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Quand l’action publique entre en synergie avec la dynamique des tiers-lieux

Le Wip
Le Wip (Work in progress) est situé à Colombelles, en Normandie, sur la friche de l’ancien atelier électrique de la Société Métallurgique de Normandie. Il s’étend aujourd'hui sur deux hectares de terrain avec 3 000 m² d’espace qui comprend de l’événementiel, de la restauration, une micro folie, des espaces de création artistique, des ateliers, etc. Le tout, ouvert à tous.
©François Monnier - Septième Ciel - Photo aérienne du Wip dans l'ouvrage FAIRE (tiers-) LIEU (p. 4 - 5)
Le 4 avril 2022

Parfois vus comme gadgets ou trop liés au numérique, les tiers-lieux sont au contraire un véritable atout pour les territoires souhaitant expérimenter de nouvelles formes de l’action publique. Inclusion, liens avec Pôle emploi ou encore avec la justice dans le cadre des travaux d’intérêts généraux (TIG), certaines initiatives commencent à démontrer qu’il est possible de mener une action publique différente. Pour les tiers-lieux, c’est aussi l’occasion de se rapprocher de leur ADN initial : la mixité des publics.

L’accompagnement des personnes en très grande difficulté se fait sur le temps long. Elles sont souvent confrontées à des problèmes médicaux, familiaux, sociaux ou économiques complexes. Les acteurs publics de l’insertion tentent toujours de trouver des solutions pour les faire revenir à une situation stable. Ce travail passe par beaucoup de dialogues, de structures et de dispositifs différents. Mais parfois pour un résultat peu satisfaisant : « C’est là où nous venons proposer de nouvelles formes, parce qu’en effet, il y a un épuisement des solutions déjà existantes », annonce Ophélie Deyrolle, présidente du tiers-lieu le Wip (Work in progress).

Les tiers-lieux sont structurés pour expérimenter, se tromper et tester. Un fonctionnement qui attire les acteurs publics, soucieux de renouveler leur manière de faire. Et particulièrement avec les publics en difficulté, qui nécessitent, pour une plus grande efficacité, une attention et un accompagnement au cas par cas.

Work in progress…

Le Wip est situé à Colombelles, en Normandie. Il s’étend sur deux hectares de terrain avec 3 000 m² d’espace qui comprend de l’événementiel, de la restauration, une micro folie, des espaces de création artistique, des ateliers, etc. Le tout, ouvert à tous. Dès 2017, le Wip a souhaité atteindre les cibles difficiles à faire venir au sein du tiers-lieu (public éloigné de l’emploi, en insertion, etc.). Pour cela, il a répondu à un appel à projets, « Tiers-lieu d’inclusion numérique », qui a permis de créer un premier partenariat avec la mission locale et la ville de Colombelles. Convaincu que la porte d’entrée est la bonne, mais que le projet peut être encore plus efficace, les acteurs du Wip concluent que la meilleure manière est de travailler directement avec les acteurs de l’insertion. En 2020, avec deux autres tiers-lieux de l’agglomération caennaise et quatre acteurs de l’insertion, le Wip devient lauréat de l’appel à projets national, « 100 % Inclusion – La fabrique de la remobilisation », lancé par l’État dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC). Le projet, appelé « Territoires partagés », va être expérimenté sur une durée de trois ans.

Les deux principaux objectifs sont d’associer et d’allier les compétences des acteurs de l’insertion traditionnels à des tiers-lieux et de mettre en place des parcours avec des certifications en Open badge. Une technologie numérique qui permet la reconnaissance des savoir être et savoir-faire. 500 personnes devraient pouvoir profiter de ces parcours apprenants au cours des trois années d’expérimentation.

Pour atteindre cet objectif, de nombreux acteurs sont engagés. Les personnes ciblées par Territoires partagés sont celles qui sont sorties des dispositifs d’accompagnement. L’enjeu des différentes structures est de les ramener vers des activités pour co-fonder des parcours qui mèneront vers une sortie positive (emploi, bénévolat, étude). L’accompagnement peut s’étaler sur quinze mois. Les sept structures qui composent Territoires partagés ont dû se doter de nouvelles compétences comme des éducateurs spécialisés ou des assistants sociaux. Le Wip a ainsi embauché deux personnes et les structures d’insertion ont également recruté des encadrants techniques, ils ont la double compétence pour animer des ateliers : « Territoires partagés, c’est une équipe interstructure, d’une vingtaine de personnes, dédiée à ce projet. On a une approche très transversale. On apprend des méthodologies de travail entre les acteurs de l’inclusion et des tiers-lieux. Cela va du repérage des personnes jusqu’aux sorties positives en passant par le tissage de liens avec des structures de l’État, des entreprises, etc. », détaille Ophélie Deyrolle.

