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La mobilité au cœur de la planification stratégique dans la région grenobloise

Le territoire du scot de la grande region de grenoble
Le territoire du scot de la grande region de grenoble.
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Le 27 mars 2023

Le regard sur quelques décennies de succès et d’échecs dans la région grenobloise révèle qu’un chemin important reste à parcourir pour renouveler la mobilité. Une nouvelle trajectoire s’impose pour tendre vers des solutions partagées bas carbone et plus économes en énergie.

Résumé

Le contexte grenoblois

Une géographie qui impacte très fortement son aménagement

L’agglomération grenobloise s’est développée dans de larges vallées ou plaines alluviales entre trois massifs montagneux. Le relief, les risques naturels (notamment inondation et crues torrentielles), mais aussi la forte amplitude des températures et la faiblesse des vents en font un site très contraint. La présence, par exemple, de la nappe phréatique à quelques mètres sous la ville interdit tout projet de métro et rend complexes les aménagements souterrains. Aussi, cette géographie cloisonnée est particulièrement sensible à la pollution atmosphérique et concentre ses accès sur quelques grands axes rapidement congestionnés. Enfin, si la montagne toute proche a longtemps fait figure de richesses et de réserves en ressources abondantes, sa forte sensibilité au réchauffement climatique, qui est estimé deux fois plus rapide dans les Alpes, change la donne.

Développement très rapide dans un contexte de faible organisation locale

Grenoble, 158 000 habitants, est aujourd’hui la ville centre d’une unité urbaine qui regroupe trente-huit communes pour 450 000 habitants. C’est le pôle de la dixième aire d’attraction de France, avec 720 000 habitants et 204 communes, la plus importante des villes n’ayant pas eu le statut de préfecture de région. Ce rayonnement permet aujourd’hui de mesurer l’ampleur de la réponse à apporter à l’intensité des migrations pendulaires. Le développement de la région grenobloise mêle donc des caractéristiques similaires aux autres grandes aires urbaines françaises, avec des phénomènes de concentration (d’emplois et d’activités) et d’étalement urbain.

Néanmoins, la spécificité grenobloise se caractérise par son développement fulgurant sur une trentaine d’années. Suite au développement industriel et notamment de la houille blanche à la fin du xixe siècle qui a vu la population de la ville passer de 50 000 habitants en 1880 à un peu plus de 100 000 à la sortie de la guerre, la population culmine à 168 000 habitants en 1975. Dans le même mouvement, l’expansion sur l’agglomération est passée de 230 000 habitants au début des années 1960 à 400 000 habitants en 1975. D’abord concentrée depuis la ville centre, la croissance de l’agglomération s’est traduite dans plusieurs communes qui ont connu des taux d’évolution de 12 % certaines années.

En parallèle, l’agglomération se distingue par un sous-équipement manifeste en infrastructures et l’organisation de cette croissance a longtemps fait défaut. L’État préside à cette époque encore largement aux destinées de l’aménagement, de façon plus ou moins concertée avec les acteurs locaux qui étaient souvent en ordre dispersé.

Le développement urbain de l’agglomération de Grenoble est accompagné, comme ailleurs en France, par une démocratisation importante de l’usage de la voiture, dont l’impact sur le développement territorial est très prégnant.

Le tournant de la fin des années 1960 avec le livre blanc et la création de l’agence d’urbanisme

À partir de la fin des années 1960, et au-delà de l’effet levier important des Jeux olympiques de 1968, l’affirmation plus forte de la municipalité l’a conduit à s’opposer au plan dit « Bernard » 1 de l’État, mais aussi à se doter d’une agence d’urbanisme, nouvel outil partenarial, pour repenser l’aménagement de son territoire. Ainsi, le Livre blanc pour l’aménagement de la région grenobloise, publié en 1969, pose un premier socle d’enjeux, en amont d’un futur schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) de 1973. Cette étude pose un regard à l’échelle d’une région urbaine (plus de 100 communes) et appréhende assez tôt la question du desserrement urbain comme un enjeu important. Il identifie notamment :

