Les grandes tendances de l’innovation publique dans le monde en 2019

Le 10 octobre 2019

Comment les gouvernements innovent-ils pour améliorer les politiques publiques ? Quelles sont les grandes tendances à l’échelle mondiale ? Le rapport Embracing Innovation in Government : Global Trends 2019, publié par l’Observatoire de l’innovation publique de l’OCDE1 et le centre Mohammed-Bin-Rashid pour l’innovation gouvernementale implanté aux Émirats Arabes-Unis (MBRCGI), identifie trois grandes tendances et constitue une mine d’informations pour les innovateurs publics.

Les deux institutions se sont rapprochées pour explorer les pratiques des gouvernements de la planète en matière d’innovation publique. « Face à la révolution technologique […], les politiques et les pratiques gouvernementales n’ont souvent pas suivi le rythme des changements. Cependant, certains pays à la pointe de l’innovation gouvernementale utilisent des solutions innovantes pour résoudre les problématiques d’aujourd’hui », écrivent les auteurs au début du rapport.

L’Observatoire de l’innovation publique de l’OCDE a notamment pour mission « d’aider les pays membres à découvrir ce qui est à la frontière du changement », explique Marco Daglio, son responsable. Avec une équipe de dix personnes au siège parisien de l’OCDE, dans le XVIe arrondissement, il scrute toute l’année les tendances, réalise des veilles, mène des missions d’appui et de conseil et diffuse la culture de l’innovation publique auprès des gouvernements membres de l’OCDE (27 pays).

Son dernier rapport est une illustration du travail de l’Observatoire. Réalisé en partenariat avec le centre de l’innovation des Émirats Arabes-Unis, qui se veut à la pointe dans ce domaine et qui veut faire des Émirats une nouvelle plaque tournante de l’innovation publique, les auteurs ont passé en revue pas moins de 542 innovations, issues de 84 pays ! Utilisation des sciences comportementales, recours à la gamification, expérimentation avec des technologies immersives de type « réalité augmentée », exploitation de la puissance des plateformes en ligne ou encore recours à l’intelligence artificielle (IA) ou à la blockchain, l’innovation publique revêt, selon les auteurs, de multiples visages.

Ce document de 128 pages a le mérite de recenser de nombreuses initiatives à travers le monde pour améliorer l’efficacité de l’administration, associer davantage les habitants à la conception des services publics, nouer des partenariats avec des plateformes en ligne ou encore intégrer l’IA pour lutter contre des fraudes. Trois grandes tendances en matière d’innovation publique sont identifiées par les rapporteurs.

Les auteurs du rapport ont passé en revue pas moins de 542 innovations, issues de 84 pays. Trois grandes tendances en matière d’innovation publique sont identifiées.

Les comportements des citoyens au centre des innovations

La première tendance, baptisée « Invisible to visible », regroupe les initiatives mettant les comportements et les actions des citoyens au centre de l’innovation publique. Au Canada, par exemple, l’application santé et bien-être Carrot rewards, qui vient d’annoncer la fin de son service faute d’investissement suffisant, a franchi le seuil du 1 million d’utilisateurs car c’est une incitation douce à changer de comportement en matière de prévention santé ou de protection de la planète. Les sciences comportementales sont aujourd’hui largement utilisées dans de nombreux pays au service de l’innovation publique. Autre exemple d’innovation basée sur le comportement des citoyens, le principal fournisseur de services de santé publique, d’éducation et de recherche, Metro south health (MSH), au Queensland, en Australie, a lancé Zika mozzie seeker, un programme associant des milliers de citoyens à participer à un projet scientifique pionnier pour mieux détecter des moustiques porteurs du virus Zika. Ceux-ci sont invités à déployer des pièges à moustiques pour collecter des œufs et pour les transmettre à la MSH afin de mettre en place un système d’alerte précoce. Une première mondiale pour la surveillance des invasions de moustiques.

