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ActualitésSolenne Lepingle : «Les difficultés de recrutement dans la territoriale sont structurelles»
Pour accompagner les employeurs publics de la fonction publique territoriale en petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) dans leurs recrutements, le Centre interdépartemental de gestion de la Petite Couronne (CIG Petite Couronne) organise un 1er salon de l'emploi et l’attractivité le 27 novembre 2025 : Cap Service Public.
Solenne Lepingle, directrice de l’emploi territorial du CIG Petite Couronne, revient sur les enjeux et les difficultés de recrutement dans la territoriale, et nous détaille la genèse et les objectifs de ce nouvel événement destiné à revaloriser les métiers territoriaux et à répondre aux difficultés de recrutement en petite couronne.
Horizons publics a consacré un numéro intitulé « À la recherche de l’attractivité perdue dans les collectivités » en 2024. Que vous inspire ce titre, est-ce toujours d'actualité et quel diagnostic dressez-vous des enjeux d'attractivité dans la petite couronne parisienne ?
Nous observons depuis plusieurs années les besoins croissants et les difficultés de recrutement des collectivités territoriales de la petite couronne, difficultés que nous objectivons à travers les statistiques de notre site emploi-territorial.fr et nos études biennales. Notre territoire est très dense, et bien que le potentiel d'emploi soit important, nous faisons face à des difficultés de recrutement parfois accrues.
Ces difficultés sont structurelles, exacerbées par des facteurs locaux comme le coût du logement qui est un vrai critère de difficulté, notamment pour des métiers aux horaires décalés. Il y a d’abord un changement dans le rapport au travail des candidat.e.s qui privilégient la conciliation des temps de vie personnelle et professionnelle, et bien sûr la rémunération.
Ce qui a un impact sur un changement de culture chez les recruteurs. Auparavant habitués à un vivier local suffisant, les employeurs publics doivent désormais proposer des arguments pour convaincre, séduire et se différencier. Ce changement de culture est une tendance de fond. De plus, l'idée pré-conçue que l'on a du fonctionnaire s'étend à la territoriale, alors que la majorité de nos postes sont des métiers de terrain, et non administratifs.
Vous organisez pour la première fois un Salon Cap Service Public à Pantin, dans les locaux du CIG Petite Couronne. Quel est l’objectif de ce Salon ?
Le salon Cap Service Public a une double vocation. D'un côté, il s'agit de promouvoir la diversité des métiers et les possibilités d’emploi et de mobilité dans la fonction publique territoriale en petite couronne. De l'autre, il a pour but d'apporter un appui aux recruteurs en leur offrant un espace de rencontre avec des candidats potentiels.
Pour sa première édition, le salon vise à faciliter les rencontres entre les collectivités et les candidats, tout en cherchant à changer le regard sur les métiers territoriaux pour les rendre plus visibles et attractifs.
Le public visé est très large : étudiants, lauréats de concours, apprentis, demandeurs d’emploi, agents publics en mobilité, et professionnels du secteur privé en reconversion. L'entrée du salon sera d'ailleurs libre et sans inscription. Les visiteurs pourront bénéficier d'un panorama large et détaillé des opportunités professionnelles. Nous regrouperons plus de 60 stands de collectivités et de partenaires, totalisant plus de 1 800 offres concrètes de recrutement sur les trois départements. Nous proposons également des conférences thématiques, des témoignages d'agents, et des séances de coaching gratuites pour améliorer les outils de candidature (CV, lettre de motivation). Un stand photo sera même installé pour fournir aux visiteurs un portrait de qualité pour leur CV. Nos partenaires, tels que France Travail, le CNFPT, Cap Emploi ou La Cordée, animeront des stands pour renseigner tous les types de publics. Nous attendons entre 1 500 et 2 000 participants.
Comment le salon s'inscrit-il dans la stratégie globale du CIG Petite Couronne pour renforcer l’attractivité des métiers territoriaux ?
