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Vers un CitizenCampus 3 pour relever de nouveaux défis !

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©Crédits des photos : UGA
Le 18 août 2020

Sortir des silos, désorienter son point de vue pour l’élargir, ébranler ses certitudes pour être capable de les mettre à distance, prendre le recul suffisant pour se préparer à jouer au mieux son rôle dans la société, etc. Autant d’enjeux sous-jacents à CitizenCampus, ce campus nouvelle génération, dont la crise du covid-19 n’a fait que renforcer l’utilité.

Lorsqu’Isabelle Forge-Allégret, directrice de la recherche et de l’innovation de la toute nouvelle université fusionnée, l’UGA, dont j’ai eu l’honneur et le plaisir d’être la première présidente, est venue m’exposer en octobre 2017 dans mon bureau le projet de ce qui allait devenir CitizenCampus, j’ai tout de suite été enthousiaste. Je connaissais déjà et appréciais les programmes, objectifs et méthode des cycles de formation de l’IHEST, dont j’aurais aimé profiter moi-même, si la direction de l’université m’en avait laissé le loisir. Isabelle les connaissait aussi, et même bien mieux que moi, puisqu’elle avait suivi cette formation elle-même. L’idée qui lui était venue d’instaurer un programme inspiré par celui de l’IHEST pour les étudiant·e·s me sembla aussitôt extrêmement fructueuse, voire lumineuse.

Mêler des étudiant·e·s de tous niveaux (hormis le L1, année d’adaptation à l’université), de toutes formations, de toutes origines, mus par un même appétit de découverte et d’expérimentation, par une même ouverture aux problématiques socio-politiques du monde qui les entourait, et leur permettre de rencontrer des personnalités du monde professionnel, scientifique, politique, sur une thématique donnée, pour confronter les positions, les approches, et les amener à réfléchir activement sur ces confrontations et à produire leurs propres analyses ; les amener à comprendre la place nécessaire du doute, de l’incertitude, de la recherche de la vérité, du débat, de la controverse, mais aussi de la recherche du consensus dans les processus de décision ; cette formation, inclassable, et qui ne pouvait rentrer dans aucun cursus, mais pouvait tous les accompagner, s’attaquait de front à un défi que rencontrent tous les formateurs universitaires, bien sûr, former l’esprit critique, et non seulement les compétences professionnelles, préparer au métier, bien sûr, mais aussi à la vie, à la vie en société, à la vie dans une société démocratique, où l’implication intelligente des citoyens est le principal garant de la pérennité du système.

C’est un enjeu essentiel de l’université que de préparer les étudiant·e·s à devenir des citoyen·ne·s impliqué·e·s et avisés autant que de futurs professionnels compétents et capables d’adaptation aux évolutions des métiers. Tous les enseignements universitaires sont porteurs de cette ambition, mais la nécessité de former également à des compétences spécialisées, de transmettre des connaissances dans un secteur donné, fait que cette partie-là de la formation n’est pas toujours centrale dans l’enseignement, est inégalement assurée, et ne peut l’être en tout état de cause que fragmentairement. Il y avait donc une forte valeur ajoutée à ce projet, qui répondait aux missions pérennes de l’UGA comme à un fort besoin actuel, car nous vivons dans une période où l’usage intense des réseaux sociaux a comme horizontalisé l’afflux d’informations, et rend de plus en plus nécessaire la capacité à discerner, discriminer, exercer son jugement critique sur de nombreux sujets de société ; une société où l’apport de la science, dans ses certitudes mais aussi dans ses incertitudes, et avant tout dans sa méthode, doit pouvoir être compris et intégré à la bonne place dans l’exercice du jugement et de la décision. Ce projet rentrait également tout à fait dans l’objectif de notre jeune et vieille université à la fois de faire de l’université un lieu pleinement intégré à la vie sociale et citoyenne, mais en même temps un lieu où l’on peut prendre le recul suffisant pour se préparer à jouer au mieux son rôle dans la société.

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©Crédits des photos : UGA

C’était en même temps un pari : trouver des étudiant·e·s intéressé·e·s, suffisamment concerné·e·s pour accepter de consacrer du temps (beaucoup de temps) supplémentaire à cette expérience, sans véritable influence sur l’obtention de leur diplôme, « gratuitement » en quelque sorte, faire circuler l’information dans toutes les composantes de formation de l’UGA, la faire accepter en sus de leurs formations aux responsables pédagogiques, trouver les intervenants, variés et compétents, organiser l’ensemble des manifestations, penser les différentes phases de la formation, former une équipe investie pour porter le projet, et construire avec chaque groupe d’étudiant·e·s la dynamique d’ensemble, oui, le pari était hardi. Et il a été tenu, au-delà même de ce que l’on pouvait espérer ; le succès croissant de cette formation, et la satisfaction renouvelée de tou·te·s ceux et celles qui l’ont suivie ou l’ont nourrie de leur temps, de leurs compétences, de leur intérêt en font foi. Elle s’est faite sous le signe de la curiosité et de la découverte : découverte des étudiant·e·s entre eux·elles, découverte mutuelle entre les intervenants et eux, mutuellement enrichissantes, comme ils ont tous pu en témoigner, découverte de pans entiers de savoir et d’expérience que leurs études, nécessairement spécialisées, à ce niveau, n’auraient pu les amener à connaître. Sortir des silos, désorienter son point de vue pour l’élargir, ébranler ses certitudes pour être capable de les mettre à distance, tout cela et bien d’autres choses encore ont été apportées par cette formation.

Pari tenu donc, et bien tenu, essai transformé, et cela grâce à nos étudiant·e·s, bien sûr, qu’ils soient ici tous remerciés de ce qu’ils ont apporté de fraîcheur, d’enthousiasme, de curiosité, d’écoute et d’inventivité dans cette belle expérience. Mais aussi beaucoup grâce à l’énergie et à l’obstination d’Isabelle, et de toutes celles et ceux qui l’ont fidèlement épaulée dans cette belle aventure, sans qui elle n’aurait pu voir le jour. Je suis fière que notre université, qui s’est mise sous le signe de l’innovation, toute l’innovation, sociale comme technologique, dans une agglomération elle-même sous le signe de l’innovation, dans un écosystème favorable aux interrelations et qui recèle tant de talents et de potentialités, ait abrité cette belle expérimentation.

Reste maintenant à la développer, à Grenoble, et ailleurs, car elle peut bénéficier à bien d’autres universités, à permettre à encore plus d’étudiant·e·s d’en bénéficier, mais aussi à réfléchir à la manière dont les enseignements qu’on en peut tirer pourraient irriguer plus largement nos formations, renouveler nos pédagogies, inspirer nos pratiques de médiation culturelle et scientifique, car dans son format actuel, elle ne peut concerner malgré tout que quelques dizaines d’étudiant·e·s à chaque fois. Ce seront certainement les nouveaux défis de CitizenCampus saison 3, dont j’attends avec impatience l’ouverture…

Sortir des silos, désorienter son point de vue pour l’élargir, ébranler ses certitudes pour être capable de les mettre à distance, tout cela et bien d’autres choses encore ont été apportées par cette formation.

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