Revue
Cultures publiquesVisite apprenante : BlaBlaCar soigne ses salariés

Dans le cadre du cycle supérieur des directeurs des ressources humaines (DRH) des grandes collectivités, l’Institut national des études territoriales (INET) accompagne les cadres de DRH à préparer dès aujourd’hui les compétences des collectivités de demain.
Une journée de visite apprenante s’est déroulée le 28 juin 2023 dans trois entreprises privées (Norsys, BlaBlaCar et Microsoft) et une organisation publique (la Caisse nationale d’assurance vieillesse [CNAV]). Horizons publics a demandé à la promotion 2023 de raconter ces expériences en immersion et les enseignements à en tirer en matière d'attractivité et de stratégie RH pour moderniser ou faire évoluer leurs organisations publiques.
Première visite apprenante : BlaBlaCar. La plateforme française de covoiturage ne lésine pas sur les moyens pour chouchouter ses salariés avec son nouveau siège social flambant neuf, surnommé « le village », inauguré en juin 2022 près de la place de la Bastille, à Paris, où Albane Houssenet nous accueille. Avec ses salles de fitness et de yoga, son studio de musique, ses espaces de convivialité partagés, son « mur des ambassadeurs », son rooftop avec vue imprenable sur les toits de Paris, ses équipements ultra-modernes, BlaBlaCar a de solides arguments pour attirer de nouveaux talents.
L’entreprise, devenue internationale, compte 800 salariés dont 530 en France. La moyenne d’âge est de 34 ans. Au-delà du bâtiment chic et moderne, elle offre de nombreux avantages à ses collaborateurs sur le marché très concurrentiel des start-up et des licornes par une culture d’entreprise très affirmée et une volonté affichée de contribuer au bonheur de ses salariés.
Et BlaBlaCar permet le full télétravail, indemnise généreusement ses collaborateurs lorsqu’ils se déplacent pour revenir sur site et finance les équipements nécessaires à la maison. Par ailleurs, l’entreprise développe une politique d’accompagnement à la parentalité très favorable en allongeant la durée des congés paternité et maternité.
L’engagement des collaborateurs est mesuré chaque mois et un bilan plus complet sur le climat social est réalisé tous les six mois.
Le sentiment d’appartenance est entretenu avec des « BlaBlaTalks » permettant régulièrement à un collaborateur, une équipe ou un département de partager une idée, une expérience ou l’avancée d’un projet avec toute l’entreprise, des afterworks et des séminaires annuels festifs, même si la prise de conscience environnementale la conduit à limiter les déplacements de ses collaborateurs vers des lieux de rassemblement trop lointains…
Blablacar investit également à fond sur sa politique de recrutement avec des moyens conséquents. L’équipe dédiée est composée de 13 chargés de recrutement, chacun d’entre eux ne pilote pas plus de deux procédures de recrutement par mois.
L’entreprise se donne des objectifs ambitieux en matière de recrutement en adoptant la devise RH des plus grandes entreprises américaines : « Attirer et engager les bons talents pour soutenir la croissance du business en mettant en avant la culture de la diversité. »
L'expérience candidat au cœur du dispositif
Le parcours académique n’est pas la référence : le plus important est la capacité que le candidat aura à s’intégrer dans l’équipe, c’est pourquoi une grande attention est portée aux soft skills, ces qualités humaines et aptitudes liées à la personnalité. Au préalable, tout recrutement fait l’objet d’une analyse sérieuse du besoin, ensuite pas d’entretiens menés à la chaîne. Les canaux de recrutement privilégient la cooptation et s’appuient sur des techniques de « chasse » pour les profils les plus spécifiques. Chaque procédure de recrutement dure environ soixante jours. Tous les managers concernés sont associés et doivent faire des retours argumentés sur le candidat. Tout candidat non retenu bénéficie d’un entretien complet de debriefing ; même non retenu sur un poste, il peut s’avérer intéressant pour l’avenir et BlaBlaCar soigne ainsi sa marque employeur.
Cette procédure singulière de recrutement à travers l’ampleur des moyens consacrés interroge : le jeu en vaut-il la chandelle ? En effet, on apprend que la durée de vie d’un collaborateur au sein de l’entreprise est de trois années et demie.
Peu de perspectives d’évolution de carrière sont offertes : cela peut-il expliquer ce fort turn-over ? Le salarié est recruté en fonction du besoin dans l’objectif d’être directement opérationnel, un CDI lui est rapidement proposé (après quatre mois d’essais). Force est de constater que cela ne suffit pas à lui donner envie de rester chez BlaBlaCar, mais ce n’est sans doute pas non plus le but. BlaBlaCar se heurte peut-être à de faibles perspectives en raison notamment d’une ligne hiérarchique plate. Selon nous, le full télétravail ne favoriserait pas le sentiment d’appartenance et inciterait les salariés à rejoindre BlaBlaCar pour enrichir leur carte de visite et booster leur expérience professionnelle. Côté BlaBlaCar, ce constat est accepté, car il permet de recruter des candidats toujours à la pointe de l’innovation.
Si les collectivités territoriales peuvent prendre pour exemple cette politique de recrutement approfondie fondée sur une sérieuse analyse du besoin préalable, la recherche du salarié « collègue idéal » opérationnel immédiatement, le coût de ces recrutements peut être lourd si le candidat retenu ne fait que passer.