Marie-Agnès Poussier-Winsback : «30% des secrétaires de mairie vont partir à la retraite d'ici 2030»

Le 20 novembre 2023

Marie-Agnès Poussier-Winsback, députée Horizons de la 9e circonscription de la Seine-Maritime, a porté la proposition de loi sur la revalorisation du métier de secrétaire de mairie (en procédure accélérée). Une proposition de loi adoptée mardi 14 novembre 2023 à l'unanimité (150 députés présents, 150 voix pour, 0 contre).

 

Ce métier de secrétaire de mairie est un métier à part entière, qui existe dans plus de 29 000 communes. Or il figure parmi les 12 métiers les plus en tension de recrutement dans la fonction publique territoriale. L'enjeu de cette loi est de rendre ce métier plus attractif et d'anticiper le départ à la retraite de 30% des effectifs dans les sept prochaines années.

 

Horizons publics l'a interviewé dans son bureau de l'Assemblée nationale au moment où la proposition de loi était examinée par les députés.

Quelles sont les exigences de la fonction des secrétaires de mairie?

Elles doivent être compétentes dans le domaine juridique, financier et managériale... Les secrétaires de mairie sont des personnes qui sont un peu des couteaux suisses voire des moutons à cinq pattes. Elles sont indispensables au fonctionnement des communes aujourd'hui dans notre pays.

Pourquoi une loi pour revaloriser le métier de secrétaire de mairie?

On a du mal à recruter aujourd'hui des secrétaires de mairie parce que d 'abord c'est un métier difficile, très exigeant, qui nécessite de très nombreuses compétences et puis une forte inquiétude parce que nous allons avoir dans les sept années à venir, c'est -à -dire d 'ici 2030, et bien 30% des secrétaires de mairie qui vont partir d'ici 2030, ça passe par peut -être déjà faire mieux connaître le métier et le rendre plus attractif. Cela passe aussi par une animation d'un réseau, vous avez des territoires où les secrétaires de mairie sont très isolées, elles connaissent à peine la secrétaire de mairie d'à côté. Au niveau départemental, à minima, les centres de gestion peuvent jouer un rôle d'animation. il faut aussi qu 'on puisse reconnaître concrètement leur compétence, c 'est -à -dire que le passage de catégorie C en catégorie B, je pense, est très attendu, parce que ça va correspondre à des faits, facilité de déroulement de carrière et puis concrètement, à une revalorisation salariale, et puis l'accès à des formations. Elles sont aussi très demandeuses de formation, parce que souvent elles ont un petit peu la tête dans le guidon, pardonnez -moi l 'expression, mais cela les empêche d'aller se former. On sait aussi que les formations, au -delà de la formation, c 'est aussi de l 'échange avec nos homologues.

Comment imaginez-vous la secrétaire de mairie de demain?

Comment je l 'imagine ? Toujours aussi motivé, un peu plus jeune, toujours à travailler ici, mais aussi peut -être là, parce que toutes les communes n 'ont pas la possibilité d 'embaucher à 35 heures une secrétaire de mairie, donc cette même mobilité possible, cette même polyvalence, Cette même écoute par rapport à la population, parce que l 'on sait que les permanences qu'elles tiennent, sont aussi très importantes en termes de cohésion sociale, en termes de remontée d 'informations pour les élus locaux.

L'exposé des motifs contenu dans la loi

Les secrétaires de mairie exercent dans les communes de moins de 3 500 habitants, où ils sont essentiels, à la fois pour les habitants, pour qui ils représentent le premier service public de proximité, et pour le maire, dont ils sont le principal – et parfois unique – collaborateur.

Souvent qualifiés de « couteaux suisses », ils assurent des missions diverses et variées, qui relèvent de l’accueil du public, de l’aide aux démarches administratives, de la médiation entre les citoyens et l’administration, du conseil au maire et aux élus municipaux, de la gestion budgétaire, de la comptabilité publique, de la commande publique, du droit funéraire, de l’état civil, de l’organisation des élections, de l’urbanisme, du fonctionnement de la commune et de ses instances, des dossiers de subventions, du suivi des agents techniques et des travaux, etc. En résumé, de véritables chevilles ouvrières de la vie communale.