Le repérage des personnes est réalisé par les équipes de Territoires partagés ou en lien avec des partenaires comme le centre communal d’action sociale (CCAS), le Secours populaire ou la Croix rouge. Lorsqu’ils organisent des soupes, les équipes de Territoires partagés sont présentes et échangent avec les personnes en difficulté, elles installent une habitude. Ensuite, lorsque le lien de confiance est créé, elles leur offrent de venir participer à des ateliers-découverte : « On leur propose de participer à une dynamique de groupe. On ne les amène pas à s’engager dans un parcours, mais on suggère juste de participer à des activités. Les sept structures ont une très grande diversité d’activités : jardinage, photo, construction, radio, etc. La personne peut aller butiner. Elle reste encadrée par l’acteur avec qui elle a créé le lien de confiance », ajoute la présidente du Wip.

Nécessité de multiples acteurs

Cette pluralité d’acteurs et les collaborations qui en ressortent sont indispensables à l’efficacité des parcours d’insertion. Ces pratiques se développent en France. C’est le cas de Pôle emploi Île-de-France et de son partenariat avec l’association France Tiers-lieux. Leur objectif ? Mobiliser les tiers-lieux de la région pour lutter contre la fracture numérique : « Cette collaboration doit permettre de renforcer les chances et opportunités de retour à l’emploi des demandeurs en précarité voire en exclusion numérique », partage Hélène Moutel, directrice régionale adjointe en charge de la stratégie et des relations extérieures à Pôle emploi Île-de-France. De ce partenariat, une relation étroite est née entre les acteurs du territoire. Ensemble, ils ont identifié les bénéficiaires et ont construit avec eux les parcours (ateliers en fab lab, impression 3D, Open badge, etc.).

À l’autre bout de la France, à Grasse (06), le tiers-lieu de Sainte-Marthe participe depuis 2021 à une expérimentation nationale permettant l’accueil des personnes ayant à effectuer des travaux d'intérêt général (TIG) dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS).

Selon Philippe Chemla, un des initiateurs de la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) Transition écologique territoriale par la recherche et l’innovation sociale (TETRIS), ces dispositifs ont encore besoin de plus de systémie, « ce serait la possibilité de travailler de façon plus étroite avec les dispositifs politiques de la ville et de sortir de la dynamique des silos. Les politiques publiques ne fonctionnent que si elles sont vues en transversalité et pour l’instant on n’y est pas encore ». Il souligne malgré tout la souplesse du dispositif : « Nous sommes une entreprise avec 24 salariés, même si on a envie, on n’a pas forcément les compétences pour assumer tous les profils ni pour être pertinent dans n’importe quel cas de figure. Il y a vraiment un suivi, un encadrement, c’est un vrai avantage de ce dispositif. Si on voit qu’on n’est pas capable, qu’il y a un souci, on peut retourner vers la personne qui nous a apporté le TIG et on a la possibilité de rupture. Ça sécurise la structure. Leur réactivité est très importante. C’est ce qui rend les choses possibles, pouvoir avoir des échanges. »

Un constat partagé par Charline Beaupré, référente territoriale du TIG dans les Alpes-Maritimes : « C’est très agréable de retrouver ça avec nos partenaires, ils savent qu’ils ne sont pas tout seuls quand ils reçoivent une personne en TIG, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) est également à leurs côtés et moi, en tant que référente territoriale. C’est pour ça que ça fonctionne bien, on peut aussi les contacter si on a besoin de communiquer. »

Souplesse de l’expérimentation

L’ADN des tiers-lieux est composé d’une grande capacité d’adaptation et d’expérimentation. L’adaptation dans un premier temps, entre les différents acteurs publics et privés : « Si on veut faire des projets transversaux, confie Ophélie Deyrolle, il y a un temps d’acculturation. Les tiers-lieux et les structures d’insertion ne parlent pas le même langage. On ne met pas la même chose derrière les mots “parcours”, “compétence” et “inclusion”. Il faut un temps d’acculturation sur le langage, les outils, la façon de prendre des décisions, sur les cultures d’entreprise qui sont très différentes. » Un point sur lequel Philippe Chemla la rejoint : « Ces expérimentations sont la rencontre entre les fonctionnaires de l’État, les fonctionnaires territoriaux, des personnes diverses et variées. C’est la formation qui nous permet à tous de nous améliorer et de créer une bonne culture commune », explique-t-il.

