TECH.GOUV : des questions, des réponses

Tech.gouv
Le 17 décembre 2019

Annoncé en avril dernier, dévoilé en octobre, le programme TECH.GOUV, porté par l’État, a été présenté comme une réponse pour « accélérer la transformation numérique du service public ». Pourtant, certains observateurs y ont vu un « retour en force d'une gouvernance centralisée », s’inquiétant notamment de voir le rôle des collectivités territoriales amoindri au regard, par exemple, de leur implication dans le programme DcANT (Développement de l'Administration Numérique Territoriale).

 

Quel rôle pour les instances locales dans le programme TECH.GOUV ? Des représentants de l’État et des collectivités livrent leur réflexion. En attendant la mise en pratique sur le terrain.

Rappelons en quelques mots que, piloté par la DINUM, TECH.GOUV est destiné à « rapprocher l’administration des citoyens, des entreprises et de ses propres agents, pour mieux les servir ». Il s’organise ainsi autour de six enjeux pour y parvenir : simplification, inclusion, attractivité, maîtrise, économies, alliances. Le cadre d’action, lui, se compose de huit missions que sont la labellisation des solutions et outils numériques, l’identité unifiée pour les services en ligne, les données au service des politiques publiques, les systèmes d’information de l’État, les « talents », la conception des services publics « autrement ». Dans ce contexte, la « feuille de route 2019-2021 », comprend trente cinq « projets et actions prioritaires », par exemple, « Mettre en place une offre de service de labellisation », « Industrialiser et généraliser FranceConnect » ou « Développer et animer le réseau des incubateurs de Startups d’État et de Territoires ».

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Priorités nationales vs priorités locales

Quant aux préoccupations exprimées par diverses collectivités au sujet de TECH.GOUV, elles viennent du rôle qu’elles seront amenées à y jouer. La direction du GIP Territoires Numériques Bourgogne-Franche-Comté y voit «  une re-configuration de ce qui existe, avec une volonté de reconcentrer les activités sur les services de l’État. La logique se comprend, ce n’est pas un problème en soi. Mais quid des acteurs locaux qui participent aussi à cette simplification ? ». Selon elle, les collectivités risquent, à terme, de n’être plus associées qu’en tant que contributrices sur des actions jugées prioritaires par l’État :  en l’occurrence « FranceConnect », au détriment de « FranceConnect Agent »  sur lequel le GIP était pourtant déjà très avancé. Par ailleurs, quel avenir pour l’écosystème DcANT et son mode de fonctionnement « où tout le monde gagne » ? Il ne faudrait pas que cela risque de conduire les collectivités, faute de « lisibilité », à se tourner vers le privé : « ce serait un retour en arrière. Nous pourrions penser à un TECH.GOUV qui présente un magasin d’applications dans lequel chacun peut s’alimenter, ce qui existe depuis longtemps au Royaume-Uni ». 

Quel rôle pour le privé ?

Cette question des « communs » est essentielle aussi pour Emmanuel Vivé, Directeur général de l’Adico (Association pour le Développement et l’Innovation numérique des Collectivités) et président de DECLIC (qui fédère des associations de collectivités). Au départ « critique » sur le rôle réservé aux collectivités - et sur leur « accompagnement, pas évident à deviner » dans une feuille de route « pas très concrète » - il est aujourd’hui plutôt « rassuré ». Selon lui, à l’issue de différentes réunions sur ce sujet, il apparaît que « le programme DcANT, prévu pour deux, sera renouvelé. En outre, de nouveaux sujets sont abordés, comme l’établissement d’un répertoire de ces communs ou l’élaboration d’indicateurs des services numériques au sein des collectivités au regard de la feuille de route de l’État ». Vis-à-vis du rôle prévu pour le secteur privé, ajoute-t-il, la stratégie de l’État a évolué, ce qui est « un peu gênant », par exemple dans le cadre de « démarches simplifiées » (démarche pertinente et gratuite à l’origine) : désormais quel modèle économiques, quelles évolutions ? Le débat est en cours.

Quoi qu’il en soit, ajoute-t-il, les collectivités sont aussi un contact privilégié aux yeux du public pour les services numériques. L’État a donc tout intérêt à ce que cela se passe bien pour elles, sinon la réaction des utilisateurs sera dure – cf. les système de notation des services - et ne distinguera pas qui du maire ou du gouvernement doit être mis en cause. À suivre.

Un programme d’accélération, plutôt qu’une feuille de route

En charge de TECH.GOUV, Jean-Séverin Lair explique qu’il s’agit là d’un « programme d’accélération » touchant l’ensemble du spectre numérique, « depuis les infrastructures jusqu’à la transformation de l’État ». Ce projet d’une dimension nouvelle est destiné à épauler les ministères pour « transformer leur action publique ». À ne pas confondre avec la simple réalisation de telle ou telle initiative (par exemple la dématérialisation d’une procédure) : « ça peut choquer mais, parfois, la meilleure façon de transformer une procédure c’est de la faire disparaître si le numérique la rend inutile. Ce qui ne veut pas dire que tout va être numérisé du jour au lendemain ! ».

Dans ce contexte, ajoute Jean-Séverin Lair, « nous allons nous attaquer aux points durs et favoriser ces petits plus qui permettent d’accélérer » : concrétiser les réflexions autour du Cloud, mettre l’accent sur la circulation des données… Au delà des ministères, avec lesquels des contacts de haut niveau sont noués afin que ce programme soit pris en compte, d’autres acteurs ont vocation à être associés, insiste Jean-Severin Lair : « parmi les freins identifiés, figurent aussi les difficultés à parfois travailler ensemble ». Ainsi, l’expertise du privé devrait être sollicitée pour les projets menés dans le domaine du Cloud.

Quant aux collectivités, insiste également Jean-Séverin Lair, TECH.GOUV étant un programme au sein de la DINUM (qui succède à la DINSIC), « le programme DcANT (Développement de l'Administration Numérique Territoriale) et l’Instance Nationale Partenariale (INP) continuent de fonctionner ». Les collectivités seront, par exemple, « associées à notre démarche en matière de labellisation des solutions : ce qui compte c’est d’être en interaction et en partage pour un résultat le plus profitable à tous ». Autre illustration de la méthode, « dans le cadre de l’application « démarches simplifiées », la DINUM met à leur disposition, et va continuer de le faire, des produits leur permettant d’offrir différents types de procédure au public ».

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