  • la forte augmentation de la circulation automobile (5 à 10 % par an) et la mauvaise desserte imposent la création de très nombreuses infrastructures (ring, autoroutes dédoublées dans chaque vallée, voies rapides) ;
  • si les liaisons en train sont stables, les progrès attendus à terme avec Paris à 3 heures et Lyon à 50-60 minutes ( !) laissent imaginer un potentiel de développement important ;
  • l’idée d’un RER de Froges à Moirans est émise, avec une mise en service espérée entre 1974 et 1977.

Ce développement doit être pensé en coopération avec le développement de Lyon et Saint-Étienne, mais aussi du sillon alpin (Valence Chambéry Annecy Genève). Au début du IIIe millénaire, il était attendu 1,2 million d’habitants sur la région urbaine.

En 2023, ces prévisions et intentions paraissent lointaines… Le SCoT actuel s’étend sur 261 communes et regroupe 780 000 habitants. Si le TGV met bien Paris à 3 heures, il faut toujours près de 1 heure 30 pour rejoindre Lyon et le projet de RER métropolitain vient tout juste d’être lancé…

L’émergence d’une gouvernance et la structuration d’outils

Le tournant de l’organisation intercommunale va orchestrer en partie la gouvernance territoriale : le Syndicat intercommunal d’étude et de programmation pour l’aménagement de la région grenobloise (SIEPARG – 23 communes, créé en 1973) préfigure ce qui deviendra l’agglomération en 2000, puis la métropole créée en 2015 (élargie alors à 49 communes). En parallèle, le Syndicat mixte des transports en commun (SMTC), regroupant le SIEPARG et le département, adossé à la Société d’économie mixte des transports de l’agglomération grenobloise (Sémitag), outil d’exploitation est créé.

Cette structuration arrive néanmoins tardivement et sur une échelle trop limitée, au regard du développement urbain du territoire en grande partie réalisé de façon assez désorganisée.

1973 est enfin l’année d’approbation du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU), document issu de la LOF de 19672 qui impose aux agglomérations de se doter d’un document qui fixe les grandes options de répartition des fonctions du territoire. Établi sur un grand périmètre, le SDAU de la région grenobloise couvre 101 communes et quatre grands secteurs : l’agglomération grenobloise, le Grésivaudan, le Pays voironnais et le Sud grenoblois. La volonté était d’avoir à terme des structures intercommunales couvrant chacun des secteurs. Le SDAU s’est révélé vite obsolète du fait d’une mise en œuvre partielle et surtout d’un contexte économique et social en très forte évolution.

La reconquête du centre de l’agglomération, le développement de l’expertise et les débuts de la planification des mobilités

Alors que la mobilité augmente très fortement au cours des années 1970 et 1980, avec notamment un étalement urbain important, c’est quasi exclusivement en voiture que se fait cette évolution, au détriment de la marche.

S’appuyant sur son agence d’urbanisme, le territoire développe sa connaissance de la mobilité. Ainsi, sept enquêtes ménages-déplacements (EMD) ont été réalisées sur l’agglomération depuis 1973, sur un territoire de plus en plus large (359 communes pour l’édition de 2020). Ce monitoring de la mobilité, exprimant notamment les évolutions du nombre de déplacements, les différentes parts modales, les distances de parcours ou les relations entre les différents territoires, apporte une connaissance fine pour nourrir les politiques publiques.

Dans la région grenobloise, un transport en commun en site propre a été étudié dès le milieu des années 1970 dans le cadre du concours dit « Cavaillé ». Il s’agissait de répondre au concours proposé à huit villes par le ministre en 1975, première initiative de « reprise » de l’espace de voiture…

La réflexion s’est portée sur le tramway à partir de 1982, confirmée en 1983 après un référendum local. Depuis l’ouverture de la première ligne en 1987, le réseau s’est largement déployé sur l’agglomération avec cinq lignes d’un total de près de 50 kilomètres. Si ce réseau est beaucoup plus réduit que celui installé entre le début du xxe siècle et 1952 (jusqu’à 220 km), l’enjeu est la reconquête du centre-ville, de ses espaces publics, le désenclavement de certains quartiers et la liaison vers les grands pôles d’équipements.