Le CIG est un interlocuteur de proximité et un appui ressources pour les directions des ressources humaines des collectivités. Face aux difficultés croissantes de recrutement, nous avons mis en œuvre un plan d’action prioritaire en faveur de l’attractivité depuis 2023. L'organisation du salon Cap Service Public en est l'aboutissement. Dans ce cadre, nous avons déjà mené des actions concrètes : organisation de forums de l’apprentissage, développement de formations ciblées avec France Travail sur les métiers en tension (RH, finances), et réalisation d'une campagne de communication vidéo originale avec des humoristes pour casser les idées reçues.
Quels sont les métiers où la tension est la plus forte actuellement ?
Comme l’a montré notre enquête 2024[1] (lire encadré), les difficultés sont particulièrement marquées dans les domaines de la petite enfance (auxiliaire de puériculture, éducateur de jeunes enfants), des services techniques et des ressources humaines (assistant de gestion). Viennent ensuite l’urbanisme et l’aménagement, l'animation territoriale (enfance-jeunesse) et les finances. Le salon mettra d’ailleurs en avant des professionnels de ces secteurs en tension pour répondre aux questions pratiques des candidats.
On observe une forte augmentation du recours aux contractuels. Comment cela se traduit-il en petite couronne ?
La tendance est exactement la même que dans le panorama national : nous avons un recrutement sur deux qui est un contractuel. La part de fonctionnaires sur un emploi permanent est en érosion. Cette tendance est due en partie à la loi de transformation de la fonction publique de 2019, mais elle est aussi révélatrice de nos difficultés d’attractivité, car nous n'arrivons plus à trouver de fonctionnaires sur certains profils.
Face à ces défis, et en lien avec votre travail sur les conditions de travail et la fidélisation, quel rôle voyez-vous pour l'intelligence artificielle dans les services RH?
L'IA est une thématique sur laquelle nous travaillons depuis deux ou trois ans. Nous l'appréhendons comme un outil d'aide. L'idée est de l'utiliser pour alléger les tâches de premier niveau et permettre aux gestionnaires de ressources humaines de se concentrer sur des tâches à plus haute qualité. Par exemple, la mairie de Montreuil utilise un chatbot pour répondre aux questions de premier niveau sur les procédures RH, ce qui permet d'alléger la charge des gestionnaires. Pour la fonction RH, il est essentiel de se l'approprier de manière responsable et éthique.
Emploi territorial : les métiers en tension dans la Petite Couronne
Le Centre interdépartemental de gestion (CIG) Petite Couronne a conduit, à l’été 2024, son « Enquête en Petite Couronne 2024 », auprès de 63 collectivités et établissements publics, soit près de 30 % des effectifs territoriaux du périmètre concerné. Ses résultats dressent un panorama contrasté : si le rythme de recrutement demeure soutenu et stable depuis la période post-Covid, les employeurs locaux se heurtent désormais à une érosion de l’attractivité de la fonction publique territoriale et à un rapport au travail en pleine mutation.
Trois domaines concentrent l’essentiel des difficultés de recrutement : la petite enfance (53 % des répondants), les services techniques (52 %) et les ressources humaines (39 %). Les auxiliaires de puériculture, éducateurs de jeunes enfants et policiers municipaux figurent en tête des métiers les plus en tension. À l’inverse, le numérique semble marquer une accalmie, les collectivités signalant une amélioration des recrutements dans ce secteur. Derrière ces tensions, deux causes principales reviennent avec insistance : la rémunération et la concurrence. Une concurrence d’abord interne entre employeurs territoriaux, mais aussi externe face au privé ou aux autres versants de la fonction publique. Les candidats se montrent plus sélectifs, recherchant un meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle, quitte à renoncer à des postes perçus comme contraignants. Autre évolution marquante : la montée du « ghosting », ces absences inexpliquées à l’entretien ou désistements de dernière minute, symbole d’un rapport plus décomplexé au marché du travail.
[1] Enquête « Pratiques et difficultés de recrutement » (janvier 2025) – CIG Petite Couronne
