Revue

Cartoscopie

Quels récits pour la forêt dans l’anthropocène ?

Carte de la couverture forestière communale
Carte de la couverture forestière communale
©Karine Hurel
Le 23 août 2022

La révolution naturelle à laquelle le changement global nous invite est souvent associée à une rupture radicale de modèle culturel et à une transformation des représentations qui structurent notre rapport au monde. Penser nos territoires dans ce contexte oblige donc à renouveler nos outils d’observation dont la cartographie fait partie intégrante.

Qui a consulté le magnifique manuel de cartographie Terra forma aura une idée des potentialités à venir, mais pourrait aussi se sentir démuni face à une telle tâche. Pourtant, la seule reconsidération d’indicateurs courants, si l’on prend la peine de changer leur mise en récit, contribue aussi à révéler ce nouveau monde en cours d’émergence. Dans la modernité productiviste, cette géographie des forêts conduisait à situer les stocks en bois de chauffage et de construction, à marquer l’accès à des ressources alimentaires que les pratiques de chasse et de cueillette offrent, ou encore, à caractériser des espaces de loisir et de divertissement qui concourent à l’attractivité touristique et résidentielle des territoires.

Avec le changement climatique, l’intérêt se précise, en particulier du côté des villes : on ne saurait douter aujourd’hui que les grandes agglomérations considèrent la présence sur leur territoire, ou en proximité, de forêts susceptibles de constituer des havres précieux de fraîcheur pour les années à venir. Mais l’entrée dans l’anthropocène élargit la palette narrative de cette géographie. Ainsi les plus inquiets songeront aux mégafeux, ces incendies impossibles à maîtriser avec nos moyens techniques dont l’intensité et la puissance de destruction touchent depuis plusieurs étés l’Australie, Californie, Grèce, etc. La carte devient alors celle des territoires menacés par une nouvelle forme de vulnérabilité.

Les plus opportunistes y verront un nouvel eldorado à venir : les puits de carbone et des marchés qui offrira bientôt aux possesseurs de forêt une confortable rente basée sur l’exploitation des droits à émettre du CO2 dont les plus grandes entreprises et collectivités seront friandes pour continuer à produire, se déplacer et consommer. D’autres, inspirés des pratiques nordiques, seront sensibles à la capacité de soin et d’éducation que les forêts offrent : les fréquenter régulièrement réduirait les risques cardiovasculaires, le stress et la dépression. Les skovbørnehaver, classes de forêt danoises, offriraient un modèle pédagogique alternatif épanouissant. Les plus engagés, et lecteurs de Christopher Stone, seront tentés d’en faire des lieux de lutte et de reconnaissance de nouveaux droits pour les non-humains, précurseurs de nos futurs territoires de vie et de cohabitation entre vivants. Un indicateur, une carte, donc mais une multitude de récits.

Carte de la couverture forestière communale

Carte de la couverture forestière communale

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