À cette période, l’agglomération se saisit très tôt d’un nouvel outil, le plan de déplacements urbains, créé en 1982 par la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI)3. Approuvé en 1987, il s’agit d’un des premiers de France, même s’il fait encore une large place aux nouvelles infrastructures routières. Plusieurs projets, imaginés dans les années 1970 et 1980, ne verront pas le jour, comme le tunnel sous la Bastille, abandonné seulement en 2010.

Avec la décentralisation, l’État laisse aux collectivités locales l’organisation de la planification stratégique. Le SDAU de 1973, déjà largement obsolète, n’est plus appliqué. À l’échelle de la grande région grenobloise, il faudra attendre 1995 pour la création du syndicat mixte du schéma directeur (SMSD) et l’année 2000 avec l’approbation du schéma directeur, à l’échelle de 157 communes, pour voir le retour de la planification à l’échelle de la grande région grenobloise.

Les liens mobilité/planification des projets inspirants et le SCoT 2012

Lors de la mise en œuvre du schéma directeur, une démarche novatrice est initiée avec le chrono-aménagement pour conforter les pôles urbains, limiter la fragmentation sociale du territoire et réduire les atteintes à l’environnement. Il s’agit d’un levier important parmi d’autres, en passant de la planification du territoire à la gestion de l’espace grâce à la maîtrise des temps de déplacements. La démarche, portée par le SMSD, a trois ambitions convergentes pour lutter contre l’étalement urbain et structurer l’espace périurbanisé. L’articulation entre infrastructures et consommation d’espace est perçue comme un enjeu majeur :

  • conforter et hiérarchiser les pôles urbains ;
  • les mettre à une certaine distance-temps ;
  • fiabiliser ces distances temps, aux heures pleines comme aux heures creuses (« contrat gagnant-gagnant avec la limitation à 70 km/h en permanence, en échangeant un peu de rapidité aux heures creuses contre de la fiabilité sur les temps de trajet aux heures de pointe »).

Cette démarche d’équilibre du territoire propose un nouvel objet routier, l’autoroute apaisée à haut niveau de services, et un nouvel outil pour le SCoT, la carte des distances-temps. Pour passer de la planification du territoire à la gestion de l’espace, la maîtrise des temps de déplacements est devenue indispensable.

La démarche « Métropole apaisée », lancée en 2015, reprend partiellement certains principes du chrono-aménagement. À l’initiative de la métropole, cela s’est traduit par des requalifications importantes de voirie et d’espaces publics (projets « Cœurs de villes, cœurs de Métropole »), la mise en œuvre de plans destinés aux mobilités actives (piétons et cyclistes), et la recherche d’un apaisement des vitesses pour faciliter le partage de l’espace public et la cohabitation des usages.

Autre projet inspirant, le contrat d’axe de la ligne E signé en 2011. Il décline de façon plus opérationnelle les grands principes de la Charte urbanisme et transports adoptée en 2007 par le SMTC. Il détermine les engagements de chaque partenaire du projet, et notamment les zones d’intensification urbaine autour de la ligne.

