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ActualitésLa Convention citoyenne pour le Climat : acte I de la démocratie délibérative à la française ?
Les 150 citoyens et citoyennes tirés au sort qui forment la Convention Citoyenne pour le Climat se retrouvent du 15 au 17 novembre pour un troisième week-end de travail au Conseil économique, social et environnemental à Paris. C'est aussi le grand retour de Nicolas Hulot, Président d'honneur de la Fondation pour la Nature et pour l'Homme, qui sera auditionné vendredi 15 novembre dans l'après-midi à la demande des citoyens et des citoyennes pour échanger sur sa vision du mandat de la Convention, ses propositions et afin de répondre à leurs questions. Ce sera l'un des temps forts de ce troisième week-end.
Le Président de la République annonçait le 25 avril 2019 l’organisation de la première Convention citoyenne pour le climat. Le principe : 150 citoyens seront tirés au sort pour participer durant six week-ends à la Convention. Leur mission sera de répondre à la question suivante : « Comment atteindre les objectifs de réduction de 40% les émissions de gaz à effet de serre en France à l'horizon de 2030, dans un esprit de justice sociale ? ».
Le Président s'engage à ce que les propositions qui en résulteront soient soumises « sans filtre » au parlement et/ou par voie de référendum au peuple français. Pour le grand public, il peut s'agir encore à ce jour d'une énième commission Théodule débouchant sur des préconisations laissées sans suite.
Pour les spécialistes du secteur, nous avons à faire à un tournant majeur dans l'histoire de la cinquième République, à travers une première expérience de démocratie délibérative à la française. Enquête au cœur des premières étapes de la Convention citoyenne pour le Climat.
Le dispositif général
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) situé au Palais d'Iéna à Paris a été missionné pour organiser la Convention citoyenne pour le climat. Au cours des dernières semaines, des milliers de citoyens ont reçu un SMS et/ou un coup de téléphone les informant qu'ils avaient été tirés au sort pour participer à la Convention. C'est l'institut de sondage Harris interactive qui a été chargé de cette délicate mission. Les critères prennent en compte les situations géographiques et respectent les échantillons représentatifs de l'INSEE, mais aussi les potentiels conflits d'intérêts à travers la sélection fortuite « d'experts ». Parmi les 250 000 numéros tirés au sort (dont 85% de mobile), les 150 volontaires (et leurs remplaçants) seront assez rapidement déterminés.
Si ces échantillons représentent « au mieux la population française », un biais notoire ne peut être évité : les citoyens retenus sont tous volontaires. Aussi, n'apparaîtront pas ou peu : les diverses minorités, ceux qui ne s'autorisent pas à participer à ces événements, les personnes indisponibles ou dans l'incapacité de se déplacer, etc.
On peut considérer que le panel est un échantillon sociologiquement représentatif « de citoyens volontaires sur ce sujet, tirés au sort ». On y retrouve notamment 51% de femmes, 3% de 16-17 ans, 27% de retraités, 1% d'agriculteurs, 16% d'employés, 9% de cadres supérieurs, 18% d'inactifs.
Sur le plan de l'organisation, aucun détail n'a été laissé au hasard en ce qui concerne les conditions de transport, d'hébergement. Les citoyens sont indemnisés à hauteur de 86,24 euros par jour et de 10,03 euros/h supplémentaire en cas de perte de revenus. Des systèmes de garde d'enfants sont prévus. Pour Marie-Sylvie, citoyenne de l'Isère : « Venir six week-ends, c’est forcément un peu contraignant mais j'ai réussi à m'organiser. Je suis enseignante donc j’ai encore des horaires relativement souples. Et puis on ne pouvait pas vraiment me le refuser. Au niveau des indemnités, c'est presque mieux que ce que je gagne dans l’Éducation nationale. Pour les trajets, les repas, c’est super bien organisé. On est nounoutisés ».
Les six week-ends
Le principe de la Convention citoyenne pour le Climat est le suivant. Les citoyens devront participer à six week-ends de travail entre le 4 octobre et le 29 janvier. Ils devront à l'issue de leurs travaux remettre un rapport de préconisation législative ou de référendum eu égard à l'objectif de « 40% de baisse des GES d'ici à 2030 dans un esprit de justice sociale ».
