Une cartographie des territoires « Action cœur de ville »

Le 21 février 2022

Lancé en 2018, ce programme  public partenarial visant à soutenir le développement et l’attractivité des villes moyennes de métropole et d’Outre-mer, réunit aujourd’hui 234 villes dans toute la France. En février dernier, le directeur de ce programme national, Rollon Mouchel-Blaisot, présentait une cartographie incluant chiffres clés, résultats et premiers impacts de cette politique publique.

Créé en 2018 Action Coeur de Ville (ACV) est un dispositif financier partenarial signé par l’Etat avec trois grands opérateurs d’utilité publique, la Banque des territoires, Action logement et l’Anah. Il est doté d’une enveloppe de 5 milliards d’euros minimum (3,8 Mds avaient été alloués au 31 décembre 2021) afin de soutenir le développement et l’attractivité des villes moyennes. Aujourd’hui il concerne 234 villes dans l’Hexagone, de tailles différentes comme Chinon et Limoges respectivement peuplées de 8 000  et 135 000 habitants.

Un dispositif pour redynamiser les centres-villes

L’Atlas présenté à l’ANCT le 15 février réunit un certain nombre de chiffres clés du programme. A commencer par la réhabilitation et la construction de 67 000 logements grâce au concours financier de l’Etat et des partenaires, spécifiquement dans les centres-villes ACV, dépassant l’objectif initial de 60 000 logements. A ces logements s’ajoutent la restructuration de 6000 cellules commerciales. Si des dizaines de rénovations ont été engagées, il s’agit d’un projet de « longue haleine » financé en partie par le fonds de restructuration des locaux d’activités.

La deuxième dimension du dispositif ACV concerne les mesures complémentaires qui renforcent les outils du programme. Tout d‘abord les actions de revitalisation du territoires issues de la loi Elan et en particulier les Opérations de Revitalisation du territoire (ORT). Sur les 234 villes ACV, 223 sont signataires d’une ORT. De manière plus globale grâce au programme « petites villes de demain », au 1er février 278 ORT avaient été signées par 484 villes (81 d’entre elles, pluricommunales). A ce jour un métropole, Brest est également signataire d’une ORT, un outil qui s’adapte donc autant aux petites villes, aux villes moyennes qu’aux métropoles. Vient ensuite le fonds friche. Il part du principe que le prix du marché ne permet pas d’équilibrer les coûts dune opération immobilière si l’on prend en compte les frais dépollution et la complexité du tissu urbain. Près de 129 villes et 231 projets sont bénéficiaires de ce fonds, déterminant dans des projets difficiles.

Autre outil, territoires d’industrie, un programme de l’ANCT, oeuvre pour l’installation d’écoles de production dans 29 villes ACV, en lien avec les besoins du tissu industriel. Il s’agit d’accompagner des jeunes en situation de rupture scolaire vers lindustrie, en suscitant des vocations pour les métiers de lindustrie avec l'objectif de doubler le nombre dEcoles de production dans les territoires dici à la fin de lannée 2023.

Enfin, sept villes ACV souhaitant aller plus loin dans la démarche visant à stopper l’étalement urbain et à travailler l’attractivité du centre-ville sont devenues des territoires pilotes de sobriété foncière. Elles sont accompagnées dans l’élaboration de leur stratégie d’un développement urbain résidentiel et économique basé sur la sobriété foncière. Pour Maubeuge, Epernay, Dreux, Louviers, Poitiers, Dragignan et Sète il s’agit d’utiliser les friches, les « dents creuses », de repérer le foncier invisible et le valoriser. Vingt autres villes ont manifesté leur désir de rejoindre le dispositif.

Depuis 2019, le programme « Réinventons nos coeurs de ville »  propose aux villes ACV un accompagnement dans la valorisation d’un projet local faisant appel à l’excellence architecturale, urbanistique, paysagère sur un site ou un bâtiment emblématique: 112 villes sur 222 s’étaient manifestées; 56 ont été retenues; 40 ont lancé leur appel à projet local; 17 ont déjà désigné leur groupement de lauréats. Parmi les sites emblématiques ayant trouvé preneur, citons la friche industrielle de Montbrison pourtant à l’abandon depuis 40 ans, qui deviendra un éco-quartier. A la demande des collectivités « Réinventons nos coeurs de ville » est reconduit en 2022, les villes ont jusqu’à la fin mai pour manifester leur intérêt et rejoindre une deuxième promotion.

Parmi les indicateurs d’impact on peut citer le baromètre de l’immobilier, réalisé avec les notaires de France. Il mesure chaque année, l’évolution du marché immobilier dans les villes du programme ACV. Il indique notamment une progression de 14% des ventes dans les villes ACV en 2020 par rapport à 2018. Autre indicateur de la vitalité de ces villes, 56 d’entre elles sur 66 au total, vont accueillir la relocalisation des services de la DGFIP.  Il s’agit de villes ACV, investissant dans leurs logements, leurs commerces, leur cadre de vie. Entre 2021 et 2024, ce sont plus de 2500 emplois qui vont être redéployés de Paris et des grandes métropoles vers les villes moyennes.

Des partenariats diversifiés

ACV se sont aussi des partenariats, notamment avec le CNAM. Ainsi 35 antennes locales de formation ont été ouvertes, l’objectif d’ici la fin 2022 consiste à atteindre les 100 centres. Au-delà des synergies avec les établissements de formation et d’enseignement supérieur, ACV a conclu un partenariat avec  ENEDIS qui fournit des données aux villes sur leur consommation. La carte de thermo-sensibilité propose un calcul de la variation de la consommation électrique résidentielle liée aux variations de températures. Toute variation importante requiert des efforts supplémentaires en matière d’isolation énergétique des logements.

