40% d’usage clandestin de l’IA dans les collectivités

Selon les premiers éléments de l'étude du SNDGCT, présentée lors de l'édition 2025 de Territorialis, un résultat alarmant concerne l'usage non officiel de l'IA par les agents, la fameuse «Shadow IA». Les statistiques identifiées sont de l'ordre de 40% d'agents qui utilisent ces outils, même lorsque l'administration prétend ne pas s'en servir. Ne rien faire face à ce constat n'est pas une solution, car cela met la collectivité en danger en termes de données. Cela expose à des risques cyber importants, y compris le siphonnage d'information de manière massive.
©Illustration générée avec ChatGPT5.
Le 30 septembre 2025

Le Syndicat national des directions générales des collectivités territoriales (SNDGCT) a présenté à l'occasion de ses assises Territorialis, qui se sont tenues les 25 et 26 septembre 2025, les premiers résultats de son enquête sur l’intelligence artificielle dans les collectivités territoriales. L’enquête souligne la nécessité urgente pour les dirigeants de « prendre en main cette question » et d’établir une gouvernance claire, pour notamment faire face au phénomène de « Shadow IA ».

Marie-Claude Sivagnanam, DGS de l’Agglo de Cergy-Pontoise et Vice-présidente des transitions sociétales et managériales au SNDGCT, a insisté sur l'ampleur du chantier. Le syndicat s’est saisi du sujet dès 2023, réalisant qu’une « vague de fond » très forte était en cours.

Territorialis 2025

Le SNDGCT a mené une enquête auprès de plus d’une cinquantaine de collectivités et en a analysé les principaux éléments avec le groupe transitions managériales. - Marie-Claude Sivagnanam, vice-présidente en charge des transitions sociétales et managériales du SNDGCT, et Philippe Sanmartin, Président de l’Union régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur du SNDGCT, membre du groupe transitions managériales, ont partagé les premiers résultats de cette enquête lors d'un atelier organisé dans le cadre de Territorialis 2025.

Les premiers enseignements de l'enquête

L’enquête du SNDGCT a mobilisé une cinquantaine de collectivités de toutes tailles – petites, moyennes et grandes – afin de partager les réflexions des directions générales et de bénéficier de retours d'expérience. Une première tendance se dégage : si les grandes collectivités ont plus de moyens pour structurer une démarche, l'avancement dans les plus petites dépend fortement d'initiatives individuelles (DGS, DGA, DSI ou un agent passionné).

Les travaux menés par le SNDGCT, complétés par des concertations territoriales, ont mis en évidence plusieurs points de vigilance.

1. Le prisme de l'utilité et la mutualisation

Le premier résultat majeur est l'impératif de juger l'outil IA selon son utilité. Il doit être examiné sous ce prisme unique : il doit répondre de manière précise à un besoin concret, et non être adopté simplement parce qu'il est à la mode. De plus, l'expérimentation réalisée par les collectivités doit être mise en commun afin d'établir des pratiques communes. L'objectif est de mutualiser les efforts pour éviter que chaque collectivité ne doive recommencer le travail effectué par d'autres.

2. L'impact organisationnel et la nécessité d'une gouvernance

L'IA a un impact organisationnel extrêmement fort. Face à cela, il est nécessaire que les Directeurs Généraux des Services (DGS) mettent en place une cellule ou une gouvernance. Cette structure doit permettre de prendre en main cette question et d'adapter l'IA à la réalité et aux besoins spécifiques de la collectivité.

3. L'usage clandestin et les risques associés (« Shadow IA »)

Un résultat alarmant concerne l'usage non officiel de l'IA par les agents, la fameuse
 « Shadow IA ». Les statistiques identifiées sont de l'ordre de 40% d'agents qui utilisent ces outils, même lorsque l'administration prétend ne pas s'en servir. Ne rien faire face à ce constat n'est pas une solution, car cela met la collectivité en danger en termes de données. Cela expose à des risques cyber importants, y compris le siphonage d'information de manière massive.

4. La question de la fiabilité de l'IA Générative

L'enquête rappelle que l'IA générative est une technologie en cours de développement. Il est essentiel d'avoir en tête qu'elle fournit environ 30% d’erreur dans ses résultats. Il faut donc faire preuve d'une grande attention et de vigilance, comme on le ferait avec un collaborateur qui commettrait une faute sur trois tâches. Il est également crucial de bien comprendre comment l'outil fonctionne, ce qu'il sait faire et ce qu'il ne sait pas faire.

5. L'impact social, environnemental et le rôle de tiers de confiance

Il existe une prise de conscience globale du fait que la technologie de l'IA ne doit pas entrer en conflit avec les efforts déjà réalisés en matière d'impact environnemental. Les collectivités doivent être attentives à cela. Il y a aussi une demande pour que les collectivités deviennent un « tiers de confiance ». Elles doivent être l'espace qui veille à ce que l'utilisation de l'IA respecte les règles établies, ce qui est un élément d'adoption très fort.

6. Des résultats plus efficaces si les agents ont la main : Les outils IA, lorsqu'ils sont proposés par les agents, obtiennent de bien meilleurs résultats que lorsqu'ils sont imposés par la hiérarchie.

Face à l'impact organisationnel « extrêmement fort » de l'IA, la Vice-présidente du SNDGCT insiste sur le rôle essentiel des DGS : « Il est nécessaire (...) de mettre en place une cellule, une gouvernance peut-être qui permettent de prendre en main cette question-là ». Cette structure doit permettre d'adapter l'outil à la réalité des besoins de la collectivité. Il est également souligné que les outils qui sont « donnés à la main des agents » obtiennent de meilleurs résultats que ceux imposés par la hiérarchie.

L’exemple de Cergy-Pontoise : structurer l'usage

À Cergy-Pontoise, le travail de structuration est en cours. Bien qu'elle se trouve « au tout début » de la démarche, l'Agglo a déjà organisé une conférence pour l’ensemble des comités de direction. L’étape la plus urgente est la rédaction d'une charte commune d’usage entre les communes et l'Agglo. Cet outil vise à la fois à éviter que les données de la collectivité « s'en aillent » et à « expliquer aux agents les points d'attention » qu'il faut avoir. Pour le SNDGCT, l'objectif principal est d'outiller les collègues DGS/DGA sur les stratégies à déployer et la mise en œuvre de l'IA. Bien que le syndicat, composé uniquement de bénévoles, ne propose pas d'offre d'accompagnement directe, il se concentre sur le partage d'expériences. Marie-Claude Sivagnanam conclut en soulignant que l'IA sera un sujet inéluctable dans les prochaines années, notamment à l'approche du nouveau cycle électoral : « À partir de mars, il y aura forcément un sujet autour de ça dans les projets de mandat ».

 

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