L’État et le Conseil économique, social et environnemental (Cese) n'ont pas lésiné sur les moyens en terme d'ingénierie démocratique pour piloter cette Convention, avec un budget de 4 millions d'euros.
Un comité de gouvernance est mis en place avec deux coprésidents : Thierry Pech (directeur général de la Fondation Terra Nova) et Laurence Tubiana (présidente et directrice de la Fondation européenne pour le climat), un rapporteur général Julien Blanchet (vice-président du CESE, lire son interview en complément), plusieurs collèges de personnalités qualifiées dans le climat, les questions économiques et sociales, la démocratie, ainsi que des représentants du ministère de la transition. Trois garants ont par ailleurs été nommés par le Cese, l'Assemblée Nationale et le Sénat pour surveiller le processus. Un groupe de chercheurs/observateurs suit la démarche de bout en bout, autour de Jean-Michel Fourniau du CNRS. L'événement est diffusé sur internet, suivi par des équipes du Cese, ou encore de la chaîne citoyenne spécialisée sur le suivi en direct des événements politiques Accropolis. Un site contributif a été mis en place afin d'ouvrir les débats à d'autres citoyens et aux organisations.
Enfin, trois prestataires spécialistes de la concertation publique ont la charge d'animer les débats et ateliers : Missions Publiques, Respublica et Eurogroup Consulting. De nombreux processus d'animation participative ont été mis en place afin de garantir que chacun puisse s'exprimer, que les décisions collectives soient discutées et affinées. Les citoyens ont la possibilité de pousser des coups de gueule, des coups de cœur dans des espaces dédiés du Cese, et ont même une sorte de « bonne oreille » à leur disposition en cas de problème. Le budget de la convention est de 4 millions d'euros.
Les premiers temps de la Convention
Des sondages internes ont été réalisés entre les deux premiers week-ends et montrent que 85% des participants n'ont jamais participé à un débat public mais que 99% estime déjà faire des choses en faveur du climat au moins individuellement.
Le premier week-end des 4 au 6 octobre a été l'occasion d'une présentation des enjeux climatiques, et d'un round d'observation pour tout le monde. L'énorme logistique en place impressionne.
« Ce qui m'a le plus étonné ? », résume ainsi un citoyen de la région Lyonnaise : « Simplement que ce genre d'événement existe ». Lors du premier week-end, des spécialistes se sont enchaînés à la tribune pour cadrer les enjeux climatiques. « Il y a eu une sorte de révélation, de prise de conscience pour certains, qu'agir face au changement climatique était indispensable, hyper-urgent, que nous n'avions pas franchement le temps, et ne sommes pas face à la bonne trajectoire, avec un effet parfois de stupéfaction, voire de sidération pour certains, y compris des gens qui arrivaient avec un regard climato-sceptique » explique Judith Ferrando de Missions Publiques.
Placés face à l'urgence, devant des experts essayant d'être le plus pédagogiques et précis possibles, les citoyens ont pris acte de l'enjeu, de leur mission. Les animateurs leur ont demandé d'interroger leur entourage entre les deux week-ends et une restitution est effectuée le 25 octobre en plénière. Il en ressort que l'entourage est en général non informé, « curieux » mais surtout « sceptique ».
Cette tension entre curiosité et scepticisme est omniprésente chez les citoyens tirés au sort. « Ma crainte principale est qu’on ait dépensé de l’agent et de l’énergie pour rien » raconte Valérie originaire du sud de la France, considérant en attendant : « Que c’est une expérience démocratique incroyable. Je n'y croyais pas du tout ».
Durant l'après-midi du vendredi 25 octobre des questions de fond sont abordées pour la première fois. Interviennent entre autre Jean-Marc Jancovici expert indépendant des questions environnementales, Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire, Katheline Schubert professeur d'économie à la Sorbonne. Des thématiques et leitmotivs émergent qui permettent d'entrevoir quelques grandes lignes de débats à venir :
La convention doit-elle évoquer la taxe carbone, permettra t-elle de contrecarrer les lobbys industriels, va t-on donner une chance à des technologies disruptives comme la fusion froide et le moteur à hydrogène ? Quel degré de sacrifice va t-on demander aux citoyens ?
