Web
ExpertisesVisite apprenante : l’expérimentation RH à petits pas à la CNAV, une méthode pour transformer
Dans le cadre du cycle supérieur des directeurs des ressources humaines (DRH) des grandes collectivités, l’Institut national des études territoriales (INET) accompagne les cadres de DRH à préparer dès aujourd’hui les compétences des collectivités de demain. Une journée de visite apprenante s’est déroulée le 28 juin 2023 dans trois entreprises privées (Norsys, BlaBlaCar et Microsoft) et une organisation publique (la Caisse nationale d’assurance vieillesse [CNAV]). Horizons publics a demandé à la promotion 2023 de raconter ces expériences en immersion.
Quatrième visite apprenante à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Avec 3 600 salariés en central et plus de 14 000 en région au sein des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), cet établissement public est confronté à des défis RH majeurs.
Une fois franchi l’accueil classique d’une administration, la Canteam, accélérateur de transformation, lab de la CNAV, incarne le renouveau et contraste avec les bâtiments austères. “Nous sommes devenus des acteurs de l’inattendu”, c’est ainsi que Jérôme Friteau, Directeur des relations sociales et de la transformation de la CNAV, présente le principal enjeu d’adaptation et de transformation des ressources humaines au sein de cette administration.
Engagé dans son métier de DRH dont il parle avec enthousiasme, il explique que cette transformation est incontournable et qu'elle doit porter l’action des équipes en charge des ressources humaines. Il est fondamental d’aller au-delà des enjeux de gestion classique pour savoir identifier les transitions du travail et s’y atteler.
“Dépasser le Grand Sens du Service Public et aller vers le petit sens, celui qui va animer tous les jours le collaborateur”. L’organisation du travail, la qualité du management, l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle, le parcours professionnels...sont autant de sujets dans lesquels il faut s’engouffrer. Et cela pour tenir compte des dernières évolutions sociétales : les attentes de l’après COVID ou encore l’intelligence artificielle et le digital.
Son maître mot ”expérimenter à petits pas” mais pour cela il faut également accepter de se tromper et donc d’ajuster.
La semaine des 4 jours
La CNAV a une longue expérience dans la personnalisation des organisations de travail dont Jérôme Friteau a bien compris l’enjeu en matière de motivation des collaborateurs. En 2018, elle impulse la flexibilité des horaires pour réduire les plages de travail fixes, en 2021 elle déploie le télétravail “raisonné” et sur mesure à hauteur de 2 jours par semaine tout en étant attentif aux situations particulières pour les salariés concernés par des situations de handicap ou de l’accompagnement de parents séniors.
Sur mesure mais également une recherche permanente d’un management par l’égalité. C’est ainsi que la réflexion sur la semaine des 4 jours a été amorcée. L’idée était de toucher les salariés dont les métiers ne sont pas éligibles au télétravail et de prendre en compte leurs contraintes. Jérôme Friteau insiste, il ne s’agit pas de généraliser ou d’imposer la semaine de 4 jours, mais bien de proposer des modalités de travail alternatives au télétravail.
Ainsi une vingtaine d’agents en charge de la numérisation des dossiers, tous volontaires, expérimentent depuis 2022 la semaine de 4 jours (temps de travail et rémunération à l’identique). Cette expérimentation est accompagnée par une équipe de chercheurs en neurosciences qui analysent les impacts, leurs conclusions serviront à ajuster les propositions.
Avoir une stratégie prospective des métiers
A la CNAV il existe 140 métiers, une démarche globale était donc impossible. L’idée a donc été de se concentrer sur ceux qui étaient le plus en tension. Après avoir recherché quels étaient les métiers les plus “transformés” à l’épreuve du digital et de l’évolution des politiques publiques, la démarche s’est centrée sur les référents techniques et les techniciens conseil carrière. La clé de la réussite est "de travailler en tandem avec les directions métiers pour partager leur réalité de terrain et analyser l’évolution de leur emploi pour comprendre de façon très concrète quels sont les impacts sur les compétences, sur l’environnement de travail...”.
“Cela permet de partager, de se projeter et d'anticiper les facteurs transformants des métiers” précise Violaine Coulon responsable du Pôle de veille des métiers et de la transformation. Son rôle est de créer un espace de discussion pour faciliter ces échanges sur le travail et sur les relations de travail. Suite à cela, un plan d’accompagnement est proposé sur les compétences, les pratiques managériales...
Le dialogue est mené avec les agents de métiers, les managers et les ressources humaines. Ces temps de réunion sont des 1ers pas dans le partage d’informations et dans la projection du métier et de sa pratique opérationnelle.” Et c’est autant de temps de gagné pour la suite car nouer le dialogue avec les personnes concernées c’est leur permettre d’être acteurs” confirme-t-elle. Par exemple, comment est-ce que l’outil CHAT GPT va impacter vos différentes missions ? C’est la question qui a été posée à toutes les directions qui ont été invitées à tester l’intelligence artificielle sur différents cas d’usages (rédaction d’un courrier...) et à se questionner sur la plus-value de leur métier au regard de ces dernières évolutions technologiques.
Des outils travaillés sur mesure pour les managers
Pour mettre en œuvre cette ambition et porter cette dynamique, les managers font l’objet d’un accompagnement adapté et sur-mesure fondé sur 3 outils : le portrait robot du manager (qu’attendons nous de nos managers?), l’auto-diagnostic (quel chemin à parcourir pour chacun de nos managers?) et le plan de formation modulaire (que proposer pour monter en compétence?).
La construction de ces dispositifs a nécessité 1 an et demi de travail pour être le plus en prise possible avec les attendus et des besoins des 650 managers de la CNAV et des CARSAT. “C’est avant tout un outil d’appropriation et non un outil scientifique” précise Anne Willemsem en charge du dispositif dont la philosophie est bien de faire changer les métiers et les pratiques.
Les bonnes pratiques à transposer
Le portrait robot du manager est spécifiquement défini sur 5 axes autour du management de la transformation des métiers, du management des compétences de son équipe ou des process, mais encore du pilotage de la performance. L’autodiagnostic manager Carrière 2.0 est, lui, un outil complémentaire qui permet à chaque manager de travailler individuellement sur ses compétences et d’avoir une base d’échange en entretien professionnel dans un processus d’évolution permanente. Il donne également un portrait global par CARSAT du profil managérial permettant ainsi une adaptation par organisme.
La force du plan de formations réside dans sa modularité, chaque manager venant ainsi composer son parcours numérique au regard de son profil et de ses axes de travail. C’est une belle réussite avec 60% des managers connectés et actifs, reste à aller solliciter les 40% qui sont encore insuffisamment actifs sur la plateforme en ligne proposée.
Et quand il faut se confronter à la réalité, c’est le café manager qui est actionné. Pendant 1h30, en se connectant à distance jusque 100 participants peuvent aborder une problématique ou une question commune. Par exemple, les bonnes pratiques pour animer une réunion à distance, mener une réunion hybride...