Le long des 11 kilomètres de la nouvelle ligne de tramway et ses 17 stations, 4 280 logements ont été mis en chantier entre 2010 et 2020, soit 70 % des objectifs fixés par le contrat d’axe. Avec les logements dont la mise en chantier est prévue, l’objectif global de construction sera atteint. Le bilan de l’opération permet de mettre en évidence les constats suivants :

  • la dynamique urbaine liée au contrat d’axe profite en particulier aux communes du nord de la ligne : nombreux programmes de logement, nouvelles polarités d’équipements ou de commerce, redynamisation des centralités existantes ;
  • une hausse de la fréquentation des transports collectifs dans le corridor de la ligne E ;
  • un usage en hausse des modes actifs (marche, vélo) et un nombre d’accidents de la circulation en nette diminution ;
  • une baisse du trafic routier nettement supérieure aux prévisions, surtout dans Grenoble (Cours Jean-Jaurès / Libération), sans reports significatifs vers d’autres axes ;
  • un bilan favorable en termes d’émissions de gaz à effet de serre et d’exposition à la pollution atmosphérique et au bruit. Malgré l’intensification urbaine observée dans le corridor de la ligne E, le nombre de personnes exposées aux dépassements des seuils de qualité de l’air diminue ou reste stable selon les polluants.

Le concept du contrat d’axe a été traduit dans le SCoT de 2012 avec la notation de périmètre d’intensification urbaine le long de certaines voiries.

En 2012, le SCoT succède au schéma directeur de 2000. Élaboré sur un grand périmètre élargi (273 communes à l’époque), il soulève la question du fonctionnement de la grande région grenobloise, des relations avec le cœur métropolitain, mais aussi au sein des différents secteurs ainsi qu’avec les autres plaques métropolitaines régionales. Le SCoT fait de l’offre en déplacements un levier majeur pour favoriser l’organisation équilibrée des territoires, améliorer les fonctionnements urbains et le cadre de vie. Il vise la réduction du trafic automobile et centre principalement sa stratégie sur le renforcement du système de transports collectifs pour offrir à la population des alternatives à l’usage de la voiture.

Il invite les collectivités à œuvrer en faveur de l’amélioration des conditions de déplacements et la fiabilisation des temps de parcours en voiture et en transports en commun. Il préconise de s’inscrire dans l’objectif d’une maîtrise des distances-temps afin que les territoires et les pôles ne soient « ni trop près ni trop loin » de leurs voisins.

Lors de son premier bilan en 2018, les principaux enseignements, après les six premières années d’application, sont :

  • la déconnexion entre lieu d’habitat et lieu de travail continue d’augmenter, ce qui se traduit par une poursuite de l’allongement des déplacements. L’usage quotidien de la voiture pour les déplacements domicile-travail ne diminue que dans les territoires les plus urbains ;
  • le développement de l’offre de transports collectifs n’a pas pu être réalisé avec le niveau d’ambition porté par le SCoT ;
  • le schéma d’infrastructures du SCoT a été partiellement mis en œuvre. Plusieurs projets ont été abandonnés ou reconfigurés, ce qui appelle à le faire évoluer ;
  • les orientations du SCoT concernant la maîtrise des distances-temps entre les territoires sont peu prises en considération ;
  • un quasi-statu quo dans les démarches de coopération entre territoires. Depuis, la création du Syndicat mixte des mobilité de l’aire grenobloise (SMMAG) fin 2019 a permis d’impulser une dynamique de coopération.

En 2017, les élus ont identifié le développement du covoiturage, des parkings relais et de l’auto-stop organisé comme un sujet prioritaire pour apporter de nouvelles réponses aux enjeux de mobilité dans un contexte de vigilance budgétaire.

Ils souhaitent mieux prendre en compte les interdépendances de déplacements entre les territoires, et optimiser les travaux engagés par les autorités organisatrices de transport et de la mobilité et par certaines intercommunalités. À l’échelle de l’EMD, le projet de charte partenariale du covoiturage et des parkings relais de la grande région de Grenoble traduit la volonté des élus à s’engager en faveur du covoiturage, d’un schéma de parkings relais et de l’autostop organisé. En effet, il s’agit de favoriser l’usage partagé de l’automobile et le rabattement sur les transports en commun. Un schéma directeur des parkings relais est actuellement en réflexion à l’échelle du SMMAG sur trois intercommunalités.

