Revue
Ils nous étonnentBordeaux, ville en quête de résilience
Pistes cyclables, cours buissonnières, rues aux enfants, micro-forêts, etc., toutes ces initiatives convergent vers un but : favoriser les mobilités douces, rendre la ville plus respirable et plus adaptée aux conséquences du réchauffement climatique. Reportage.
Alors que Bordeaux prenait la tête du classement des villes de plus de 20 000 habitants les plus vertes de France, réalisé par Le Parisien1, la mairie organisait un voyage de presse fin mai 2023 pour présenter les différents axes de sa politique en faveur d’une ville plus résiliente. L’occasion de constater l’aspect très minéral de cette ville aujourd’hui en pleine mutation.
Depuis son élection en 2020, le maire Pierre Hurmic revendique la plantation de 13 400 arbres alors que la moyenne annuelle se situait auparavant autour des 700 arbres plantés. Au-delà de la trame verte, la municipalité travaille avec un objectif : répondre à l’urgence climatique. Elle entend notamment proposer un espace vert à tous les habitants à moins de dix minutes à pied de leur domicile.
Cette politique s’accompagne d’un nouveau partage de l’espace public en faveur des mobilités douces (piétons et vélos) qui aurait aussi la vertu de réduire la pollution. Pour Didier Jeanjean, adjoint chargé de la nature en ville, l’urgence écologique appelle l’action : « En écologie, “plus tard c’est trop tard”. L’échelon municipal est le plus pertinent pour innover », affirme-t-il. La création de pistes cyclables (la ville en compte 200 kilomètres) s’inscrit dans un continuum de mesures visant à réduire la place de la voiture en ville : piétonnisation à 100 % de certaines zones, limitation de vitesse à 30 km/h, remplacement sur certains axes d’une place de parking sur quatre par un arbre, création de voies de bus express. Résultat : depuis le début de la mandature, l’usage du vélo aurait progressé de 70 % sur les boulevards circulaires et la baisse de la pollution, constatée par l’organisme indépendant ATMO, atteindrait les 30 %. La mairie parie résolument sur les parcs et jardins, les poumons verts de la ville. En atteste le Jardin public, l’un des plus grands espaces verts de Bordeaux où des travaux de mise en accessibilité à tous types de handicaps ont été menés parallèlement à la désimperméabilisation des sols (1 000 m²) et à la plantation de plusieurs centaines d’arbres (150 espèces), dont des arbres fruitiers pour un budget de 2,5 millions d’euros. Comme dans tous les espaces verts de la ville, on travaille sur la préservation de l’eau, à savoir la réduction de la consommation et la limitation de l’usage de l’eau potable. Ainsi, au parc aux Angéliques, l’eau d’arrosage est issue du pompage de la Garonne.
Toujours dans cette idée d’encourager les mobilités douces, la place du 11-novembre, devant l’école Saint-Bruno, a été piétonnisée. Ici comme dans toute la ville l’on affiche la volonté d’expérimenter : « On se donne le droit à l’erreur », explique Didier Jeanjean. Comme les tests de peinture, permettant de réduire la chaleur, ne s’avèrent pas concluants, d’autres essais seront conduits : « Les aménagements doivent faire sens dans un plan global, sans passer forcément par un objectif chiffré », assure-t-il.
L’opération des cours buissonnières participe à cette même démarche. Elle prévoit d’ici dix ans la végétalisation des 150 écoles primaires de la ville (budget : 18,5 millions d’euros). À l’école Jacques-Prévert, courant 2022, une démarche participative a été menée avec les enfants, les animateurs et les enseignants afin de connaître leurs besoins et leurs attentes. L’objectif était de végétaliser, de désimperméabiliser près de la moitié de la surface de la cour et de proposer un aménagement favorisant des activités diversifiées (des espaces calmes, semi-calmes ou mixtes). Pour sensibiliser à la biodiversité, des hôtels à insectes ont été installés et une cabane, « l’astérogrotte », a été co-conçue avec les enfants. Quant aux gradins disposés dans la cour, ils favorisent les temps de lecture et moments calmes et permettent aussi de faire l’école à l’extérieur. Des ateliers de cuisine avec les pommes du jardin ou encore des moments de nettoyage de la cour sont prévus, une manière de responsabiliser les plus jeunes et de les inviter à prendre soin de leur espace : « Ainsi on va au-delà de la seule idée de rafraîchir la ville », résume Didier Jeanjean.
Pour Didier Jeanjean, adjoint chargé de la nature en ville, l’urgence écologique appelle l’action : « En écologie, “plus tard c’est trop tard”. L’échelon municipal est le plus pertinent pour innover. »
Des diagnostics ont été menés pour envisager la piétonnisation temporaire ou définitive aux abords de 80 écoles. La rue Cazemajor devenue une « rue aux enfants », définitivement fermée à la circulation, constitue un exemple d’urbanisme pragmatique. Des bacs fleuris, des bancs, des tables et des arceaux de vélos ont été installés temporairement pour imaginer le futur aspect de la rue. Adoptés par les principaux intéressés, ils seront pérennisés. L’artiste Guillaumit a aussi réalisé une fresque au sol s’inspirant de travaux préalables des enfants de l’école et des centres de loisirs.
Parmi les expérimentations menées, on peut citer la création de la première micro-forêt urbaine, rue Billaudel, en lieu et place d’un parking. Inspirée des forêts Miyawaki, cet espace ne nécessite pas d’arrosage, il s’organise autour d’arbres de grande hauteur au centre (chênes, ormes et sureaux) et d’arbustes en périphérie. Pour pallier la pauvreté du sol et reconstituer un milieu favorable au développement des espèces, l’on incorpore des terres végétales et des graines de la région. Au total cette micro-forêt réunit 90 espèces pour la plupart endémiques. L’élu à la nature en ville précise qu’il s’agit d’une expérimentation, d’un espace en devenir, conçu avec des botanistes et paysagistes pour « faire avec la nature et pas contre elle ».
- Julien E., Alexandre V. et Casaleggio F., « Écologie : notre classement exclusif des villes “vertes” où vivre de façon responsable », Le Parisien 29 avr. 2023.