Réforme de la fonction publique : Les directeurs de CDG rentrent dans le débat

Le 25 avril 2024

Suppression des concours de catégorie C, formations initiales plus longues, accès facilité à la CDIsation et à la titularisation, revalorisation de toutes les grilles de rémunération et allongement de leur durée… L’Association nationale des directeurs des centres de gestion de la FPT vient de remettre ses propositions au gouvernement sur la réforme de la fonction publique. « Nous défendons le statut mais estimons qu’il doit être simplifié et modernisé », explique son président, Olivier Ducrocq.

 

La concertation sur le projet de loi de réforme de la fonction publique doit s’achever fin juin pour une présentation du texte cet automne. Elle passe par des échanges avec les organisations syndicales mais aussi les associations professionnelles. Parmi les premières à s’exprimer dans la FPT, l’Association nationale des directeurs généraux et DGA des centres de gestion (ANDCDG) a remis, début avril, au ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, 32 propositions précises et souvent audacieuses. Elles s’articulent autour de six grands principes : simplifier l’accès à la fonction publique, assouplir les règles statutaires, revaloriser les salaires, reconnaitre les mérites, fidéliser par un déroulement de carrière, protéger et prévenir.

Propositions pour une réforme du statut de la fonction publique - l’Association nationale des directeurs généraux et DGA des centres de gestion (ANDCDG)

« Une bonne convention collective »

Après plusieurs mois de travail, le document de près de 50 pages de l’ANDCDG détaille les changements législatifs et réglementaires qui seraient nécessaires. « La philosophie de notre contribution est la défense du statut mais sans conservatisme, estime Olivier Ducrocq, son président, qui est le DGS du centre de gestion du Rhône (CDG 69).

Le statut constitue une bonne convention collective, qui assure l’égal accès à la fonction publique et la protection des fonctionnaires contre le fait du prince, mais ayant besoin d’être modernisée, simplifiée et d’accompagner les évolutions de la société ». Une nécessité face à la baisse de l’attractivité de la FPT.

Pour l’entrée dans la fonction publique, l’ANCDG plaide pour alléger les procédures, valoriser les années d’apprentissage dans l’ancienneté et réduire pour les contractuels la
« CDIsation » à trois ans au lieu de six. Trois ans plus tard, ils auraient accès à un concours réservé pour intégrer le statut de fonctionnaire, s’ils sont demandeurs.

Renforcer les concours internes

Les directeurs de CDG affirment leur « attachement sans faille au recrutement par concours ». Olivier Ducrocq souligne que « les concours représentent juste 6 à 7% des recrutements. C’est très minoritaire mais cela représente l’exemplarité en termes de service public que nous défendons ». Face à l’afflux massif de contractuels dans la FPT (25% des effectifs et 50% des recrutements sur emplois permanents), il juge nécessaire de rééquilibrer la répartition des postes ouverts aux concours externes et internes pour renforcer ces derniers.

Au-delà, l’ANDCDG défend la suppression de l’ensemble des concours d’accès aux cadres d’emplois de la catégorie C aujourd’hui accessibles au recrutement direct (hors ATSEM, agent de maîtrise, opérateur des APS, policier municipal et garde champêtre). Une proposition à lier à celle imposant des formations initiales plus longues.

Des formations initiales plus longues

« Voulant favoriser le recrutement de contractuels, la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 a atteint son objectif », juge le DGS du CDG 69. Selon l’ANDCDG, l’ampleur de ce recrutement comme la professionnalisation à outrance des concours aboutissent à ce que de plus en plus d’agents, à tous les niveaux de responsabilité « n’ont plus aucun apport théorique sur l’environnement spécifique et le fonctionnement du service public ». « Ce n’est pas normal », pointe Olivier Ducrocq, qui suggère des formations initiales renforcées et plus longues pour tous les agents recrutés sur emplois permanents, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels. Concrètement, cela passerait a minima et en présentiel par une semaine de formation initiale en catégorie C, deux semaines en catégorie B, et trois semaines en catégorie A cumulatives, en cours de carrière et non fongibles.

Olivier Ducrocq, président de l’Association nationale des directeurs généraux et DGA des centres de gestion (ANDCDG).

Olivier Ducrocq, président de l’Association nationale des directeurs généraux et DGA des centres de gestion (ANDCDG).

Faciliter la titularisation des contractuels

« Le recrutement contractuel est une bonne nouvelle à court terme pour l’employeur et l’employé, mais une mauvaise nouvelle à long terme car ils n’ont pas de carrière et coûtent souvent plus cher que les fonctionnaires », expliquent le président de l’ANDCDG.

D’où l’idée de pouvoir proposer aux contractuels un CDI au bout de trois ans sur un emploi permanent au lieu de six. Et pour faciliter la titularisation des agents en CDI ayant une ancienneté de six ans (trois ans en CDD + trois ans en CDI), ils pourraient bénéficier d’un concours réservé (4ème voie).

« En résumé, il faut faciliter le recrutement contractuel mais aussi l’entrée dans le statut des agents qui veulent rester dans la fonction publique et y faire carrière », argumente-t-il. Et d’estimer, qu’en parallèle, « le contrat constitue un bon support pour les jeunes qui veulent juste rester un temps puis partir dans le privé ».

