Territorialis 2025 : des directeurs territoriaux en quête d’un nouveau souffle

Territorialis 2025
Quel souffle pour l'action publique en 2026 ? : cette question a été au centre des échanges entre Hélène Guillet, présidente du SNDGCT, et Philippe Laurent, maire de Sceaux et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), vendredi 26 septembre. Le SNDGCT et le CSFPT ont signé une convention de partenariat à l'issue de la séance plénière des assises Territorialis.
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Le 30 septembre 2025

Dans un climat d’incertitude politique, de fin de mandat jugé épuisant et à six mois des élections municipales, les dirigeants territoriaux se sont réunis les 25 et 26 septembre à Angers à l'occasion de Territorialis, les Assises nationales du Syndicat national des directions générales des collectivités territoriales (SNDGCT).

Prendre et donner du souffle. C’est autour de ce thème que s’est articulé l’édition 2025, donnant d’emblée le ton et le cadre de l’événement. Hélène Guillet, réélue juste avant les Assises à la tête du SNDGCT pour un mandat de trois ans, a dressé un tableau sans concession de la situation, affirmant que les équipes sont en état de burn out. Beaucoup sont au bord de l'épuisement, voire du renoncement, même si la « passion du métier » reste intacte, a-t-elle confié lors de la plénière d’ouverture. Face à des professionnels en quête de sens et d’énergie, elle a appelé à une pause salutaire pour retrouver le « souffle » nécessaire à l’exercice du service public local.

Territorialis 2025

Hélène Guillet a dressé un constat critique de la période écoulée, regrettant que le mandat ait « débuté de bien mauvaise manière ». Elle a souligné un principe amer : « tout ce qui part de travers arrive rarement droit ». En conséquence, le mandat en cours arrive « bancal », laissant des effets visibles dans les territoires qui l'inquiètent énormément. La présidente a alerté sur l'état de ses équipes : « Les équipes politiques et administratives sont étouffées. Elles sont parfois même au bord de l'épuisement voire de renoncement dans bien des endroits ».

Pour faire face à cette usure, Hélène Guillet a martelé la nécessité de se ressourcer : « il faut trouver le temps de la réparation, de la récupération et du ressourcement pour mieux repartir ». L’enjeu de ces Assises est de « prendre du souffle » et de se donner les moyens d'en « insuffler » aux équipes. C’est précisément l’objectif de Territorialis 2025 : offrir deux jours « différents » pour se retrouver, se reconnecter aux « essentiels », échanger sur les désaccords, reconstituer la créativité, développer les réseaux et s’outiller.

Face à l'épuisement, le congrès a mis en lumière l'importance d'un leadership renouvelé et de leviers humains et structurels. La métaphore du chef d’orchestre s’est imposée pour définir le rôle du dirigeant territorial. Guillaume Lamas, directeur général de l’Orchestre national des Pays de la Loire (ONPL), invité par les organisateurs, est intervenu sur la mise en musique de l’action territoriale. Il a rappelé l’importance de « l’interprétation collective » qui fait le résultat d’une partition. Le manager comme le chef d’orchestre doit aussi s’adapter à ses équipe et pour maintenir le rythme, il est essentiel de « rassurer et de  reconnaître » les collaborateurs et d'instaurer la bienveillance.

Du souffle pour soi, de l’élan pour les autres

C’est le titre d’un atelier proposé durant ces 2 jours qui visait à permettre aux participants de se reconnecter à leur propre énergie pour mieux en insuffler à leurs équipes. Animé par Duranton Consultants, une entreprise de conseil qui accompagne depuis plus de 30 ans les transformations d’organisation et de management des collectivités locales, cet atelier a permis de capter l’état d’esprit des directeurs généraux des services (DGS), directeurs généraux adjoints (DGA) et des secrétaires généraux de mairie (SGM). Les termes qui reviennent pour décrire leur quotidien sont évocateurs de ce besoin de prendre du souffle : « nécessité d’être polyvalent », impression d’être « écartelé et tiraillé », sensation d'être comme un « équilibriste avec la tête sous l’eau ». D’autres témoignages ont révélé un fort sentiment de pression et d’usure : l'image d'un « bateau pris dans la tempête mais qui doit garder le cap » a été évoquée, notamment en raison de la période pré-électorale et de la pression des élus. La gestion de projet est également source de tension, avec des problèmes de « retard de chantier ». Un atelier de thérapie collective qui a permis aux participants de réaliser un mur du souffle collectif et individuel avec des idées à partager et à mettre en place pour surmonter cette période.

