Transformation des organisations : Quels enjeux pour la transition écologique et solidaire ?

La communauté Explor’ables
Le 12 décembre 2019

Le 7 novembre la communauté Explor’ables se réunissait à l’Espace Léonard pour un séminaire de restitution sur la transformation des organisations et ses enjeux sur la transition écologique. Au programme de cette matinée : deux tables-rondes réunissant des acteurs de la transformation du travail et de l’action publique. L'une sur "La transformation des organisations : pratiques, tendances et enjeux au regard des transitions" et l'autre sur "Comment la transformation des organisations impacte et renouvelle l’action publique au service de la transition écologique et solidaire ?".

Avant la première table-ronde, Thomas Lamarche, professeur en Sciences Economiques à l’Université de Paris, co-fondateur de la Manufacture coopérative, rappelle dans sa note de cadrage que l’organisation et l’individu se construisent autour d’un récit visant à donner du sens au travail. S’il ne faut pas sous-estimer la puissance des critiques à l’égard de la grande entreprise mondialisée, reprise par les salariés et les politiques, il convient de se méfier de catalogue de bonnes intentions. Le protocole d’enquête met en avant trois facteurs majeurs : l’entrepreneuriat peut apparaître comme une réponse aux « bullshit jobs » ; les nouvelles formes managériales ne doivent pas nier les questions de pouvoir ; il est essentiel de tenir en compte la participation réelle des salariés puisque la coopération ne se décrète pas.

Transformation des organisations : pratiques, tendances et enjeux au regard des transitions

Antoine Ribérioux, Professeur d’économie à l’Université de Paris, note une inflexion majeure dans la manière dont la responsabilité des entreprises est pensée. La réécriture de l’article 1833 du Code civil qui fait référence aux enjeux environnementaux et sociaux et la création d’un statut de société à mission, constituent deux exemples en la matière. Cette société à mission permet une meilleure représentation des salariés. Cette codétermination, renforcée par la loi PACTE s’invite au cœur du débat présidentiel américain entre Bernie Sanders et Elisabeth Warren. Ceci dit, aucune société cotée n’a effectué le passage vers la B corporation, cette certification octroyée aux sociétés commerciales (à but lucratif) répondant à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public.

Claire Vigier, représentante de Yolocracy, une communauté formée de startups et grands groupes ayant la volonté de changer la manière de travailler, mentionne le site « glassdoor ». Elle l’assimile à un révélateur des attentes des collaborateurs en termes de transparence et de culture d’entreprise. Elle cite ensuite 4 éléments clés pour les collaborateurs :

  • La logique de sens : la volonté de travailler pour une entreprise avec un impact sociétal et qui anime le salarié
  • La décentralisation de la prise de décision : l’autonomie devient une condition sine qua non, dans un cadre global où le salarié peut se fixer des objectifs, innover.
  • Le développement d’une culture de l’expérimentation
  • La transparence : elle garantit le cadre. Pour que les collaborateurs puisent prendre des décisions, il fuit des équipes agiles et des manageurs adoptant des postures d’accompagnateurs.

Brian Delmas, chercheur à l’ATEMIS, qui accompagne des entreprises, des collectivités, et des associations sur les problématiques de développement constate que de nombreux dirigeants cherchent à remettre de l’humain dans l’entreprise. Le manque de sens constitue d’ailleurs une des limites du modèle industriel. Pour répondre aux besoins des habitants et d’un territoire l’une des pistes peut être de penser une solution intégrée de produit ou service visant une performance territoriale. Cela passe par l’ouverture des champs de l’entreprise et pose la question de la coopération. Comment passe-t-on d’une entreprise seule à un écosystème coopératif ? Ce management de la coopération requiert des repères communs pour aider les gens à agir et notamment de prendre en compte les retours d’expérience pour observer ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas.