Des données et des plateformes au service de l’innovation publique

Opening doors, c’est la deuxième tendance. Elle regroupe des innovations liées à l’ouverture des données, à la puissance des plateformes mais aussi aux vertus de l’économie circulaire. Surabaya, une ville portuaire située sur l’île indonésienne de Java, a lancé, à titre d’exemple, les Suroboyo bus, une initiative de transport en commun rapide permettant aux habitants de la ville de payer le bus avec des bouteilles recyclables. L’objectif est d’encourager de meilleures habitudes de recyclage et de permettre aux moins favorisés de pouvoir utiliser les transports en commun. Autre initiative intéressante, cette fois-ci, menée en Californie, sur l’usage de l’IA pour favoriser l’insertion sociale : baptisée « Clear my record » (effacer mon dossier), cette initiative a été lancée par Code for America2, en collaboration avec les bureaux des procureurs et les avocats de Californie : c’est un programme qui applique un algorithme à un code en open source pour effacer les casiers judiciaires d’activités autrefois illégales mais maintenant autorisées, permettant ainsi aux personnes ayant un ancien casier judiciaire d’obtenir un accès plus facile à l’emploi, au logement ou à la formation. Sur l’usage de la puissance des plateformes en ligne, la ville d’Amsterdam a, par exemple, commencé à louer des bureaux sous-utilisés dans des bâtiments gouvernementaux à des organisations de la société civile dans le cadre d’un programme pilote de partage d’espace de type Airbnb. La ville de South Bend, dans l’Indiana aux États-Unis d’Amérique, a aussi lancé le projet Transportation as a benefit, un projet pilote novateur faisant appel à un réseau de fournisseurs de services de transport indépendants, tels que Uber et Waze carpool, pour aider les employés à se rendre au travail.

Utilisation des sciences comportementales, recours à la gamification, à l’intelligence artificielle ou à la blockchain, technologies immersives de type « réalité augmentée », l’innovation publique revêt, selon les auteurs, de multiples visages.

Des services publics optimisés par les machines apprenantes

La révolution numérique s’est accompagnée d’une explosion des bases de données conférant une place centrale aux algorithmes. « Notre monde est aujourd’hui traduit en bits et en octets qui peuvent être lus par des machines et introduits dans des algorithmes. Les gouvernements innovent pour repenser la manière dont les politiques et les lois sont créées en les rendant lisibles par des machines », écrivent les auteurs du rapport. Nous sommes là sur les débuts de l’usage de l’IA par les gouvernements. Ces quantités de données qui ne peuvent être traitées que par des algorithmes et des « machines apprenantes », vont permettre de développer de nouveaux services. En Australie, dans le Queensland, le ministère de l’Environnement et des Sciences a adopté l’apprentissage automatique pour cartographier et classer automatiquement l’utilisation des terres dans l’imagerie satellitaire. Ce calcul de précision offre un potentiel pour mieux cibler les interventions d’urgence, se préparer aux épidémies ou améliorer la conservation de la biodiversité. Le gouvernement néo-zélandais, de son côté, a créé Better rules, un pilote novateur qui convertit les lois en codes informatiques lisibles par des algorithmes afin de garantir une mise en œuvre correcte. La blockchain, en tant que technologie émergente, commence à être utilisée par les gouvernements. Le rapport cite l’exemple de la Mongolie, qui s’en sert pour détecter des médicaments contrefaits. En effet, dans ce pays, on estime que 40 % de tous les médicaments sont des faux, causant de nombreux décès et autres complications. Le gouvernement de la Mongolie s’est associé au secteur privé pour utiliser la blockchain et l’IA afin de suivre chaque lot de médicaments tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Pour aller plus loin

  1. Organisation de coopération et de développement économiques.
  2. Code for America est un projet citoyen américain, fondé en 2009, pour améliorer les services numériques citoyens aux États-Unis d’Amérique. Le projet est généralement classé comme appartenant aux civic tech.
×

A lire aussi