Revue
CartoscopieTravail transfrontalier : la grande ruée vers l’étranger
Les projets d’évolution législative doivent désormais faire l’objet d’une analyse spécifique de leurs impacts transfrontaliers. Une obligation qui s’inscrit en particulier dans un contexte de très forte progression du nombre de personnes résidant en France et travaillant dans les pays limitrophes, en particulier en Suisse et au Luxembourg.
Une circulaire du Premier ministre publiée le 1er septembre 20251 impose désormais que l’évaluation préalable des projets de lois et de règlements comporte « une analyse spécifique aux espaces transfrontaliers ». L’objectif est d’anticiper les conséquences particulières que peut avoir, dans ces espaces, la mise en œuvre de nouvelles normes et, réciproquement, les impacts potentiels du contexte transfrontalier sur l’efficacité des politiques publiques nationales.
Parmi les sujets soumis à évaluation, ceux pouvant avoir un impact sur le travail transfrontalier seront probablement examinés avec grande attention. En 2022, d’après les chiffres de l’Insee, la France comptait près de 500 000 travailleurs résidant sur son sol et employés dans les pays voisins, ce qui en fait le pays d’Europe où ces flux sont les plus importants. En 2010, on en recensait environ 150 000 de moins : leur nombre a donc progressé de plus de 40 % en seulement douze ans.
Cette dynamique de croissance ne touche cependant pas de manière uniforme l’ensemble des frontières. Elle est particulièrement importante autour de la Suisse et du Luxembourg. À l’échelle départementale, la Haute-Savoie comptait, par exemple, en 2022, près de 100 000 travailleurs transfrontaliers, essentiellement employés en Suisse : c’est 60 % de plus qu’en 2010 et cela représente un quart des actifs du département. De même, en Moselle, l’emploi transfrontalier (au Luxembourg principalement et en Allemagne de manière plus marginale) concernait environ 90 000 personnes en 2022, soit un actif sur cinq dans le département, pour une progression de plus de 40 % en douze ans.
Le poids du travail transfrontalier et son évolution sont en revanche plus mesurés à proximité des autres pays limitrophes. Dans le département du Nord, par exemple, un peu moins de 35 000 travailleurs étaient employés en Belgique en 2022 (environ 3 % de l’emploi local et + 31 % par rapport à 2010). Des effectifs comparables étaient recensés dans les Alpes-Maritimes, à destination de Monaco et de l’Italie (soit 7 % des travailleurs du département et une progression de 33 % en douze ans). Dans le Haut-Rhin, ils étaient environ 25 000 à travailler en Allemagne la même année (5 % des actifs, + 10 % par rapport à 2010). À la frontière espagnole, enfin, les Pyrénées-Atlantiques comptaient moins de 3 000 travailleurs frontaliers en 2022, soit à peine 1 % de l’emploi local. Un chiffre en baisse d’environ – 25 % par rapport à 2010.
- Circ. no 6502/SG, 1er sept. 2025, relative à l’évaluation préalable des textes normatifs et à la maîtrise du flux réglementaire.