Souffle d'équipe

Trois défis à l’horizon : le régime de responsabilité, le « Shadow IA » et le management

Territorialis 2025 a été l’occasion d’aborder également trois enjeux majeurs qui nécessitent une prise de recul : la responsabilité financière des gestionnaires publics, l’usage de l’IA dans les collectivités et le management. Pour Hélène Guillet, la revendication principale pour les trois prochaines années sera de clarifier le mode de responsabilité des directeurs généraux en collectivité. Lors d’une rencontre avec la presse, elle a confirmé que la clarification du périmètre de responsabilité des directions générales de service (DGS) sera la priorité absolue de son mandat. Le syndicat a d’ailleurs fait des propositions techniques pour éviter que le nouveau régime de la Responsabilité Financière des Gestionnaires Publics (RFGP) ne soit construite uniquement par la jurisprudence. Selon Hélène Guillet, les « flous de responsabilité » créent des « zones grises » où « n'importe qui peut mordre sur la ligne qu'on a fixée ».

L’intelligence artificielle est un autre enjeu majeur, abordé à nouveau – le thème de l’édition 2024 avait été consacré à l’IA et au management - durant cette édition de Territorialis dans le cadre d’un atelier. Le SNDGCT a présenté les premiers résultats de son enquête sur l’intelligence artificielle dans les collectivités territoriales, soulignant la nécessité urgente pour les dirigeants de « prendre en main cette question » et d’établir une gouvernance claire, pour notamment faire face au phénomène d’usage clandestin de l’IA par les agents, plus connus sous le terme anglo-saxon de « Shadow IA ». Le SNDGCT a tiré la sonnette d’alarme : près de 40 % des agents utiliseraient l’intelligence artificielle en dehors de tout cadre officiel. Présentée lors des assises Territorialis, son enquête révèle des risques majeurs pour la sécurité des données publiques. Réalisée auprès d’une cinquantaine de collectivités, l’étude met en lumière plusieurs enjeux : nécessité d’évaluer l’IA uniquement par son utilité concrète, importance de mutualiser les expérimentations, et urgence de mettre en place une gouvernance pilotée par les directions générales. Pour le SNDGCT, il s’agit désormais d’équiper les dirigeants afin qu’ils transforment ce défi technologique en atout, alors que l’IA s’imposera inévitablement dans les prochains mandats locaux.

Territorialis 2025

« Pour transformer le management, il faut travailler sur trois grands piliers : le structurel (processus, modes opératoires), l'organique (les liens, c'est-à-dire la coordination des intelligences ou coopération et l’être (le vécu et l'histoire de chaque personne) », selon Ibrahima Fall.

Enfin, retrouver du souffle passera nécessairement par un changement dans la manière de manager. Lors de son intervention lors de la seconde plénière, vendredi 26 septembre, Ibrahima Fall, fondateur d’Hommes & Décisions, a livré un diagnostic sévère sur l'état du management en France, interpellant les dirigeants territoriaux sur la nécessité de changer de paradigme pour retrouver le « souffle ». La culture française se caractérise encore trop souvent par une forte verticalité, moins de responsabilisation et un manque de confiance. Selon lui, les problèmes de management ne sont pas liés aux personnes, mais aux systèmes, et ne se « résolvent pas » comme des problèmes techniques, mais se « dépassent ». Il a insisté sur le fait que le succès managérial n'est pas une question de charisme. Manager consiste à mettre en place un « environnement capacitant » où les gens se reconnaissent dans ce qu'ils font et peuvent délibérer sur le travail. « Pour transformer le management, il faut travailler sur trois grands piliers : le structurel (processus, modes opératoires), l'organique (les liens, c'est-à-dire la coordination des intelligences ou coopération et l’être (le vécu et l'histoire de chaque personne) », selon Ibrahima Fall. Les mauvais managers, a-t-il observé, n'assument jamais leur vulnérabilité, tentent de tout contrôler et pensent qu'ils savent tout mieux que tout le monde. Il a conclu par un appel à la délibération collective sur le travail, proposant de passer des "PPT" (PowerPoint) aux « PPT » (Paroles Partagées sur le Travail) afin de créer des espaces où l'intelligence pratique des uns et des autres peut être pensée ensemble.