L’expérimentation permet également à tous les acteurs d’être force de proposition et de faire évoluer les parcours.

Dans le cas des TIG, Charline Beaupré précise la direction que pourrait prendre le projet : « Le TIG peut s’effectuer de différentes manières, aujourd’hui on appelle ça le « parcours d’intérêt général ». On peut le faire de manière individuelle, la personne vient seule dans une structure, comme à TETRIS. On peut faire un TIG collectif, en nettoyant les bords de mer, par exemple. Et on peut faire du TIG pédagogique avec des sessions de formation pendant le TIG, comme apprendre les gestes de premiers secours. Éventuellement, l’idée avec les équipes de TETRIS si elles sont d’accord, serait d’avancer vers du TIG pédagogique. L’expérimentation pourra permettre cela si on voit que ça peut fonctionner. On ne s’interdit pas non plus de faire évoluer le type de poste proposé, nous sommes dans un échange. »

Les relations entre tiers-lieux et services de l’État sont une partie des études menées par le centre de recherche en sciences sociales de TETRIS. Mais il est encore trop tôt pour analyser les résultats : « L’observation a surtout porté jusqu’à présent sur l’effet du fonctionnement coopératif sur les personnes, et a priori, la valeur ajoutée du tiers-lieu est à cet endroit. Ce n’est pas tant le contenu des missions que le contexte dans lequel elles se situent », rapporte Philippe Chemla.

L’importance de la recherche

L’évaluation est une part importante des expérimentations menées dans les tiers-lieux. Celui de Sainte-Marthe s’inscrit dans cette perspective, expérimentation et innovation avec la particularité qu’il fait partie des quelques tiers-lieux de recherche en France, « c’est-à-dire qu’on embarque de la recherche, résume Philippe Chemla. Comme pour la majorité des tiers-lieux, nous sommes sollicités par des chercheurs qui viennent étudier ce qu’on fait et comment on fait. Nous complétons avec une démarche de recherche embarquée avec des chercheurs qui font partie de la dynamique et qui, donc, modifient leur posture. Ça nous permet de regarder comment on fait des liens avec les politiques publiques, c’est d’autant plus intéressant d’avoir cette analyse et cette réflexion. »

Les analyses sont chiffrées, mais suivent également la vision des tiers-lieux en proposant des évaluations plus sensibles : « Il y a un enjeu d’évaluation de l’utilisation des finances publiques. Un des critères chiffrés, ce sont les sorties positives, expose Ophélie Deyrolle du Wip. Elles se construisent dans le temps long, on est accompagné par un organisme d’évaluation. Mais notre enjeu c’est aussi la confiance en soi, la stabilité de la situation socio-économique et familiale, on met plus de choses que le retour à l’emploi vers la sortie positive. » La recherche se positionne comme un élément décisif pour pérenniser la synergie entre les acteurs publics et les tiers-lieux.

Bénéfices pour les personnes accompagnées

Certains bénéficiaires de ces dispositifs souhaitent également participer à l’évaluation : « Ils sont demandeurs, ils ont beaucoup d’appétence pour cette proposition d’être à tous les moments des projets, observe Ophélie Deyrolle. Ils ont la volonté d’être de la conception à la réalisation, même dans l’évaluation. C’est le fait d’être considéré comme étant des personnes qui savent ce dont elles ont besoin et donc de les inclure dans la détermination de leurs besoins et des projets. » Ce positionnement permet, même au bout d’un an d’expérimentation, de donner des exemples de personnes ayant souhaité reprendre un engagement associatif, une formation, ou un emploi, même à temps partiel.