« Pouvoir vivre de son travail »

« Même si c’est très important de faire des marques employeurs et d’améliorer la qualité de vie au travail ou le management, il faut avant tout faire en sorte que les gens puissent vivre de leur travail », lance Olivier Ducrocq. Selon lui, la rémunération constitue donc « la mère des réformes » qui devrait passer par la revalorisation de l’ensemble des grilles de rémunération et leur allongement pour tenir compte du recul des départs à la retraite. « La rémunération indiciaire doit être simplifiée en intégrant dans les revalorisations un fatras complexe d’indemnités dites de compensation », ajoute l’ANDCDG.

« La très faible augmentation du revenu tout au long de la carrière n’est pas correcte », fustige le DGS. Dans son centre de gestion, cela se traduit notamment par le départ de certains agents qui ne peuvent plus se loger.

De plus, l'association demande que le pourcentage des primes prises en compte dans le calcul de la retraite des fonctionnaires soit nettement revalorisé.

Sur ce sujet des rémunérations, le président de l’ANDCDG reconnaît que les avancées vont être difficiles « car cela concernerait forcément cinq millions de fonctionnaires mais dans notre rôle d’expert RH, nous sommes obligés d’en parler et d’insister sur l’urgence de la situation ».

Rémunération au mérite

Dans ce contexte, il prône également un assouplissement des conditions de cumul d’emplois, même s’il admet que c’est une solution à défaut en attendant mieux. Toujours par pragmatisme sachant « les difficultés financières des agents à vivre de leur unique activité ». « Certains sont scandalisés par ce type de proposition mais c’est un principe de réalité en direction des petits salaires si les grilles n’augmentent pas », se justifie-t-il.

Pour mieux récompenser le mérite, comme le demande régulièrement le gouvernement, il ne s’agit pas d’inventer une usine à gaz, prévient le DGS du CDG 69, mais de « favoriser la souplesse et la simplification en redonnant aux collectivités des marges de manœuvre sur leurs politiques indemnitaires ». Sa solution ? Créer des bonifications d’avancement d’échelons pour un certain quota d’effectifs. Il propose un RIFSEEP plus souple où chaque employeur détermine sa politique indemnitaire entre parts fonction, mérites collectifs et/ou individuels. La seule limite serait que l’addition de ces deux dernières parts ne dépasse pas la moitié du montant total de la prime attribuée. « Je pense que les collectivités recevraient ce dispositif très positivement car cela resterait simple tout en permettant d’avoir une vraie politique RH », estime Olivier Ducrocq en espérant « que cette proposition puisse inspirer le gouvernement ».

Prioriser la prévention

Autre urgence : la santé. « Avant même de penser à l’améliorer, il s’agit désormais de sauver la médecine préventive en grand péril », s’alarme l’ANDCDG. Pour favoriser le recrutement de médecins du travail, elle propose notamment de réduire la durée du diplôme universitaire de médecine et santé au travail ou de faciliter la reconversion des médecins généralistes.

Elle insiste aussi sur le besoin de renforcer drastiquement la prévention en donnant un rôle plus fort aux agents chargés des fonctions d’inspection (ACFI) ou en sanctionnant les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations. Il s’agirait de mieux prévenir l’usure professionnelle, dans l’attente d’un futur fonds national, espéré dans le projet de loi de réforme de la fonction publique.

« L’état de la prévention dans les collectivités est honteux, s’emporte Olivier Ducrocq. 50% des collectivités ne réalisent pas le document unique d'évaluation des risques professionnels, pourtant obligatoire depuis 25 ans. Les élus ne sont pas assez sensibilisés à l’importance de la prévention des agents et formés à leurs responsabilités d’employeur ».

Faux débat sur l’absentéisme

Face au coût très élevé de l’absentéisme, le président de l’ANDCDG martèle l'importance de la prévention, de l’accompagnement en reclassement mais aussi des contrôles des arrêts de travail. « Quand j’entends récemment le ministre Bruno Le Maire critiquer l’absentéisme des fonctionnaires, il compare des choux et des carottes, s’agace-t-il. Au-delà de 50 ans, dans le privé, on licencie à tour de bras alors que dans le public on garde les agents jusqu’à la fin ». Même agacement sur la comparaison de d’absentéisme entre fonctionnaires et contractuels : « c’est de la mauvaise foi car ces derniers sont âgés de 30-35 ans alors que les fonctionnaires ont en moyenne 55 ans ». Et d’appeler à « cesser les généralités contre les fonctionnaires » en citant le propos récent d’un élu : « la santé de nos agents est ce que nous, employeurs, en faisons ».

Revaloriser la filière police municipale

« Au regard des évolutions de la société, le besoin de recrutements de policiers municipaux a explosé ces dernières années et sera un phénomène durable », constate l’ANDCDG. Et d’ajouter : « Le classement des agents dans cette filière ne correspond plus à leurs responsabilités de terrain et n’est pas cohérent vis-à-vis de la fonction publique d’État, ce qui rend difficile des détachements et mobilités entre agents de l’État et agents municipaux ». Elle plaide ainsi pour refondre et revaloriser cette filière : un cadre d’emplois de catégorie C à deux grades pour les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), dotant ainsi ce métier d’un véritable statut ; un cadre d’emplois de catégorie B pour les brigadiers (option urbaine) ou les gardes champêtres (option rurale) ; et des cadres d’emplois de catégorie A pour les chefs de service de police et les directeurs.

« Ces propositions, un peu disruptives, ne plairont pas à tout le monde, admet Olivier Ducrocq, mais elles nous semblent vraiment nécessaires pour améliorer l’attractivité de ce métier en très forte tension, notamment en favorisant les détachements de policiers nationaux vers les polices municipales ».

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