Cette journée est aussi l'occasion pour les participants de mettre à l'épreuve leur propre approche du jeu démocratique. Un citoyen d'une trentaine d'années piaffe depuis plusieurs minutes avant la fin de l'intervention de Laurent Michel. « Laurent Michel nous fait part du point de vue de l’État et je ne sais pas si c'est du cadre de cette Convention (…) de nous recommander ses slides comme matière à réfléchir ». Une citoyenne le recadre, considérant que tout le monde a le droit de s'exprimer. Plus tard, une sociologue se fait interrompre par un citoyen considérant qu'elle « les infantilise, que cela est in supportable ». À nouveau des participants prennent la parole afin de demander à chacun de modérer leurs propos. D'autres expliquent qu'il est tout de même nécessaire de formuler ses désaccords. Ces passes d'armes paraissent caractéristiques d'une ambiance parlementaire ou d'un conseil municipal. Elles sont sans doute cruciales à ce stade, car y apparaissent les règles propres de civilité et de débat que les citoyens devront observer jusqu'à la fin de la Convention.
À l'issue de cet après-midi en plénière, Marie-Sylvie de l'Isère est frappée par cette ambiance : «On voit que des gens commencent à prendre un peu d‘assurance dans leur propos. C’est intéressant mais je pense qu’il faut qu’il y ait un peu de discipline générale. Parfois ce sont des prises de parole dans l’opposition. On est obligé à 150 de laisser les experts parler sans forcément les interrompre. À nous ensuite de nous faire notre propre idée. Je crois qu’au niveau démocratique, c’est la base ».
Dans le vif du sujet
Lors du premier week-end, il a été demandé aux citoyens de faire des propositions d'experts à rencontrer. « Nous avons proposé le PDG d'Amazon » explique Marie-Sylvie, « ils l'ont contacté et il va venir » s'étonne t-elle. Finalement ce dernier déclinera au dernier moment mais s'engage à être présent lors d'une prochaine Convention.
Le samedi 25 octobre des ateliers sont organisés sur les thématiques : se nourrir, se déplacer, se loger, travailler et produire, consommer. Lors de l'atelier « Se nourrir » sont présents : Dominique Schelcher le PDG de Système U, Olivier Dauger (administrateur de la FNSEA en charge du plan climat), Samuel Lerré de la Fondation Nicolas Hulot et Laure Ducos (chargée de campagne pour Greenpeace). Ils ont quelques minutes chacun pour exposer leur point de vue.
Les citoyens paraissent en partie impressionnés d'être les principaux destinataires d'un tel panel. Ils écoutent, puis questionnent. En un heure trente, tous les sujets vont y passer : l'importation massive du soja pour nourrir les animaux contribuant à la déforestation. Les difficultés de généraliser d'un seul coup l'agriculture biologique. Le coût de la production nationale de 20 à 25% plus chère qu'ailleurs. La difficulté de préserver la consommation française des pesticides et OGM importés. Les avantages et limites du bio, de la biomasse, de la méthanisation. Des phrases choc retentissent : « En France 1% des fermes possèdent la majorité des élevages de poulets, poules pondeuses, élevages porcins », « Quand il y a des lobbys, c'est 1/100e des mesures qui passent », « Les français consomment 86 kg de viande par an, contre 43 dans le monde ».
Si les échanges restent très courtois, les controverses apparaissent, souvent à demi-mot. Elles visent évidemment la puissance des lobbys et des enjeux financiers, mais aussi la cohérence des postures des acteurs : «On appelle à consommer des produits de saison, mais pourtant les grandes surfaces continuent de proposer des fruits et légumes importés en toute saison» lance une citoyenne. Un autre demande à quoi rime d'être vertueux, si c'est pour exporter nos mauvais produits vers l'Afrique par exemple. A la fin de cet exercice d'audition, des lignes de consensus semblent se dessiner, notamment sur la préservation du marché européen des importations non durables, l'étiquetage systématique des produits et leur traçabilité, la rémunération des agriculteurs, l'augmentation de la production de légumineuses.
