivi et d’évaluation régulier pour garantir que les cabinets de recrutement maintiennent leurs engagements. Un mécanisme de certification périodique peut être mis en place pour renforcer l’engagement continu.

Un tel label contribuerait à renforcer l’image des cabinets de recrutement en tant qu’acteurs clés dans la réalisation des objectifs sociétaux liés à la diversité.

  1. Dirigeantes et territoires est un réseau collaboratif de dirigeantes des secteurs public et parapublic.
  2. Un atelier organisé le 6 décembre 2023 avec la collaboration de l’association des directeurs des ressources humaines (DRH) des grandes collectivités, et la participation d’Aline Ridet, vice-présidente de Dirigeantes et territoires, directrice générale adjointe (DGA) éducation, culture et attractivité au conseil départemental d’Eure-et-Loir, Vincent Lescaillez, président de l’association des DRH des grandes collectivités et DGRH et administration générale à Bordeaux Métropole, Valérie Strock Hutepain, élève administratrice de la promotion Hubertine-Auclair, membre du groupe égalité femme-homme de l’Institut national des études territoriales (INET), Nans Mollaret, consultant chargé de recrutement pour Diane Conseil, cabinet spécialisé en conseil RH et recrutement public et Hugues Perinel, vice-président de Dirigeantes et territoires, journaliste et animateur de l’atelier.
  3. L. no 2023-623, 19 juill. 2023, visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. La loi vise à accélérer la féminisation de la haute fonction publique. Elle porte à 50 % le quota obligatoire de primo-nominations féminines aux emplois supérieurs et de direction et instaure un index de l’égalité professionnelle dans la fonction publique.
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