Plan «Osez l'IA»: quel rôle pour les territoires ?

Le 9 septembre 2025

À l’occasion du lancement du plan national «Osez l’IA» le 1er juillet par Clara Chappaz, l'ancienne ministre déléguée à l’Intelligence artificielle (IA) et au Numérique, une table ronde était consacrée à l’IA pour les territoires à Bercy. 

« Ma présence ici peut sembler exotique, elle ne l’est pas », a déclaré Françoise Gatel, l'ancienne ministre déléguée à la Ruralité, en évoquant l’adoption de l’IA dans les communes rurales. Le constat est clair : plus de la moitié des collectivités de 3 500 à 10 000 habitants ont engagé ou envisagent un projet IA en 2024 contre zéro en 2023. Plusieurs exemples ont été cités par l'ex-ministre pour illustrer cette évolution.

Dans la Drôme, un assistant virtuel répond aux questions des administrés 24 heures/24. À Saint- Denis-sur-Sarton (1 078 hab.), l’IA soutient les secrétaires de mairie dans la sécurisation juridique des décisions. À Lyon, elle identifie les bénéficiaires oubliés de l’allocation personnalisée d’Autonomie (APA). À Toulouse, elle traque les fuites d’eau. À Nantes, elle réduit le gaspillage alimentaire scolaire. L’IA n’est plus une promesse, elle est déjà à l’œuvre discrète mais efficace.

Ce tournant n’est pas sans condition. Françoise Gatel appelle à une réflexion éthique et déontotogique sérieuse, mais aussi à un effort massif de formation. 

Intégrer l’IA ne se résume pas à brancher un outil : cela transforme les métiers, les postures, la gouvernance même de l’action publique. Pour éviter une fracture technologique, les élus et agents publics doivent pouvoir comprendre et piloter ces nouveaux outils, pas simplement les subir.

Le coût reste un frein, mais les exemples montrent que la mutualisation entre communes peut rendre l’IA accessible, avec pourquoi pas, demain, un chatbot à 10 000 euros par an… L’IA peut être rentable si elle est partagée à l’échelle d’un territoire. C’est là que les régions et les intercommunalités entrent en jeu.

Un accélérateur pour l’IA en région Pays de la Loire

À la table ronde sur l’IA dans les territoires, Constance Nebbula, vice-présidente de la région Pays de la Loire en charge du Numérique et de l’IA, a illustré comment les collectivités peuvent aussi jouer un rôle d'accélérateur économique. Diagnostic, formation, accompagnement : l’accélé- rateur Digital Innovation Value Accelerator (Diva)2 mis en place par la région est une porte d’entrée pour les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) vers l’IA. Objectif : lever les freins techniques, financiers et humains.

Plus fort encore, la région applique à elle-même les solutions qu’elle promeut. Elle a choisi la plate- forme SwiftAsk AI3 – développé localement – pour ses services internes. Une manière de renforcer l’écosystème tout en montrant l’exemple.

Grand Paris et Grand Paris Sud déploient leur stratégie IA

Dans le Grand Paris, l’IA est utilisée pour répondre aux enjeux urbains, sociaux et environnementaux. Pour Geoffroy Boulard, vice-président de la métro- pole du Grand Paris délégué à la communication, à l’innovation et au numérique, l’IA peut contribuer à changer la ville. Le programme ApproprIAtion Métropolitaine4 aide les communes à formaliser leurs cas d’usage, puis à les généraliser. En parallèle, la métropole finance les projets locaux à hauteur de 200 000 euros.

Pour Michel Bisson, maire de Lieusaint, président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud, l’IA doit servir une vision claire, structurée autour de six piliers, allant de la transparence à la souveraineté.

L’IA n’est pas gadget : elle optimise la collecte des déchets, favorise l’inclusion et permet des gains économiques nets. Un euro investi peut rapporter un euro par mois ; c’est plus qu’un pari technologique, c’est une politique d’investissement public.

Au-delà des outils, ce que révèle « Osez l’IA », c’est la capacité des territoires à devenir eux-mêmes des incubateurs d’innovation. Là où l’on imaginait un transfert descendant (de l’État vers les com- munes), on voit émerger un mouvement inverse : des solutions locales inspirent les politiques natio- nales. Le local devient laboratoire.

Le rôle des collectivités est donc double : elles adaptent l’IA à leurs besoins immédiats, mais elles structurent aussi un cadre plus large – éco- nomique, éthique, souverain. Cette table ronde sur l’IA dans les territoires a mis en lumière une dynamique puissante : celle d’une IA au service de toutes et tous, portée non par la centralisation mais par l’ancrage territorial.

Plan « Osez l'IA » : démocratiser l'IA en entreprise

Le 1er juillet 2025 a marqué le lancement officiel du plan national « Osez l’IA » par Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’IA et du Numérique. Ce plan ambitieux vise à accélérer la diffusion de l'IA dans toutes les entreprises françaises, en particulier les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Malgré une position reconnue à l'international pour son excellence scientifique et un écosystème entrepreneurial dynamique, avec plus de 1 000 startups en IA en France et 16 licornes, l'adoption de l'IA reste faible dans les entreprises françaises. En effet, seuls 8 % des TPE et 13 % des PME utilisent actuellement une solution d'IA. Le plan « Osez l’IA » répond à ce décalage, face à l'intimidation ressentie par les entreprises concernant le coût, la complexité ou le risque de l'IA.

Le plan s'articule autour de trois leviers principaux pour surmonter ces freins et faire de l'IA un outil quotidien d'ici 2030 :

  1. – la sensibilisation : un réseau de 300 ambassadeurs IA sera déployé pour partager des cas d'usage concrets et démystifier l'IA. Des événements de mise en relation seront organisés mensuellement pour rapprocher entreprises et offreurs de solutions, et un grand dialogue national autour de l'IA est lancé pour une appropriation collective ;
  2. – la formation : l'objectif est de former 15 millions de professionnels d'ici 2030. L'Académie de l'IA, une plateforme accessible à tous, proposera des formations et tutoriels adaptés dès fin 2025. Des modules de formation à l'IA seront intégrés dans les cursus d'apprentissage, pour les demandeurs d'emploi et les salariés ;
  3. – l'accompagnement : un soutien financier de 200 millions d'euros est prévu pour passer du diagnostic à l'implémentation. Cela inclut le cofinancement de diagnostics data IA jusqu'à 40 % par Bpifrance, la mise à disposition d'un catalogue de solutions d'IA et de cas d'usage, des prêts garantis par l'État pour les projets d'investissement structurants, et le soutien à la création de nouvelles solutions via des appels à projets comme « Accélération des usages de l’IA générative » et « Pionniers de l’IA ».

Le plan insiste également sur le renforcement de la souveraineté numérique en valorisant les solutions d'IA françaises et en soutenant l'émergence de nouveaux champions nationaux comme Mistral AI.

×

A lire aussi