Ce métier de secrétaire de mairie est un métier à part entière. Il existe dans plus de 29 000 communes. Or il figure parmi les 12 métiers les plus en tension de recrutement dans la fonction publique territoriale : on compte actuellement plus de 1 900 postes manquants et cette tendance risque de s’accentuer avec le départ à la retraite d’un tiers des agents actuellement en fonction d’ici à 2030. 

L’impérieuse nécessité de valoriser ce métier fait l’objet d’un large consensus politique, comme l’a montré, très récemment, l’adoption à l’unanimité par le Sénat d’une proposition de loi du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, modifiée par la commission des lois.

Le défi consiste non seulement à rendre ce métier davantage attractif au regard de son utilité majeure pour nos territoires, notamment les plus ruraux, mais aussi à reconnaître les agents - des femmes à 94% - qui l’exercent aujourd’hui. 

Les auteurs de la présente proposition de loi entendent répondre à ce double défi. 

La valorisation du métier de secrétaire de mairie passe tout d’abord par la reconnaissance du socle de compétences nécessaire pour exercer ces fonctions exigeantes. Au regard de la diversité des missions exercées par un secrétaire de mairie, il s’agit d’un métier très poly-compétent, qui exige à la fois de la technicité sur des sujets juridiques et budgétaires notamment, mais également des qualités humaines pour garantir la bonne relation avec les élus et les administrés. Au fil du temps, cette fonction a dû s’adapter, d’une part, à la complexité des procédures administratives et à l’évolution du paysage institutionnel (décentralisation, déconcentration, place de l’intercommunalité), et, d’autre part, aux besoins de générations renouvelées d’élus locaux ainsi qu’aux exigences accrues des citoyens

Au regard des compétences requises, cette fonction de secrétaire de mairie devrait relever a minima de la catégorie B. Or, aujourd’hui, si cette fonction est statutairement accessible aux trois catégories de la fonction publique (A, B et C), 61% des secrétaires de mairie en poste relèvent de la catégorie C. Par ailleurs, les maires comme les secrétaires de mairie regrettent qu’il n’y ait pas de formation préalable à la prise de fonctions, et que la formation continue soit peu accessible au regard des contraintes de temps et de remplacement sur cette fonction de guichet.

La présente proposition de loi vise, d’une part, à répondre à ce besoin de renforcement des compétences tout en veillant à conserver un large vivier de candidats et, d’autre part, à reconnaître l’expérience des agents de catégorie C exerçant d’ores et déjà cette fonction. 

À cet égard, l’article premier permet de créer une voie de promotion interne dérogatoire, en dehors des quotas, pour des agents de catégorie C qui exercent la fonction de secrétaire de mairie, afin de leur permettre, par le biais d’un processus de reconnaissance des acquis de l’expérience simplifié, d’être nommés en catégorie B. Il s’agit ici d’une forme de plan de requalification qui s’adresse aux secrétaires de mairie actuellement en fonction.

L’article 2 s’intéresse, quant à lui, aux futurs secrétaires de mairie, en prévoyant une formation qualifiante initiale, de façon à permettre à un agent de catégorie C - quel que soit son cadre d’emploi ou sa filière, ce qui permettra d’élargir le vivier - faisant fonction de secrétaire de mairie ou occupant d’autres fonctions mais souhaitant accéder à celles-ci, d’exercer ces fonctions et à ce titre d’être promu en catégorie B en ayant validé des compétences spécifiques. 

Enfin, l’article 3 reconnaît la spécificité du métier de secrétaire de mairie en offrant aux agents qui l’exercent le bénéfice d’avancements de carrière accéléré, au profit de la poursuite de leur parcours professionnel au sein de la commune qui les emploie ou dans d’autres collectivités, par exemple sur des postes de directeur général des services (DGS) dans des communes de plus de 2000 habitants.  Cette proposition de loi se veut une première réponse à la problèmatique des secrétaires de mairie, qui devra être complétée à la fois par des actes réglementaires, mais aussi par des échanges de bonnes pratiques en matière de partage des fonctions entre différentes communes, d’utilisation de logiciels, d’accès et de contenu de la formation continue, de remplacement en cas d’absence, de recours au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP), etc..

×

A lire aussi