Revue

Dossier

Air liquide relève le défi !

Le 18 août 2020

La démarche CitizenCampus s’inscrit dans l’approche du groupe Air liquide à la fois ouverte et collaborative, encourageant les échanges avec ses écosystèmes. Partenaire de l'expérimentation CitizenCampus, Air Liquide advanced Technologies  entend s'ouvrir à travers ce partenariat sur son propre écosystème local.

La première rencontre avec Isabelle Forge-Allegret s’est faite lors de la signature de la convention de partenaire fondateur entre Air Liquide advanced Technologies et la Fondation Université Grenoble Alpes, en 2018. A cette occasion Isabelle Forge-Allegret me parle de son projet CitizenCampus, qui a pour ambition de permettre à quelques dizaines d’étudiants de débattre des enjeux des sciences et des technologies dans notre société, avec des intervenants différents de ceux de leur parcours académique classique, par exemple des dirigeants ou représentants du monde de l’entreprise. 

L’ambition est d’éveiller ces étudiants à la complexité de ces enjeux, en s’inspirant de la démarche scientifique, en promouvant le questionnement et la curiosité, et donc de faire de ces étudiants de réels acteurs du changement, des esprits éclairés, ouverts, curieux, et immergés dès leur formation initiale dans la complexité des grands défis scientifiques de notre société. 

Elle s’inscrit tout à fait dans l’approche du groupe Air liquide, à la fois ouverte et collaborative, encourageant les échanges avec ses écosystèmes. Elle s’inscrit plus spécifiquement dans la volonté d’ouvrir Air Liquide advanced Technologies sur son propre éco-système local. D’emblée, l’initiative (alors expérimentale) nous a séduits.

La collaboration entre Air Liquide et l’Université Grenoble Alpes a son origine dans notre participation à la Fondation UGA. Cette implication locale pourrait, à première vue, paraître surprenante pour une entreprise internationale comme Air Liquide, l’un des leaders mondiaux des gaz et services pour l’industrie et la santé, dont le siège est à Paris et qui est présent dans 80 pays. 

Notre implantation historique dans le bassin grenoblois est moins connue : notre filiale Air Liquide advanced Technologies, dont le site principal et historique est à Sassenage, est en effet notre plus grand site dans le monde, avec plus de 1000 personnes. Depuis presque 60 ans, on y conçoit et fabrique des équipements de haute technologie qui servent les marchés du spatial, de la cryogénie extrême pour des applications scientifiques ou industrielles, de l'aéronautique, et plus récemment ceux de la transition énergétique (biogaz, hydrogène énergie). Apparue au début des années 60, cette activité du groupe 

Air Liquide s’est installée à Grenoble, à proximité de laboratoires réputés dans le domaine de la cryogénie extrême, avec l’objectif, déjà, de collaborations croisées avec le monde académique. D’autres entités du groupe Air Liquide se sont ensuite installées à Echirolles, Jarrie, Voreppe et Crolles et servent d’autres marchés. Air Liquide est donc historiquement et résolument ancré dans la région grenobloise et son écosystème.

C’est donc naturellement que nous sommes devenus partenaire fondateur de la Fondation Université Grenoble Alpes dont le rôle est de fédérer les entreprises, les enseignants-chercheurs et les étudiants autour des initiatives stratégiques de son université et d’accompagner les projets exceptionnels de ses étudiants. Avec la Fondation UGA, aux côtés d’autres industriels engagés, Air Liquide soutient en particulier le Centre Spatial Universitaire de Grenoble à travers différentes formes de mécénats, y compris de compétences.

Cette démarche s’inscrit également dans notre rôle d’entreprise responsable. En effet, dans son programme stratégique, le groupe Air Liquide a identifié 2 grands axes en lien avec le développement durable : prévenir le réchauffement climatique et améliorer la qualité de l’air, en contribuant à la transition vers une économie décarbonée d’une part, et approfondir le dialogue avec ses parties prenantes d’autre part (collaborateurs du Groupe, clients et patients, actionnaires et investisseurs, fournisseurs, communautés locales et sphère publique), afin de mieux comprendre l’évolution des usages, et renforcer ses actions et notamment celles en faveur de l’environnement et / ou du développement local.

La première promotion de CitizenCampus fut accueillie sur notre site de Sassenage début 2019 pour une journée lors d’une session sur le thème « Engagement et Expertise ». Plus spécifiquement, le débat a porté sur la question « du rôle que doit jouer l'entreprise dans le changement climatique ». Ce fut l’occasion d’échanger sur de nombreux points tels que l’engagement sociétal des entreprises, l’engagement des salariés en général, ou des experts techniques en particulier.

Les questions des étudiants étaient pertinentes, parfois naïves, souvent incisives, témoignant de leur volonté de connaître les rouages de l’entreprise en profondeur, sous un autre angle, challengeant les messages  policés (ou corporate) pour comprendre le rôle que l’on souhaite donner à l’entreprise pour les années à venir. 

Découvrir que l’entreprise peut s’engager dans des développements technologiques, parfois très longs, en acceptant d’investir des sommes importantes et de maintenir une activité peu rentable pendant plusieurs années, en actant que cela s’inscrit dans la transition vers une économie décarbonée, et faisant le pari que cela sera bénéfique et rentable dans la durée, en aura étonné quelques-uns. L’équilibre entre temps court et temps long est primordial : se projeter avec ambition sans jamais négliger le court terme, dans un monde devenu complexe du fait des nombreuses transitions en cours est un enjeu fondamental.

