Revue

Cartoscopie

La place de l’eau dans nos territoires de vie

Le 27 octobre 2022

L’intrication de l’eau dans nos vies atteint son apogée au moment même où le changement global la rend plus menacée et menaçante.

Avec un corps composé à 70 % d’eau, l’être humain peut jeûner jusqu’à quarante jours, mais deux ou trois jours sans eau conduisent à une déshydratation fatale. La consommation quotidienne en France pour satisfaire tous nos besoins modernes atteint près de 150 litres par personne et toute restriction est mal vécue. Un épisode de sécheresse comme celle que traverse le pays cet été 2022 a des conséquences redoutables sur l’ensemble des milieux que nous habitons et des activités dont nous dépendons : chute des rendements agricoles, mégafeux qui ravagent les forêts desséchées, diminution de la production d’énergie faute de pouvoir refroidir les centrales nucléaires ou faire tourner les turbines hydro-électriques des barrages, etc. Jusqu’à nos explorations spatiales sur la Lune et sur Mars qui ont fait de la recherche de l’eau une priorité : sans traces de celle-ci, pas de vie extraterrestre envisageable.

Cartoscopie HP29

Que dire enfin de l’habitabilité de villes soumises à de fortes chaleurs qui ne disposent pas de fontaines et autres points d’eau, ni d’arbre ou de couvert végétal suffisant – faute d’eau – pour les rafraîchir et les rendre agréables à vivre, les condamnant à une coûteuse climatisation ?

Même si l’ensoleillement est plus souvent mentionné, cette présence de l’eau constitue un facteur d’attractivité déterminant pour beaucoup de territoires français : le succès des littoraux – bon nombre de villes ont réaménagé et valorisé ces dernières décennies leurs rivages – ne se dément pas. La présence d’un fleuve, d’une rivière, d’un plan d’eau, de bassins, de fontaines, sans compter le fameux miroir d’eau contribuent à la qualité de vie urbaine que les collectivités n’ont de cesse d’améliorer. On en vient à restaurer les points publics d’eau potable comme à Bordeaux ou Paris, à ressusciter des rivières enfouies dans les sous-sols ou dissimuler sous les décombres urbains pour bénéficier de l’agrément de leurs berges comme avec le Robec dans le centre de Rouen ou le fleuve des Aygalades qui traversent les quartiers populaires de Marseille, etc. Malgré leur multiplication, le nombre d’anneaux pour amarrer les bateaux de plaisance ne satisfait pas la demande.

Les piscines individuelles prospèrent et constituent en France avec plus 2,5 millions d’unité le deuxième marché mondial. Après avoir été délaissées pour cause de pollution et de construction massive de piscines publiques, les baignades urbaines font de nouveau l’objet d’attention malgré les interdictions encore légion : à Tours, on s’intéresse de près aux plaisirs offerts par la Loire ; à Vichy, on n’hésite plus à plonger dans l’Allier ; à Paris, on se baigne dans le bassin de la Villette, ce qui offre c’est – croyez-moi sur parole – une singulière expérience urbaine.

Paradoxe, l’intrication de l’eau dans nos vies atteint son apogée au moment même où le changement global la rend plus menacée et menaçante : d’un côté, des réserves en eau douce qui se raréfient, voire disparaissent ; de l’autre, des littoraux habités de plus en plus menacés par l’érosion, la submersion, ce qui pourrait à moyen terme bouleverser nos territoires, mais assurément pas la place primordiale de l’eau dans nos existences ni la congruité de sa cartographie.

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