Concilier transition écologique et justice sociale, un défi immense pour les collectivités locales

Dans un contexte national marqué par une instabilité politique et des contraintes budgétaires fortes, les ETS 2024 ont réaffirmé avec force le rôle crucial des collectivités territoriales comme garantes de la cohésion sociale et actrices de proximité pour une transition écologique réussie. Yohann Nédélec, le nouveau président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) depuis avril 2024, a souligné que « réduire les fractures sociales et territoriales est une condition indispensable pour embarquer tout le monde dans la transition écologique ». Il a insisté sur le fait que les collectivités locales sont les mieux placées pour garantir que personne ne soit laissé pour compte et pour transformer la transition écologique en une opportunité partagée, et non en un sacrifice imposé. Syamak Agha Babaei, premier adjoint à la maire de Strasbourg, a rappelé avec gravité la réalité du dérèglement climatique et l’aggravation des inégalités, soulignant que le niveau d’inégalité patrimoniale a atteint un niveau comparable à celui de 1914. Il a également mis en évidence les conséquences directes de la pollution de l’air à Strasbourg, avec 500 décès par an, affectant les populations les plus pauvres. « Un enfant né dans un quartier défavorisé a deux fois plus de chances de développer des maladies respiratoires », a-t-il alerté. Face à ces défis, les ETS ont fait résonner un message d’espoir et d’action. Les élus locaux présents ont exprimé leur conviction que les solutions viendront du terrain, des initiatives concrètes et de la mobilisation de tous les acteurs.

Coopérer, le maître-mot d’une transition réussie et partagée

L’ampleur des défis liés à la transition écologique nécessite impérativement une approche collaborative et transversale. Un mot est revenu avec insistance tout au long des ETS 2024 : la coopération… Dépasser les clivages traditionnels, les « frontières territoriales, privé/public, collectivités/société civile », est essentiel pour construire ensemble des solutions durables et adaptées aux spécificités de chaque territoire. Carlo Girlanda, de la Commission européenne, a rappelé que, si la transition écologique nécessite des ressources financières importantes, elle requiert également une cohérence dans l’action et une simplification des règles pour faciliter la mise en œuvre des projets. Judith Ferrando, directrice de Missions Publiques, a insisté sur le fait que « la coopération, ça ne se décrète pas, ça se pratique ». Elle exige de se faire confiance, de prendre le temps nécessaire pour construire des relations durables et de partager les responsabilités. Elle implique également un changement d’état d’esprit et une volonté de travailler ensemble, au-delà des intérêts particuliers. Valentin Rabot, vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg, a souligné que la transition écologique nécessite de dépasser le simple partenariat technique pour prendre en compte les enjeux environnementaux, sociaux, économiques et de gouvernance. Il a plaidé pour un management collectif de la transition écologique où élus et administration avancent main dans la main pour des actions concrètes.

Muttersholtz et Lyon, deux territoires pionniers

Les ETS 2024 ont été l’occasion de mettre en lumière des exemples inspirants de territoires qui se sont engagés avec succès dans la transition écologique. Muttersholtz, une petite commune du Bas-Rhin de 2 200 habitants, a prouvé qu’il est possible de concilier écologie et développement local en misant sur les énergies renouvelables, la reconstitution des corridors écologiques et un urbanisme zéro artificialisation nette (ZAN). Julien Rodriguez, secrétaire général de la commune, a expliqué que Muttersholtz est devenue un territoire à énergie positive dès 2015, produisant trois fois plus d’énergie qu’elle n’en consomme ; ce qui a permis de dégager des économies et de créer un poste d’animateur associatif. La commune a également réussi à reconstruire tous ses corridors écologiques en quinze ans et à créer un lotissement ZAN, démontrant ainsi qu’il est possible de construire de nouveaux logements sans artificialiser les sols. De plus, grâce à la création de voies douces, 90 % des enfants se rendent à l’école à pied, contre seulement 20 % auparavant.

Les ETS 2024 ont été l'occasion de mettre en lumière des exemples inspirants de territoires qui se sont engagés avec succès dans la transition écologique.

Lyon, de son côté, a misé sur la participation citoyenne pour accélérer sa transition écologique. Chloé Vidal, adjointe à la ville de Lyon, est venue présenter « la Boussole du bien-être » lancée en 2023, une démarche de co-construction avec les habitantes et habitants pour orienter l’action publique municipale et construire des politiques publiques de bien-être.¹ Une approche inclusive, selon elle, qui vise à créer un dialogue de qualité entre tous les acteurs de la ville, à expérimenter de nouvelles formes de gouvernance et à construire une vision partagée de l’avenir.