Des propositions plus politiques sont faites par les intervenants. Pour Samuel Lerré de la Fondation Nicolas Hulot : « C'est illusoire de penser que l'on pourra fermer toutes les frontières et vivre en autarcie. D'abord il faut inclure les closes miroirs. En disant : vous pouvez aller sur les marchés européens, mais jouer avec les mêmes règles du jeu. Si vous entrez sur le terrain européen, vous pouvez le faire sans glyphosate. Cela s'est fait sur le bœuf aux hormones ou dans le cinéma ». Il insiste sur le fait que la France est bel et bien en position de peser en Europe sur ces sujets. Laure Ducos de Greenpeace met la pression à l'assemblée citoyenne. « Il y a une grosse responsabilité sur vos épaules, tant qu'il n'y aura pas de transparence sur les intérêts privés, on n’y arrivera pas. À Greenpeace contrairement à ce que l'on pense souvent, nous sommes pragmatiques et réalistes. Nous pensons qu'il faut aller vers des systèmes de transformation sociétale et écologique pas à pas, mais il faut aussi être radicaux. Et tant qu’on ne sera pas radicaux, on n'ira nulle part ». Le PDG de Système U contrebalance l'argument : « Attention aux décisions trop radicales, on ne pourra pas tirer un trait sur tout. Et nos décisions peuvent créer des problèmes ailleurs. En Côte d'Ivoire par exemple, l'huile de palme c'est leur huile de tournesol. Il faut aider les gens à l'autre bout de la chaîne, trouver les bons équilibres et ne pas tirer des traits radicaux ».
Au début de cette journée, une question est dans l'air : pourquoi ces intervenants sont-ils su prompts à intervenir et si investis ? À l'issue des auditions, la réponse est évidente. Les citoyens ne sont plus les seuls à penser que la Convention sera peut être un levier puissant pour légiférer sur le climat.
Dominique Schelcher de Système U l'exprime clairement à la sortie de l'atelier : « D'habitude nous parlons régulation à des conventions d’information, mais à un exercice citoyen comme celui-ci, où y aura une incidence sur des propositions concrètes au gouvernement et au parlement, non. C’est bien pour cela que l'on a répondu présent ». Pour ce dernier : « Nous constatons sur le terrain que l’attente sur le côté responsable, pour que l'on avance pour la protection du climat et de l’environnement, suscite une acuité incroyable chez les gens. Donc si ce type de réunion peut contribuer à faire des propositions concrètes qui conviennent aux gens, c’est parfait ».
Avenir de la convention, quel impact politique réel ?
À l'issue des deux premières journées, le scepticisme de départ a fait place à une sorte de coup bambou devant l'importance des enjeux et un sentiment de responsabilité a regard de leur complexité et de l'exercice proposé. « Nous nous parlons entre les temps de travail, nous ne voulons pas faire de bêtise », dit Valérie, l'une des deux tirées au sort pour participer au comité de gouvernance sur le week-end. Les citoyens vont devoir commencer à travailler sur des propositions. Un premier compte-rendu à chaud est proposé en plénière le samedi soir. Il sera retravaillé par les prestataires et discuté le dimanche matin autour du thème de la Justice sociale et des sujets transversaux.
Si personne ne peut prédire où mèneront ces travaux, car des rebondissements sont à prévoir, une question commence à émerger pourtant : la convention servira t-elle à apporter des idées nouvelles ou porter des idées existantes ?
Pour Jean Jouzel, climatologue et membre du Comité de gouvernance. « Il y a plein de propositions qui sont déjà faites. Peut-être qu’il y aura quelque chose de complètement nouveau apporté par les citoyens mais en attendant on voit bien qu’il y a beaucoup de think tank, d’ONG, qui ont travaillé sur les solutions. Donc j’imagine plutôt des propositions qui sont reprises par les citoyens et seront mises en avant, mais c’est mon propre sentiment et on verra bien… ».
Alexia, étudiante à Montpellier et Guadeloupéenne partage ce point de vue : « Je pense qu’on va s’inspirer de ce qui a déjà été proposé, parce qu’on n’est pas des experts. Mais en écoutant les experts en prenant le meilleur de chaque chose et en prenant connaissance aussi des inconvénients, je pense qu’on peut vraiment choisir les bonnes choses. Et des choses qui pourront répondre à la justice sociale aussi parce qu’il faut penser à toutes les catégories de personnes en France. Comme on est choisis au hasard, on peut répondre à chaque besoin ».
