Revue
CartoscopieSe soigner dans les territoires français
L’accès aux soins constitue un enjeu majeur en France. En effet, malgré un système social et de santé très protecteurs, surtout si l’on compare à ce qui existe ailleurs dans le monde, les patients sont loin d’être tous logés à la même enseigne. Selon leur niveau de ressources, selon leur capital social et culturel, tous ne bénéficient pas des mêmes services en qualité comme en diversité.
La carte représentant la répartition des médecins généralistes en France pour 10 000 habitants ainsi que celle des chirurgiens, montre que le facteur spatial joue aussi un rôle déterminant. Selon que l’on habite une grande agglomération urbaine, ou, qu’au contraire, l’on en soit éloigné, l’accès aux soins ne sera pas le même. Les possibilités de mobilité de chacun entrent évidemment en compte dans ces écarts. Mais plus fondamentalement, c’est l’existence même de l’offre qui est en question.
Malgré des dispositifs incitatifs, comme le déploiement des maisons de santé, de nombreux territoires constituent des déserts médicaux et pâtissent d’un nombre de généralistes insuffisant. Le mode de vie, les modalités d’exercice en faible densité, le trop faible nombre de médecins généralistes formés expliquent ce déficit. La concentration des chirurgiens est, elle, moins surprenante puisque directement liée à la répartition des centres hospitaliers et à leur polarisation, favorisée ces dernières années par souci de rationalisation et de renforcement de la qualité des soins de la part des pouvoirs publics.
À cette première lecture, calquée sur la géographie urbaine du pays, il faut en ajouter une seconde, régionale et métropolitaine cette fois. En moyenne, il vaut mieux, lorsque l’on est souffrant, se situer au sud de la Loire qu’au nord. À croire que les médecins aussi sont sensibles à la qualité de vie, constatée ou supposée, des territoires du sud et participent de l’héliocentrisme à l’œuvre dans la logique de peuplement du pays.
La seconde carte, prenant en compte cette fois l’âge moyen des médecins inscrit au tableau de l’ordre, ouvre une dimension plus prospective : s’y esquisse une autre géographie, où la moyenne d’âge très élevée des praticiens interroge sur la possibilité à moyen terme de conserver l’offre existante. Les pouvoirs publics en cherchant à former davantage de médecins ont perçu ce risque : il est néanmoins probable que dans un futur proche la concurrence entre les territoires pour accueillir ces nouveaux patriciens soit féroce, sauf à imaginer des modèles incitatifs ou coercitifs, qui permettent de mieux réguler les choix de lieux d’installation. C’est un autre modèle d’organisation qui est à mettre en œuvre pour éviter que les tensions en matière de santé dans nombre de territoires ne s’accroissent.