ACV a conclu un autre partenariat de taille, « le plus grand achat de données privées en France pour des politiques urbaines » qui concerne cette fois les mobilités. Avec Mytraffic, le service public se dote de données précises de géolocalisation concernant trois indicateurs: la fréquentation des centres-villes, leur taux d’attractivité, la provenance des  visiteurs. Chaque maire va ainsi disposer de données actualisées sur les visiteurs de son centre-ville et leurs principales communes de provenances. Les premières données indiquent que 62% des personnes des EPCI des villes moyennes ACV (28% pour les villes non labellisées ACV) se rendent tous les mois dans leur centres-villes. Et la fréquentation n’a pas baissé entre 2020 et 2021, ce qui démontre l’attractivité de ces villes et envoie un signal très positif. Avec ce partenariat avec Mytraffic, c’est la première fois que l’Etat ne se repose pas uniquement sur la statistique publique. Au contraire, il s’agit d’une politique d’acquisition et de construction de données. De plus cette politique publique distingue le reporting financier, le suivi opérationnel et la mesure d’impact, un choix novateur.

Un autre partenariat original a été noué avec le comité d’organisation des JO 2024 afin de développer le design actif dans les villes Terres de jeux. IL concerne cinq villes, Chatellerault Bourges, Limoges, Saint Dizier, Saint Omer et la communauté d’agglomération de Plaine Commune. Il s’agit d’imaginer la manière dont l’aménagement urbain va favoriser la mobilité pédestre et l’activité physique et ludique, en ville et pour tous avec un véritable enjeu de santé publique. Ce concept de design actif provient des pays nordiques et du monde anglo-saxon et il consiste par exemple à repeindre les marches du métro pour représenter des « step » de salles de gym, à retravailler les cours d’école, à requalifier des parcours santé sur des berges. L’objectif: encourager l’activité physique. Ces 5 villes ainsi que Plaine Commune sont accompagnées par la Cité du design de Saint Etienne pour s’engager dans cette démarche. Vingt autres territoires veulent en bénéficier et à terme l’ANCT et la Cité du design ont pour ambition d’accompagner une centaine de villes moyennes en France.

3 questions à Rollon Mouchel-Blaisot

Rollon Mouchel-Blaisot est directeur du programme national « Action Cœur de ville » et chargé du pilotage interministériel ORT

Quels sont les enjeux pour les centres-villes dans l’après-Covid ?

Permettre aux villes ACV de relever les trois défis de la transition démographique, écologique et économique. La première vise à mieux adapter les logements à nos villes et au vieillissement de la population tout en accueillant des nouvelles populations avec notamment des solutions inter-générationnelles. La seconde à s’adapter au changement climatique, à faire de la nature une infrastructure à part entière de l’aménagement urbain tout en favorisant la sobriété foncière et en luttant contre l’étalement urbain. Le dernier défi consiste à amplifier et mieux accompagner la relocalisation des activités industrielles; à s’adapter et à saisir la chance des nouvelles formes d’organisation du travail. Nos compatriotes veulent massivement habiter dans des villes à taille humaine, avec une aspiration à travailler plus près de chez eux, voire chez eux. D’où le développement des tiers-lieux, des nouvelles formes d’organisation du travail (coopératives manufacturières etc).

Cela pourrait se traduire par une approche innovante et renouvelée en matière de rénovation et de construction de logements, par le développement de l’offre de formation et d’enseignement supérieur demandé par l’ensemble des élus, par une approche plus forte dans le domaine médico-social. C’est l’opportunité pour nos villes moyennes d’être les fers de lance d’une croissance durable.

Quels sont les points à améliorer pour la deuxième édition d’Action Coeur de Ville ?

Dans son discours de clôture, le président de la République avait émis l’idée que la méthode innovante ACV se déploie également dans les quartiers de gares et les entrées de villes. Concernant les quartiers de gare, les recensement ont confirmé notre intuition: dans la plupart des cas ils sont inclus dans les périmètres d’intervention des ORT et des conventions ACV car ils étaient très centraux ou accolés aux centres-villes. En complément de la mission de préfiguration que j’anime, le premier ministre m’a confié la mission d’animer un groupe de travail interministériel sur la requalification des entrées de villes. Cet  enjeu national central concerne les commerces, les mobilités et vise soit un développement urbain plus harmonieux soit un contrôle de lurbanisation voire même, dans certains cas, la renaturation. L’objectif de ce groupe de travail consistera à proposer des outils aux autorités locales leur permettant de traiter ces sujets.

Ce dispositif a donc vocation à se pérenniser. Privilégierez-vous les villes lauréates ou de nouvelles villes?

Nous allons enrichir le dispositif en nous basant sur les consultations menées auprès des élus. Les villes qui souhaitent continuer à participer au dispositif pourront continuer à le faire, l’Etat déterminera s’il souhaite intégrer de nouvelles villes. J’ajoute que faire partie d’ACV n’est pas de « droit divin », cela suppose un engagement. Cette seconde étape est l’occasion de réaffirmer des principes fondateurs forts: la lutte contre l’étalement urbain et la sobriété foncière.

Nous allons poursuivre le programme. Les montants dont on a besoin pour poursuivre la transformation matérielle de ces villes en matière de commerces et de logements demeurent considérables. Selon des estimations internes à l’Etat, le déficit d’opérations sur les 10 prochaines années est estimé à plus de 9 milliards d’euros concernant les ilots vacants et friches des villes petites et moyennes !

Des responsabilités demeurent de part et d‘autre des deux grandes familles d’acteurs: du côté de l’Etat il demeure indispensable d’orchestrer davantage son action et ses services publics autour de ces villes; du côté des collectivités locales, elles doivent organiser leur projet et leur gouvernance de sorte à ne pas subir de « dumping » de la périphérie.

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