L’enjeu des transitions : nouvelle donne et nouvelle opportunité

À l’heure des transitions indispensables à mener pour répondre aux enjeux climatiques, énergétiques, environnementaux mais aussi sociaux, la bonne articulation entre mobilité et aménagement du territoire est déterminante. Elle constitue un élément de réponse aux recompositions des territoires français dans un contexte démographique appelé à poursuivre son évolution.

Ce défi va de pair avec un accroissement critique du niveau de pollution des aires urbaines, imposant plus que jamais une redéfinition des pratiques et des modes de transport, pour tendre vers des solutions partagées bas carbone et plus économes en énergie.

Le phénomène de métropolisation toujours à l’œuvre ajoute un risque de fracture sociale et territoriale accrue, dont la mobilité est l’une des clefs de compréhension. La congestion routière des métropoles frappe au premier chef les populations périurbaines dont les zones de vie et de travail se sont progressivement éloignées sans solution de mobilité adaptée. L’absence d’alternative à la voiture individuelle a aujourd’hui des conséquences économiques et sociales pour les territoires, les entreprises et les publics les plus vulnérables. Plus que jamais, la mobilité est un enjeu de cohésion sociale et territoriale.

Le regard sur quelques décennies de succès et d’échecs dans la région grenobloise révèle qu’un chemin important reste à parcourir. La définition d’une nouvelle trajectoire s’impose. Le regard sur la mobilité doit être renouvelé.

Comme le rappelle Jean-Marc Offner4, une nécessaire réflexion collective sur la mobilité s’impose, comprise comme organisation des espaces-temps du quotidien, comme appréhension de la demande et pas seulement de l’offre de déplacement. Il est indispensable de sauter le pas au regard de l’évolution des modes de vie, des dynamiques territoriales et des aspirations citoyennes.

À la grande échelle, il nécessite de donner à voir et à comprendre les différents systèmes territoriaux dans lesquels s’intègrent les composantes territoriales, d’aller vers des diagnostics systémiques montrant les échanges réels et les réciprocités potentielles entre les territoires. Plus localement, cela révèle que les politiques publiques locales ne peuvent être qu’interterritoriales. Habitat, mobilité, économie, écologie, etc., les politiques territoriales doivent impérativement s’extraire de la localité dans laquelle elles se trouvent enfermées pour aller vers plus de coopération.

Sur la région grenobloise, la récente transformation du SMTC en SMMAG en 2020, regroupant Grenoble Alpes Métropole, le Grésivaudan et le Pays voironnais, trace une première étape. Cette structuration est complétée par un périmètre de coopération plus large, le sud Isère, qui regroupe onze établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à l’échelle du grand bassin de mobilité, intégrant totalement le périmètre du SCoT. Cette perspective rend indispensable la question de la coopération avec le département et surtout de la région, qui dispose actuellement de la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) pour la plupart des EPCI de ce périmètre. Le passage à l’acte sera stratégique, car cet enjeu majeur de la coopération entre territoires est resté pour l’essentiel un vœu pieux depuis des décennies.

Figurant parmi les objectifs de la loi d’orientation des mobilités (LOM)5, la structuration des acteurs doit permettre de redéfinir la mobilité du quotidien, un enjeu majeur.

Après des années de réflexion, le projet de RER ou service express métropolitain bénéficie d’un fort soutien local et constitue une opportunité indispensable à saisir. Visant à offrir une réelle alternative à l’usage de la voiture pour les 820 000 habitants et 340 000 emplois de l’aire grenobloise, il concerne directement ou indirectement les sept intercommunalités du SCoT. Il est l’opportunité de faire du rail la colonne vertébrale des mobilités de la Grande région grenobloise (Greg), en améliorant la robustesse et la régularité des services. Il vise également à améliorer les relations avec les agglomérations voisines, notamment vers Lyon. Nécessitant un engagement sur le long terme, le projet doit structurer le développement du territoire, les gares et leur quartier, mais aussi en intégrant un schéma de parkings relais, et définir le rabattement et la complémentarité avec une offre de transports en commun routiers qu’il faut renforcer en parallèle.