Pour Valérie : « Dans les 150, on a tous le même allant pour un avenir meilleur. Après, on ne connaît pas encore les chemins et on ne veut pas être récupérés. Pour l’instant on entend les différences facettes, les opinions des gens. Mais je pense qu'il faut être pragmatique, terre à terre. Comme nous, on est un peu d‘en bas, avec notre petite lorgnette on voit ce qui ne marche pas. Il faut être moins dans la bureaucratie, tout en gardant cette structure de débat, parce qu c’est hyper important que cela ne soit pas que les sociétés industrielles qui donnent des avis. Sinon je crois qu’on se rend compte de la chance qu’on a d’être dans un pays démocratique, c’est un joyaux ».
Judith Ferrando de Missions publiques conforte ces idées: « Ce que je peux dire par rapport à d’autres démarches participatives, c’est qu’il faut sortir du mythe de l’idée nouvelle que personne, aucun acteur ou ONG, n’aurait eue. Cela je n'y crois pas trop. Par contre, la capacité de réinterroger autrement, de lier des thématiques entre elles, que les pouvoirs publics ne lient pas, cela j’y crois beaucoup. C’est une manière d’adresser une vision, une attente politique comme cela ne se fait pas autrement. Mais les citoyens vont sans doute reprendre des mesures proposées par les uns et les autres. Sans doute les combiner autrement, peut-être pas face à un même public, dans la même temporalité, les mêmes accompagnements ».
Trois principes pour que la Convention fasse avancer la démocratie
Chacun s'accorde à reconnaître que l'échec tiendrait à ce que cet événement ne porte pas auprès de la population, n'apporte rien de nouveau, apparaisse comme une instrumentalisation des citoyens : quid du retour de la taxe carbone, quel rapport de force avec les lobbys industriels, quels sacrifices demander aux entreprises, aux usagers, qu'entend-ton clairement par justice sociale ? Si la Convention est bien l'acte I de la démocratie délibérative à la française, dans ce cas, quel « objet politique étrange » en sortira, permettant de signaler au-delà de son microcosme, une nouvelle manière de faire démocratie ? Sont énoncés à ce jour : le primat du sort ou du hasard, le pragmatisme et le côté terre à terre des citoyens, la mise en lien des questions d'habitude séparées, les nouvelles recombinaisons ou formulations.
En guise de contribution citoyenne au débat, trois principes paraîtraient intéressants à mettre en exergue, afin d'éviter un échec de la Convention. Le premier serait de considérer le processus comme un premier résultat, à savoir un moment d'éducation civique et populaire, susceptible de faire école. Chacun constate en effet qu'il est plus légitime de délibérer après s'être d'abord renseigné, d'avoir écouté, confronté des points de vue, ce qui n'est pas dans les gènes de la démocratie représentative, reposant sur l'acte de délégation pour le citoyen.
Le second principe serait de ne pas succomber au mythe d'un citoyen pur et désintéressé, parce que tiré au sort. Chacun est intéressé à quelque chose. Ce qui fonderait une légitimité civique serait davantage cette capacité à faire un pas de côté vis-à-vis des dépendances et aveuglements nous empêchant de nous brancher sur l'intérêt général. La force d'un processus démocratique tiendrait ainsi à la coopération de parties prenantes, chacune s'étant mises en risque à cet égard, et ayant besoin l'une de l'autre pour aboutir à des décisions de portée générale. La légitimité de ces citoyens ne tiendrait pas au fait d'avoir été tirés au sort, mais d'avoir tenu le pari de délibérer, fût-ce à leur corps défendant, sur des sujets d'intérêt général. Il en irait de même pour tout élu.
Le troisième principe à observer serait que la force d'un tel processus tiendrait à la capacité de raconter et d'expliquer comment on est arrivé à chaque étape, ce qui a été laissé de côté à chaque étape et pourquoi. Car la masse des citoyens aura besoin de se référer à la genèse autant qu'au résultat pour se positionner. Il s'agit d'une performance propre au langage et non à la communication.
Et pour cela, il est probable que la Convention, comme toute assemblée d'élus à ce jour, manque encore d'une compétence notoire. Il s'agit de celui ou celle dont le rôle est d'inventer le langage qui fait se rejoindre les prismes, au-delà des postures des uns et des autres. Il s'agit du poète.