Regagner de la hauteur de vue

Au-delà des solutions techniques et managériales, le congrès a été un appel à la posture et à la lucidité en prévision des municipales de 2026. Philippe Laurent, maire de Sceaux et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, a exprimé son inquiétude quant au manque de « souffle » au niveau national, déplorant la disparition d'une certaine « bienveillance ». Il a insisté sur le fait que la vraie question pour l’action publique est celle de la responsabilité du dirigeant territorial et de l'avenir du modèle social. Hélène Guillet a appelé à la coopération et à la coresponsabilité. Elle a exhorté les dirigeants à ne pas se laisser paralyser par la prise de conscience des difficultés globales. Le rôle des directions générales est de « ne pas subir et adopter une posture de grand sportif » face à la fin de mandat. Il est crucial de se concentrer sur son propre « pouvoir d’agir dans sa sphère d’influence ». L'idée est de « reprendre la main, de reprendre courage et surtout de reprendre de la hauteur de vue ».

Une journée de conférences-ateliers dédiée aux SGM

Deux ateliers « Les clefs du métier de SGM aujourd’hui » et « À l’aube d’une nouvelle mandature, le, la SGM aux côtés des élus et des agents » ont fait salle comble durant les Assises Territorialis. 

Au cœur des communes, le secrétaire général de mairie (SGM) est un pilier, jonglant avec une polyvalence et une adaptabilité sans cesse mises à l’épreuve. Alors que le paysage administratif territorial connaît des évolutions rapides, la fonction de SGM est plus que jamais au centre des préoccupations. Pour Laurence Meslier, directrice adjointe en charge de la formation pour la délégation Pays de la Loire du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), l’enjeu de la professionnalisation des SGM est « tout à fait » essentiel. Accompagner les SGM dans leur développement professionnel constitue une mission fondamentale du CNFPT. Cette nécessité est d’autant plus marquée que le cadre réglementaire a récemment évolué. La réforme a créé de nouvelles voies d'accès au métier. Il est désormais possible d'accéder à la fonction de SGM après avoir réalisé une formation dite de promotion, d'une durée d'une cinquantaine de jours. L’atelier « Les clés du métier de SGM aujourd'hui » a permis d'aborder les évolutions actuelles en termes de carrière, de formation, de développement des compétences, et d'examiner les possibilités d'évolution de carrière. Au-delà des aspects statutaires, le deuxième atelier « À l’aube d’une nouvelle mandature, le, la SGM aux côtés des élus et des agents » a été axé sur la manière de préparer la nouvelle mandature. Dans l'optique des prochaines échéances électorales, le SGM doit se positionner pour accompagner le nouvel exécutif. L'enjeu est de savoir comment le SGM se repositionne dans son rôle de chef d'orchestre. Cette préparation implique de renforcer la collaboration essentielle entre le Maire et le SGM.

Des ressources utiles pour les SGM

Pour soutenir cette fonction exigeante, le CNFPT mise sur le développement du réseau et le partage de ressources. Le maintien du travail en réseau entre les SGM est jugé indispensable. Le CNFPT soutient activement ce réseau au niveau national grâce à une e-communauté Secrétaire général de mairie très active et qui compte près de 14 000 personnes. Pour animer cette communauté et fournir de l'actualité, le CNFPT édite une revue spécialisée trimestrielle, intitulée Secrétaire Général de Mairie le mag, disponible en ligne. En complément des outils numériques, des journées d’actualité en présentiel, organisées par les délégations du CNFPT à l’échelle régionale, permettent aux SGM d’étendre leur réseau et de s'enrichir mutuellement des expériences des autres.

 

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