Environnement : les pompiers de l’Indre ont de la tenue

Le 11 octobre 2019

Le service d’incendie et de secours de l’Indre (36) (SDIS 36) a mis en place un dispositif innovant de recyclage des tenues de sapeurs-pompiers en panneaux isolants ultra-performants. Un système d’économie circulaire adopté par une trentaine d’autres SDIS qui repose sur une méthode clairement définie et tout aussi innovante.

Que deviennent les tenues de protection des pompiers une fois utilisées ? Collectées comme déchets, elles finissent en général par être enterrées, leur destruction par le feu étant quasi impossible, et pour cause. C’est pour lutter contre cette logique de gâchis, pour préserver l’environnement, que le SDIS de l’Indre a mis en place un dispositif opérationnel très original et innovant, à l’issue duquel ces tenues dites « F1 » sont recyclées et transformées en… panneaux isolants contre le feu, lesquels sont déployés dans plusieurs bâtiments de ses casernes : à Déols, Eguzon et dans une partie de l’état-major à Montierchaume. Un projet né en 2018, à l’origine duquel se trouve Paul Malassigné, commandant au SDIS 36. Depuis, une trentaine d’autres SDIS se sont inscrits dans ce mouvement aux enjeux considérables. On estime en effet que chaque année, à l’échelle nationale des SDIS, environ 350 tonnes de ces vêtements – soit 100 camions en termes de volume – sont destinées à être ainsi enterrés…

Paul Malassigné, commandant au SDIS 36.
Paul Malassigné, commandant au SDIS 36

La performance et la durabilité

Quant à l’isolant issu de ce recyclage, constitué d’aramide viscose, il est d’une très haute qualité fonctionnelle, explique Paul Malassigné : « Il dépasse les standards techniques actuels ; non seulement il ne s’enflamme pas mais en plus il absorbe la chaleur et se dégrade en minéral lorsqu’on le brûle. » Concrètement, la collecte et la transformation sont assurées par le Relais, un groupement d’entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, leader de la valorisation du textile en France (16 000 conteneurs) dont une des activités est la réalisation d’isolants thermique et acoustique à partir de vêtements récupérés.

L’emploi de ces panneaux par le SDIS pour ses constructions se fait par le biais des marchés publics. « Dans cette logique, commente en substance le commandant, l’administration ne gagne ni ne perd en termes de coût sachant qu’il lui faut de toute manière acquérir des matériaux pour ses besoins et assumer la charge de ses déchets. » En revanche, la démarche illustre de la meilleure des façons son engagement, ainsi que celui du département et de la préfecture de l’Indre qui soutiennent le projet, au regard des grands sujets sociétaux que sont le développement durable et l’économie circulaire. Bref : « Le SDIS 36, via ce produit innovant, œuvre pour la planète ! »

Une méthode clairement établie

Si l’opération a pu réussir, c’est qu’elle s’est appuyée sur une méthode également innovante. C’est que ce type d’opération ne relève pas, sur le papier, de la compétence d’un SDIS dont les missions, pour simplifier, riment notamment avec urgence et secours à la personne. « La hiérarchie, commente Paul Malassigné, s’est vite intéressée au sujet, un point crucial pour démarrer. » En outre, dès l’origine, un cadre d’action a été déterminé : le projet se mène sur le temps libre et de repos de la personne qui en a la charge, la communication relève du SDIS, l’opération est assimilée à un projet de service. Instituer une règle du jeu, c’était fondamental : « Ce n’est pas une contrainte mais une confiance accordée. »

Autre innovation, le SDIS procède à un sourçage dans ses marchés de construction afin de s’assurer que les techniques et matériaux employés – en l’occurrence les panneaux isolants – répondent bien à ses objectifs en termes d’environnement et d’économie circulaire : « Nous ne changeons pas le système, sauf sur le plan éthique, environnemental et économique. » Ce qui n’est pas rien ! « Nous sommes sortis de notre silo, avec l’appui de nos tutelles (le département et la préfecture), avec la transversalité comme mot d’ordre », résume Paul Malassigné, ajoutant que le succès repose aussi sur la « grande force des sapeurs-pompiers qui, dans les situations les plus critiques, se doivent de toujours trouver une solution ». Autrement dit, c’est l’application de ce principe de management à l’économie circulaire qui a rendu possible le fonctionnement du dispositif ! « Et qui devrait permettre, annonce Paul Malassigné, à d’autres projets de ce type de prochainement voir le jour. »

Un enjeu planétaire

Les tenues de protection contre le feu se retrouvent dans nombre de secteurs et dans tous les pays : armées, réseaux d’électricité, de gaz, etc. Il y a donc un enjeu considérable, planétaire, en termes d’environnement, au-delà des 350 tonnes annuelles recyclées que représentent rien que les SDIS. Face à cela, le but des initiateurs du projet est clair : laisser ouvertes toutes les pistes possibles pour que l’on cesse d’enterrer les tenues. D’où leur volonté de ne pas imposer de contraintes, par exemple, en déposant des brevets : « Cela impliquerait de s’associer avec un des trois grands fournisseurs mondiaux de fibres, donc de limiter la portée de notre action et de réduire notre objectif qui est de recycler tout ce qui peut l’être », explique Paul Malassigné. Avant de conclure qu’il n’est pas question « de transiger avec nos valeurs ».

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