Les étudiants ont habituellement l’occasion de découvrir le monde du travail lors de stages. Dans le cadre de l’initiative CitizenCampus, la découverte se fait différemment. Le mode du débat permet de confronter les avis de chacun, et d’appréhender différemment les approches et les attentes respectives. Les avis des étudiants sont parfois tranchés, reflétant des opinions construites à l’extérieur de l’entreprise ou simplement un manque d’expérience très compréhensible (et validant l’intérêt de la démarche CitizenCampus). Par leurs questions, les étudiants nous amènent aussi à nous interroger sur nos propres décisions, et nous poussent dans nos retranchements. Donner du sens doit être un objectif quotidien de même que s’assurer de la cohérence entre nos actions, nos stratégies et nos discours.

L'expérience a été enrichissante et bénéfique et nous a convaincus de recevoir à nouveau cette année la 2ème promotion de Citizen Campus pour la 6ème session autour du thème ‘’Délibérer et Décider’’. 

Le Covid-19 nous a obligé à repenser le format. Malgré la situation sanitaire et la fermeture de l’université aux étudiants, nous avons tenu à organiser, en coordination avec le comité de programmation de CitizenCampus, une session en visioconférence sur le thème du rôle de l'hydrogène dans la transition énergétique : comment se construit une filière énergétique ? Qui décide ? Qui influence ? Quel rôle jouent les industriels, les pouvoirs publics, les citoyens ? Autant de questions que les étudiants nous posent et apprennent à se poser à eux-mêmes. Ils découvrent d’abord la complexité et la richesse des technologies, comprennent que les connaissances techniques “de base” sont indispensables. Ils perçoivent ensuite la force de l'intelligence collective, l’enrichissement mutuel entre pairs. Ils apprennent le respect nécessaire de l’autre pour permettre l’écoute, l’échange et un débat constructif. Nul doute que les premiers à recueillir les fruits de Citizen Campus sont les étudiants, mais l’enrichissement est réciproque. 

Un premier se situe tout simplement dans le miroir que ces jeunes étudiants nous renvoient sur nous-mêmes. Tout d’abord de l’admiration pour la richesse de nos activités et l’utilité de nos technologies pour la collectivité : voilà un regard rafraîchissant pour nous qui avons trop souvent le ‘’nez dans le guidon’’. Ensuite un questionnement constant sur l’avenir, et plus particulièrement une préoccupation du développement durable qui est littéralement ancrée dans leurs gènes. En voici pour illustration une anecdote lors de la visioconférence sur la place de l'hydrogène dans la transition énergétique : l’un des étudiants a posé la question de savoir si la production d'hydrogène décarboné via l'électrolyse de l'eau, réalisée à partir d'électricité issue des énergies renouvelables, peut potentiellement induire un stress sur les ressources hydriques du pays. Autrement dit, allait-on avoir assez d’eau pour produire tout cet hydrogène vert ? Au-delà de la réponse technique (l’eau n’est pas perdue puisqu’elle sera régénérée dans la pile à combustible), c’est l'état d’esprit qui importe.

Ce qu’ils nous disent en substance c’est : ‘’dans tout ce que vous concevez, est ce que vous vous posez systématiquement la question de l’impact environnemental et de l'économie circulaire ?’’ Ces jeunes, leaders de demain, nous bousculent. Tant mieux ! Nous en faisons déjà l'expérience avec les jeunes collaborateurs que nous embauchons régulièrement. Ils nous poussent à nous remettre en question et faire évoluer nos pratiques.

Un deuxième apport réside dans la formation d’une nouvelle génération. Aujourd’hui, les entreprises recrutent les jeunes diplômé(e)s pour leur formation académique évidemment, mais aussi pour leurs aptitudes humaines : le savoir-être et le potentiel d’évolution et d'adaptation sont devenus au moins aussi important que le savoir-faire. Au-delà des valeurs fondamentales en lien avec la sécurité et l’éthique, savoir intégrer et valoriser des personnes aux profils variés et des points de vue différents, savoir créer une collaboration efficace et apporter de la valeur en comprenant les évolutions de la société et en prenant en compte les besoins des clients et des collaborateurs, donner du sens et créer un environnement positif... pour proposer des solutions et prendre des décisions responsables sont des qualités éminemment recherchées.

Le projet CitizenCampus, par son principe même de rassembler des étudiants de tous horizons et formations, de les mettre en situation de décider sans tout connaître, de les amener à mettre en pratique une démarche de questionnement positive, en cultivant un état d’esprit curieux, contribue précisément à construire d’éventuels futurs collaborateurs engagés, et ultimement des citoyens responsables. 

Avec CitizenCampus, l'université ajoute une vision transversale aux apprentissages par filière : mieux appréhender la complexité des enjeux sociétaux, comprendre les transitions en cours qui provoquent la mutation rapide de nos quotidiens et in fine s’orienter vers des décisions raisonnées, motivées et construites en mettant en pratique l’intelligence collective...La volonté de s’inspirer de la même démarche que l’institut des Hautes Etudes pour la Science et la Technologie nous a également intéressés. L’université joue un rôle fondamental dans le développement du savoir-faire et du savoir-être des étudiants, en faisant fructifier leurs talents pour qu’ils deviennent les futurs décideurs responsables dont auront besoin les entreprises de demain et la société en général.

Par ailleurs, à une époque où les opinions se forgent parfois sur internet, en côtoyant souvent des personnes qui pensent comme soi, au sein de communautés homogènes, où le vrai débat devient plus difficile, l'initiative CitizenCampus prend toute sa valeur en permettant aux étudiants de se confronter à d’autres avis, et d’en débattre. 

Nous sommes très heureux et fiers qu’Air Liquide puisse contribuer à relever ce défi aux côtés de l’UGA.

×

A lire aussi