La diversification de l’offre de transports en commun doit pouvoir passer par la multiplicité des solutions, adaptées à chaque contexte. Par exemple, le projet Métrocable, lancé en 2018, vise à poursuivre les innovations dans le bouquet de services de mobilité, en intermodalité avec les parkings relais et les lignes de tramway, pour faciliter la desserte de polarités économiques (Presqu’île scientifique) et accompagner les développements résidentiels à venir (projet Porte du Vercors).

Pourtant, bien qu’en baisse lors de l’EMD de 2020 (– 16 % en 10 ans), la place de la voiture reste déterminante et très largement majoritaire dans de nombreuses situations sans alternative. La dépendance au système automobile a accentué les inégalités sociales et les impacts négatifs de nos transports sur l’environnement. Face à ces enjeux, les politiques publiques n’ont pas véritablement apporté de réelles alternatives au système automobile : il est nécessaire que la réflexion sur les déplacements ne soit pas menée à travers l’unique prisme des transports collectifs. Il y a un enjeu de redéfinir le rôle de la voiture dans les solutions de mobilité, avec des propositions structurantes de covoiturage, d’autopartage et d’articulation accrue avec les autres modes.

Les derniers résultats de l’EMD montrent deux tendances à exploiter : la confirmation de la baisse de la mobilité, d’une part, et surtout un développement important des modes doux, d’autre part. Pour les déplacements de moins de cinq kilomètres, le développement du vélo et le renforcement de la marche constituent un potentiel important pour définir des trajectoires qui repensent les espaces publics avec un maillage fin et cohérent.

En misant sur la complémentarité entre les services de mobilités, l’enjeu est d’assurer le management de nos territoires, alors que le vieillissement de la population et la cohésion sociale et territoriale sont des défis majeurs à l’ère des transitions.

L’évolution à venir du SCoT de la Grande région de Grenoble doit contribuer à ce changement d’ère.

En conclusion (provisoire), la planification territoriale apparaît comme une condition indispensable pour penser les mobilités sur le long terme, horizon indispensable pour programmer des aménagements qui nécessitent des procédures lourdes, mais aussi pour tenir une trajectoire et faire évoluer des pratiques ainsi que le fonctionnement d’un territoire. En revanche, elle se révèle fragile et impuissante, sans continuité politique et technique pour obtenir l’alignement décisionnel d’un milieu fondamentalement partenarial. Disposer d’un écosystème riche en compétences et acteurs, au sein des collectivités territoriales comme au sein d’outils que sont, par exemple, les agences d’urbanisme, permet à ce titre de faire face aux aléas, de réactiver des projets avortés ou d’adapter les priorités. La succession de crises nous invite à articuler en permanence une stratégie territoriale, qui peut être incarnée et partagée dans le SCoT, et un pilotage programmatique, qui déploie sa feuille de route dans un environnement incertain.

  1. En 1963, l’architecte Henri Bernard est chargé d’une double fonction : l’État lui confie l’établissement du plan directeur de l’agglomération et la ville de Grenoble celui de son plan d’urbanisme (https://www.grenoble-patrimoine.fr/element/143/595-plan-bernard.htm).
  2. L. no 67-1253, 30 déc. 1967, d’orientation foncière, dite « LOF ».
  3. L. no 82-1153, 30 déc. 1982, d’orientation des transports intérieurs, dite « LOTI ».
  4. « Jean-Marc Offner : “Il faut briser les dogmes de l’aménagement et de l’urbanisme pour penser la ville de demain” », propos recueillis par Stéphane Cordobes, Horizons publics mai-juin 2020, no 15, p. 20-26.
  5. L. no 2019-1428, 24 déc. 2019, d’orientation des mobilités, dite « LOM ».
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