Revue

Cartoscopie

Du plaisir de déguster un verre en terrasse

Le 11 juillet 2021

Les bières artisanales ne cessent de gagner du terrain en France, une petite révolution dans la production de boisson alcoolisée en France.

Voilà une carte certes sérieuse mais dont on peut légitimement se demander ce qui motive sa réalisation. Avouons-le, après plusieurs mois de confinement et de fermeture des lieux de soif et de bouche, après un hiver qui n’en finit pas et vient mordre sur le printemps, après des mois de vie urbaine morne et de sociabilité au rabais, c’est avant tout le plaisir de boire une excellente bière au soleil, en terrasse et joyeuse compagnie, qui a servi de déclencheur. La carte sert donc ici, en quelque sorte, d’une icône qui vient susciter ou redoubler ce plaisir, à pratiquer forcément avec modération.

Donner ainsi place à la sensibilité dans un travail à vocation intellectuelle pourrait chagriner. Bien qu’omniprésente, c’est une dimension qui est tue. Que les chercheurs et manipulateurs de symboles prétendent œuvrer au seul service de l’objectivité scientifique et de la vérité sans prendre plaisir à leur sujet et travail relève évidemment du pieux mensonge ou de la malhonnêteté ! Produire de surcroît une carte qui n’assumerait pas sa part sensible, la force de séduction qui sert son message, une carte de la production de bière artisanale qui ne donne pas envie que l’on s’y intéresse avec un minimum d’envie, aurait me semble peu d’intérêt, et surtout moins d’efficacité.

Alors que nous dit cette carte ? Elle montre une petite révolution dans la production de boisson alcoolisée en France. Depuis quelques années, le pays du vin, dont les citoyens ont la plus petite consommation de bière d’Europe, voit se créer et se développer de nombreuses brasseries artisanales, revendiquant souvent un ancrage local, un souci de qualité, d’adhésion au bio. Alors que l’on décomptait plus de 3 500 brasseries en France au début du xxe siècle et plus qu’une trentaine en 1985, la barre des 2 000 serait aujourd’hui franchie.

Le phénomène n’est pas que français puisque les pays anglo-saxon et nordiques, traditionnellement grands consommateurs de bière connaissent aussi cette effervescence. Il y a manifestement un mouvement de fond, une filière et un marché qui se structurent, des goûts, une esthétique qui se forment. Il est vrai que ces productions n’ont pas de mal à se distinguer des ersatz industriels à la fermentation minute et au goût plus fade qui ont longtemps régné en maître dans l’Hexagone. Au point d’ailleurs que les mastodontes du secteur observent avec attention ce marché émergent qui sans encore les menacer les oblige à se repositionner.

Évidemment cette tendance s’accompagne d’une croissance de la consommation. On s’abritera derrière le paravent si souvent brandi lorsque l’on parle d’alcool en France du fait culturel, pour éviter, le temps d’un printemps de renaissance en tout cas, d’y voir le problème de santé publique que pourtant il constitue.

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