Pour la présidente du Wip, ces résultats s’expliquent aussi grâce à l’un des atouts majeurs des tiers-lieux, la mixité des publics. Chaque atelier est ouvert à tous : « Nous sommes vigilant, nous ne le faisons pas forcément tout de suite pour tout le monde, mais à la fin, nous arrivons à mixer les publics et les projets et c’est une vraie force. Le Dôme ou le Café des images1 pourraient raconter la même chose, mais je vais vous donner un exemple au Wip. Sur les espaces extérieurs, nous avons des démonstrateurs de la transition écologique (composteurs, mobilier urbain, plantation d’arbres adaptés au changement climatique, etc.). Nous voulions organiser un parcours pour que les gens comprennent ce qu’on y fait. En même temps, nous avions la possibilité de faire cette signalétique et un projet de création artistique avec du réemploi de matériaux, et puis, nous avions Territoires partagés en recherche d’activités à proposer aux participants. On a réuni ces trois projets. Nous avons conçu le projet ensemble, avec une semaine de chantier participatif en mêlant des artistes, des bénévoles, des travailleurs du Wip et les participants de Territoires partagés avec derrière un moment festif ouvert au grand public. Chacun était enthousiasmé par cette capacité à faire du commun. »

Les participants de Territoires partagés créent ainsi des relations et interagissent avec de multiples personnes. Un lien social indispensable dans les parcours d’insertion.

Au tiers-lieu de Sainte-Marthe, les envies des personnes condamnées aux TIG sont également prises en compte. Et ce dès le début du processus. « Ce sont les conseillers pénitentiaires d’insertion de probation qui reçoivent la personne condamnée à un TIG et qui font une cartographie de sa situation. On s’adapte au maximum, à la fois pour que ça puisse se faire matériellement et aussi pour que ce soit intéressant pour la personne condamnée », explique Charline Beaupré. Une fois la personne fléchée vers le tiers-lieu, les équipes de TETRIS la reçoivent une heure en entretien pour lui faire découvrir le site et discuter de ses envies concernant son futur travail : « Nous avons accueilli quatre personnes en 2021 avec des profils différents. Ça a très bien fonctionné à chaque fois. Le fait d’être organisé en plateau technique et pédagogique a permis de trouver le type d’activité qui allait leur convenir. On continue avec grand plaisir de part et d’autre », confirme l’initiateur de la SCIC TETRIS.

Sur les quatre personnes reçues, deux ont travaillé sur la partie bricolage, une sur la partie agriculture/cuisine et la dernière, la plus jeune, sur le développement du site Internet : « C’est surtout le fait de travailler en collectif qui me paraît être la vraie valeur ajoutée, analyse Philippe Chemla. On ne discrimine pas, c’est le mode de fonctionnement sur le tiers-lieu, il peut y avoir tout type de profils qui se retrouvent autour d’une activité sans étiquette. La plupart des personnes en TIG sont revenues au moins une fois sur le tiers-lieu pour dire bonjour. »

L’objectif des TIG semble être particulièrement réussi au sein de la structure, d’autant plus pour Charline Beaupré qui met l’accent sur la vocation d’insertion du TIG : « Les tiers-lieux sont des structures bien ancrées sur leur site, qui connaissent les partenaires des lieux, il y a une vraie bonne prise en charge de nos publics chez TETRIS et un accueil bienveillant avec un retour très positif. »

  1. Les deux autres tiers-lieux impliqués dans Territoires partagés.

Fatima Mostefaoui
« Tiers-lieu ? C’est un mot à la mode, mais dans nos quartiers, nous avons toujours créé du commun et des lieux d’échanges. »

Engagée de longue date en faveur des quartiers, Fatima Mostefaoui s’est retrouvée mise en lumière par la publication d’une tribune dans Libération1 avec un groupe de 34 femmes issues des cités de Marseille. Du collectif Pas sans nous, à son association Avec nous !, elle a passé de nombreuses étapes, avec notamment la création d’une fabrique du numérique au pied de son immeuble dans son quartier. Elle revient avec nous sur les risques et les avantages d’institutionnaliser une initiative locale.

Quelle évolution avez-vous suivi dans votre parcours ?

J’ai commencé dans une association de locataires et aujourd’hui, l’association que j’ai pu créer, Avec nous !, porte une fabrique du numérique labellisée par l’État. Cela peut paraître déconnecté, mais c’est au contraire très lié, car cela part d’un constat : nous avons observé avec les habitants ce qui pouvait être intéressant pour nos quartiers. Il y a toujours eu une continuité dans le travail et les personnes engagées.

Comment les fonds de l’État ont-ils permis de développer votre projet ?