Caroline Balley-Tardy, co-fondatrice du Dre’Lab, laboratoire d’innovation publique au sein de la DREAL Rhône-Alpes, explique la démarche du Dre’Lab. Ce collectif est né d’un besoin de coopération. Face à la complexité croissante du système, plusieurs collaborateurs se sont trouvés en difficulté pour assurer des missions transversales avec des partenaires variés. Ce collectif a permis de favoriser l’émergence de nouvelles manières de travailler pour améliorer les conditions de travail au service de la transition écologique et solidaire. L’intelligence collective a permis d’aménager une salle vide, de la transformer en un espace modulable, convivial, sobre, doté de meubles de récupération pour tenir un budget serré. Cette première expérience a démontré l’appétence des services pour ce genre de démarche. Accompagné par le MIT pour travailler sur les questions de leadership, le Dre’Lab a redéfini 4 missions principales :

  • Accompagner le changement culturel des pratiques managériales
  • Développer les compétences relationnelles
  • Apprendre la gouvernance partagée
  • Essaimer en interne, au sein de l’écosystème du Ministère puis à l’extérieur

Comment la transformation des organisations impacte et renouvelle l’action publique au service de la transition écologique et solidaire ?

Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la SCIC Enercoop, rappelle l’histoire de ce premier fournisseur alternatif d’électricité 100% renouvelable visant une réappropriation de l’énergie par les citoyens. L’organisation en Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) ouvre au multi-sociétariat (clients, fournisseurs, salariés, collectivité territoriales) et permet de faire commun autour d’un projet. La mobilisation des sociétaires facilite le financement des projets locaux ; comme les projets sont co-construits dès le départ avec les parties prenantes concernées, les habitants se les approprient plus aisément.

Baptiste Nominé co-fondateur de l’Atelier Soudé, également membre de la Myne, une communauté qui accompagne la transition écologique et solidaire par la recherche d’une citoyenneté ouverte, présente plusieurs projets emblématiques visant à rendre accessible la science et les savoirs. Cette communauté crée des projets face à des besoins en coopérant avec des territoires et des écoles. Quant à l’Atelier Soudé, il vise à faire monter les particuliers et les réparateurs d’appareils électroniques en compétences en les formant. Avec 20 ateliers par mois et 1500 participants par an, cet effort de réparation collective doit permettre de réduire à la source les déchets électroniques.

Pour Kevin Poperl, économiste et co-fondateur de Coopcyle, une association œuvrant pour la création d’une coopérative européenne dans le secteur de la livraison à vélo, cette plateforme numérique peut contribuer à redéfinir un service public. Il s’agit de mutualiser les services supports (achats, apport d’affaires, comptabilité etc) et de proposer ainsi une alternative à des livreurs à vélo plus qualifiés. Coopcycle travaille notamment avec des régies de quartier pour renforcer l’emploi local.

Elisabeth Laville, fondatrice du think tank Utopies, rappelle l’utilité du label B Corp, un questionnaire gratuit permettant aux entreprises d’autoévaluer leurs pratiques. Sur les 200 questions ¼ de la note porte sur la transition écologique, ¼ sur la transition solidaire, 1/4 sur l’impact du modèle économique. Révisée par un comité indépendant international tous les 18 mois, cette certification américaine est aujourd’hui présente dans 70 pays. Sur 80 000 entreprises ayant passé le test, seules 4000 sont certifiées dans le monde.

Anne Pariente, cheffe de projets innovation publique à la Fabrique à projets, au sein du ministère de la Transition écologique et solidaire, revient sur la genèse du dispositif. Cette structure accompagne des projets et des agents en quête de sens, souhaitant travailler autrement, de manière plus ouverte, partenariale et en utilisant le design thinking afin d’adopter une approche davantage centrée sur l’utilisateur. Pour Anne Pariente la Fabrique à projets est issue d’un mouvement de fonds et vise un mode de travail plus collaboratif, basé sur des approches rapides, sur l’expérimentation, les mesures d’impact et l’itération.

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