Birgitte Svarre : «Il faut remettre de l'humain au coeur de l'espace public»

La vie dans l'espace public
Le 18 décembre 2019

Birgitte Svarre détient une maîtrise en culture moderne de l’université de Copenhague et un doctorat de l’École d’architecture de l’Académie royale des beaux-arts du Danemark. Directrice et chef d’équipe de la ville chez l’agence d’architecture Gehl, elle co-signe avec Jan Gehl La vie dans l’espace public, comment l’étudier (Ed. Ecosociété, Guide pratique, 18,99€)

Comment est né le champ d’étude de la vie dans l’espace public ?

Cela a commencé dans les années soixante et s’est rapidement propagé dans de nombreuses villes. De nouvelles zones d’habitations se sont construites mais il semblait que quelque chose manquait entre ces immeubles. Jan Gehl, avec d’autres, ont commencé à étudier la vie entre ces immeubles. À New York, Jane Jacobs se battait contre l’édification d’une autoroute qui couperait son quartier en deux et a commencé à écrire sur la manière de « sauver » les villes. La réaction contre ces villes modernes avec des fonctions séparées, des immeubles isolés et aucune attention portée aux piétons a été suivie d’un besoin d’approfondir les connaissances sur ce qui marchait et ce qui ne marchait pas en termes de vie sociale dans nos rues et nos espaces publics.

Quelles sont les étapes marquantes de son histoire ?

Durant la première phase (1960-1980) les études de l’espace public visaient une meilleure compréhension et une approche holistique de la planification urbaine. Au cours de la deuxième phase (1980-2000), ces études sont devenues des outils stratégiques au-delà des universités et des écoles d’architecture, se répandant dans les villes. Depuis les années 2000 elles font partie de l’agenda politique mondial. L’habitabilité des villes fait partie des préoccupations majeures aux côtés de la viabilité environnementale, de la santé et de la sécurité. Depuis les années 2010, nous sommes entrés dans une quatrième phase où le focus se porte d’avantage sur le climat avec une urgence, celle de favoriser la bascule vers des modes de transport plus respectueux du climat comme la marche ou le vélo.

Pourriez-vous nous citer des exemples d’études dont les conclusions ont été appliquées et avec quels résultats ?

Copenhague a été une ville pionnière en la matière, un laboratoire de développement de certains outils. De nombreuses autres ont suivi de Londres à Moscou. On a utilisé des outils de la vie publique pour rendre la ville plus adaptée au piéton et plus attrayante, pour en faire un lieu où les gens souhaitent passer du temps. Les résultats positifs de ces initiatives, consignés dans différents rapports, ont donné aux politiciens le courage de poursuivre comme l’ont précisé l’ancien ministre danois de l’Environnement et la Construction, Bente Frost. À Sydney, les études sur la vie publique ont fourni à l’administration une base pour prendre des décisions éclairées sur les lieux de la ville à développer. L’artère centrale de la ville, George Street, connaît actuellement une véritable mutation : autrefois rue dominée par la voiture, elle est aujourd’hui une rue pour circuler en tram, marcher, s’attarder ou même s’asseoir.

La vie dans l'espace public

La vie dans l'espace public

Dans les villes du Nord et du Sud où l’humanité continue de se masser, il est certainement possible de concevoir des espaces publics plus viables et plus propices aux échanges, aux rassemblements, à la simple douceur d’habiter vraiment la ville. Mais pour pouvoir intervenir intelligemment, il faut d’abord savoir observer les comportements sur le terrain, constater l’usage que les gens font des rues et des trottoirs, de leurs ruelles, des terrains de jeu, des places et des terrasses, et comprendre les réussites et les échecs de l’urbanisme tels qu’ils s’imposent à nos vies au quotidien. 

Pourquoi certains lieux urbains respirent-ils la vie alors que d’autres, infréquentables, ne sont pour les piétons et les cyclistes que des déserts à franchir en vitesse ? Comment se fait-il que dans certaines rues tout le monde se connaisse mais qu’ailleurs on déplore la froideur de ses voisins ? Y a-t-il un seuil de fréquentation en deçà duquel on peut considérer que la conception d’un parc est hostile aux femmes, aux enfants ou aux personnes à mobilité réduite ? 

À toutes ces questions, Jan Gehl et Birgitte Svarre proposent ici de répondre avec les instruments de l’étude de la vie dans l’espace public, une pratique qui met l’humain au centre des préoccu­pations et qui est aujourd’hui responsable de succès éclatants dans les plus grandes villes du monde. Des méthodes d’investigation simples, accessibles, élaborées sur le terrain depuis 50 ans à partir du constat de l’échec du modernisme et du tout-à-l’auto, et qui fournissent des données quantifiées pour outiller les responsables politiques, les urbanistes et les citoyens.

Un récit et une méthode, pour rêver et agir — et enfin bâtir des villes axées sur la mobilité, la lutte contre les changements climatiques et la justice sociale.

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