Je n’ai jamais eu mauvaise conscience à demander de l’argent à l’État. Après, quand on demande des fonds, on est obligé de se plier à certaines règles. Ça ne veut pas dire que l’on cautionne tout. Ce n’est pas parce que je trouve le dispositif des fabriques du numérique intéressant que je suis d’accord avec tous les projets d’Emmanuel Macron. L’État et les collectivités locales sont là pour gérer l’argent public. Si les élus trouvent notre projet intéressant et pertinent par rapport aux enjeux du territoire, alors il mérite des subventions. Ma recette, c’est de respecter tous les politiques, mais de s’en tenir à distance.

Quels risques peut-il y avoir à institutionnaliser un projet comme le vôtre, par exemple via une fabrique du numérique ?

Je ne pense pas que les fabriques du numérique soient institutionnalisées. Pas la mienne en tout cas ! Nous sommes très à l’écoute de la demande des habitants. C’est une des clés de réussite. Le label permet de toucher des fonds, mais après il faut savoir rester attentifs aux besoins du territoire. Il faut vraiment être très vigilant quand on cherche à dupliquer un projet. Cela peut marcher, mais rarement. C’est ce qui est intéressant avec le label « Grande école du numérique ». C’est un appel national, mais il y a de la place pour l’expérimentation. Vous allez pouvoir garder votre ADN et les valeurs défendues jusqu’ici.

Vous êtes la preuve que l’on peut ne pas être une grande structure, mais porter un projet d’envergure…

C’est intéressant, car souvent on dit que les associations ne sont pas capables de porter des grands projets. Aujourd’hui, ce projet nous prouve que l’on peut jouer dans la cour des grands. Mais pour cela, il faut que la porte de l’État reste ouverte, et pas qu’aux grandes associations.

Quels liens avez-vous avec les plus grandes associations ?

C’est parfois frustrant, car elles ont les moyens de répondre aux appels à projets et donc de récupérer de l’argent, mais après elles nous sollicitent pour les aider. Car nous sommes implanté localement. Nous sommes toujours dans un esprit de partenariat, c’est presque une obligation. Mais si on prend l’exemple de la concertation, j’ai vu des structures prendre 30 ou 40 000 euros pour venir en faire alors que c’est nous qui faisions venir les gens. À un moment, nous nous sommes dit qu’il fallait que l’on se fasse payer. Rémunérer une association, c’est aussi reconnaître son travail. Et c’est gratifiant pour elle. La pandémie du covid-19 a réellement permis de mettre en avant toutes les petites associations.

Quels conseils pourriez-vous donner ?

Il faut se faire confiance. On peut avoir des capacités que les gens ignorent. Par exemple, sur la partie financière, si vous êtes droit dans vos baskets quand vous gérez 1 000 euros, vous pouvez le rester avec 1 million. Ce qui est difficile, c’est que, quand vous êtes une petite structure, vous n’avez personne pour vous aider. Quand vous passez les étapes, vous vous retrouvez à gérer de l’argent. Mais au départ, vous ne pouvez pas prendre un comptable. Tout est fait bénévolement. Mais il ne faut pas craindre de grandir. Plus vous allez avoir de moyens, plus vous allez pouvoir lancer de projets.

Sur la fabrique du numérique, comment vous êtes-vous lancée avec l’association ?

Moi, je n’y comprends rien au numérique. Je me suis lancé dans un trou noir. Mais collectivement, nous nous sommes dit : « Allons-y, nous n’avons rien à perdre » Aujourd’hui, quand je vois des fabriques qui fonctionnent avec des gamins qui viennent le mercredi pour faire des projets, utiliser des machines dont ils ignoraient l’existence, partager leurs connaissances, je trouve ça génial. C’est très intéressant de permettre à des associations comme la mienne de monter un tiers-lieu. C’est un mot à la mode, mais dans nos quartiers, nous avons toujours créé du commun et des lieux d’échange. Parfois, c’est chez une voisine autour d’un échange de recette. Là, c’est du numérique, mais c’est la même idée. C’est une manière de continuer le partage. En bénéfice caché, notre fabrique et les machines permettent d’intéresser les gens à l’écologie. Ils voient directement le bénéfice. Quand ils cassent une machine à laver, ils viennent et on s’arrange pour trouver ou créer la pièce. Ils repartent avec et économisent 400 euros d’une machine neuve.

  1. Mostefaoui F. et al., « Redistribuons les biens de la mafia aux quartiers populaires de Marseilles », tribune, Libération 1er avr. 2019.
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