La justice sociale : un impératif pour une transition écologique réussie

Les participants aux ETS 2024 ont également souligné avec force que la transition écologique ne saurait être une simple affaire de technologies ou de réglementations. Elle doit être juste et solidaire en tenant compte des besoins et des préoccupations de tous les citoyens, en particulier des plus vulnérables. Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde, a rappelé, lors de son intervention à la conférence « Construire des territoires durables et justes », que la transition écologique doit devenir un levier de justice sociale et ne pas renforcer les inégalités. Selon elle, les plus pauvres sont « les premiers touchés mais aussi les premiers à faire des économies et du recyclage » ². Son association mène un travail de fond avec les personnes exclues ou en difficultés autour de la transition écologique. « La transition écologique ne sera réellement juste que si on prend en compte les savoirs d’expériences des plus pauvres. On ne peut laisser dix millions de personnes précaires sur le bord de la route », a-t-elle mis en garde lors de son intervention. Sabine Lavorel, professeure de droit public et vice-présidente de l’université de Grenoble (UGA) en charge de la Transformation écologique, a insisté sur le fait que « la transition écologique ne sera juste que si elle est inclusive et anticipée ». Elle a plaidé pour la mise en place de démarches participatives, telles que les ateliers participatifs et les conventions citoyennes locales, afin de permettre à tous les citoyens de participer à l’élaboration des politiques publiques et de formuler leurs attentes. Elle a également souligné la nécessité d’anticiper les impacts de la transition écologique et de mettre en place des mesures d’adaptation pour réduire les coûts futurs.

Un appel à l’action collective et à l’espérance

Les ETS 2024 ont été un moment intense d’échanges, d’inspiration et de questionnement. Les participants ont partagé leurs expériences, leurs doutes et leurs espoirs, en soulignant l’urgence d’agir collectivement pour construire un avenir plus durable et plus juste. Yohann Nédélec a lancé un appel à l’action, en insistant sur le fait que « notre temps est compté, l’horloge tourne et hélas s’accélère, alors ensemble nous devons changer et avancer ». Il a appelé à la coopération, à l’innovation et à la confiance entre les acteurs territoriaux pour relever les défis de la transition écologique. Samuel Aubin, directeur du Collège des transitions écologiques et sociétales³, invité en tant que grand témoin durant ces ETS 2024, a rappelé qu’il est essentiel de porter ensemble un chemin d’espérance et de construire un projet désirable pour l’avenir.

Il a souligné l’importance de prendre en compte les vulnérabilités de chacun et de développer le pouvoir d’agir des citoyens pour réussir la transition écologique. Belkacem Mehaddi, le directeur général adjoint du CNFPT, a souligné l’importance de continuer à mobiliser et à motiver les cadres territoriaux sur les enjeux de la transition écologique, en rappelant l’importance de la justice sociale et en se posant la question de savoir « comment retrouver du commun et redonner confiance ». Il a annoncé l’organisation d’un colloque à Rouen en mars 2025 sur la crise du vivre ensemble, les fractures institutionnelles et la défiance des citoyens, afin d’inventer un futur désirable et construire des solutions collectives⁴. Les ETS 2024 ont ainsi tracé une feuille de route ambitieuse pour les territoires, en plaçant l’innovation, la coopération, la justice sociale et la participation citoyenne au cœur de la transition écologique. Un défi immense, mais passionnant, pour construire ensemble un avenir meilleur.

Ressources et replays des ETS 2024

Pour revivre les ETS 2024, vous pouvez retrouver en libre accès les replays des conférences, les podcasts des rendez-vous des élèves et les ressources des conférences, cas pratiques et bulles d’inspiration.

https://www.inet-ets.net/ressources-et-replays-ets-2024/

1. Lire son interview dans ce numéro, « Le bien-être, un nouvel indicateur à prendre en compte pour la transition écologique ?, p. 12-14.
2. Lire son interview, « Marie-Aleth Grard : ‘‘Prenons le temps de comprendre le quotidien de celles et ceux qui sont les premiers impactés par le changement climatique’’ », p. 15-18.
3. Lire notre hors-série « Quand l’action-recherche accélère les transitions en Pays de la Loire », Horizons publics hors-série été 2024.
4. Renouveler notre pacte social : un défi pour les territoires. Crise du vivre-ensemble, fractures institutionnelles et défiance des citoyens, comment retrouver du commun et redonner confiance ?, colloque national, les 4 et 5 mars 2025, Rouen.