Visite apprenante chez Norsys : La «permaentreprise», un modèle pour les collectivités locales ?

Deuxième visite apprenante dans les locaux parisiens de Norsys, une entreprise de services numériques, et rencontre avec Sylvain Breuzard, son président-directeur général (PDG) et ses équipes. Ardent défenseur de la permaentreprise, ce patron atypique a mis en place un modèle d’entreprise, inspiré de la permaculture, qui vise à prendre soin des humains, préserver la planète et redistribuer les richesses.

Peut-il s’appliquer aux collectivités locales ?

C’est dans un ancien showroom de meubles art déco que nous avons rencontré Sylvain Breuzard, fondateur et président de Norsys, qui a partagé avec enthousiasme le concept de « permaentreprise » qu’il a développé et fait fructifier au sein de son entreprise qui compte 600 salariés.

Les locaux sont atypiques, à l’image de l’entreprise qu’ils accueillent, mêlant décoration datée et modernité de l’open-space, complètement déserté par les salariés en télétravail au moment de notre visite.

Faire « pousser les idées »

Cette jolie formule illustre la volonté de Sylvain Breuzard qui a souhaité, en fondant Norsys, créer l’exact opposé de la grande firme informatique américaine dans laquelle il a débuté sa carrière dans les années 1970. Cette volonté et cette vision s’incarnent dans quelques principes simples, mais chocs, qu’il répètera régulièrement tout au long de notre rencontre.

Sylvain Breuzard, PDG de norsys, auteur de "La permaentreprise, un modèle viable pour un futur vivable, inspiré de la permaculture"

« Toujours faire d’une contrainte une opportunité » : c’est ainsi que le chef d’entreprise s’est saisi de la norme RSE (responsabilité sociale des entreprises) pour engager une démarche de performance globale à la fois économique, sociale et environnementale. Pour aller au-delà, convaincu que l’entreprise est la mieux placée pour faire bouger les lignes, Sylvain Breuzard imagine, dès 2019, une réponse globale aux défis de notre temps : créer de la valeur en prenant soin des humains, en préservant la planète, en partageant équitablement les richesses.

Ces valeurs font écho à nos oreilles de fonctionnaires territoriaux. Préserver les ressources et œuvrer à moins d’inégalités sont des sujets quotidiens et brûlants pour les collectivités territoriales et l’action publique en général. Ce concept de « permaentreprise » pourrait-il s’adapter et devenir une « permacollectivité » ?

Certes, il semble difficile de transposer le modèle en l’état. Pour autant, certains principes, idées, expériences, ont pu retenir notre attention.

« Casser les modèles quand ils fonctionnent. »

Cette formule, employée par Matthieu Gerbin, directeur Norsys Paris, illustre parfaitement l’idée de conduite de changement dans la sérénité. Parce que l’expérimentation est au cœur des processus de l’entreprise, et que le mode projet est maîtrisé, Norsys a développé une véritable culture du changement. Les différentes évolutions de l’entreprise dans son mode de gestion, sa recherche continue de nouvelles réponses aux défis contemporains démontre bien l’intérêt de savoir anticiper les changements pour ne pas les subir.

C’est ainsi que sont apparus « les pirates ». Sous ce nom étrange se cachent des collaborateurs qui proposent de s’investir sur un sujet différent de leur mission principale : « Les pirates s’attaquent à un sujet et le passent à la moulinette », précise Sylvain Breuzard.

Ainsi la question du management moulinée par les pirates a donné lieu à la mise en place d’une sorte de miroir pour accompagner les collaborateurs plutôt qu’un management hiérarchique classique. Un collaborateur accompagne, interroge et répond aux interrogations d’un autre dans une hiérarchie à plat davantage fondée sur les compétences.

Préserver les ressources et oeuvrer à moins d’inégalités sont des sujets quotidiens et brûlants pour les collectivités territoriales et l’action publique en général.

Un suivi d’activité extrêmement rigoureux et adapté aux objectifs de l’entreprise

Chez Norsys, de nombreux outils de pilotage sont déployés. Ce suivi très rigoureux peut sembler trancher avec l’image de souplesse que véhicule à première vue l’entreprise. Véritables précurseurs en matière de « démarche qualité » et « d’amélioration continue », Sylvain Breuzard et ses collaborateurs ont développé des outils de suivi très complets, dont un référentiel propre dans le cadre du projet global d’entreprise, et un dispositif de contrôle interne avec des audits réguliers.

Ils ont également mis en place un système d’enquêtes internes, mais aussi des objectifs permettant de mesurer non seulement la réalisation de l’objectif chiffré, mais aussi l’impact de l’activité en termes environnemental, sociétal, RH, etc.

Des processus de décisions ouverts et partagés

À l’image des pratiques de « démocratie éclairée ou participative », Norsys a mis en place depuis une dizaine d’années différents outils permettant de solliciter les collaborateurs, débattre et mettre au vote les décisions relatives à l’entreprise et la gestion des agences, ainsi qu’un conseil d’éthique que tout un chacun peut saisir même sur une question relevant de la nature d’un client ou d’une mission. Dans toutes ces réflexions collectives, l’équipe de direction cherche à rassembler un panel représentatif des salariés, en y associant toujours un collaborateur de moins de 30 ans. L’objectif est bien de faire émerger les idées plutôt que d’imposer et de recueillir une large majorité pour avancer dans le consensus.

Attention à l’essoufflement !

Comme tout projet politique, vivre la permaentreprise suppose un minimum (voire un maximum !) d’adhésion au projet. C’est déjà un premier point qui peut poser question lorsqu’on réfléchit à la transposition d’un tel modèle dans nos collectivités. Au-delà, se réinventer en permanence suppose que la direction accorde une attention particulière à la préservation des ressources notamment humaines et particulièrement les cadres.